Discours de la ministre d’État Ablonczy au Forum stratégique de Palm Beach

Le 8 avril 2013 - Palm Beach (Floride)

Sous réserve de modifications

Bonjour à tous. Merci, Gray [Swoope, secrétaire de la Floride au Commerce et PDG d’Entreprise Florida Inc.], pour votre aimable présentation.

Tout d’abord, laissez-moi une fois de plus féliciter chaleureusement Gil Rémillard [président fondateur du Forum économique international des Amériques], Nicholas Rémillard [président et chef de la direction du Forum économique international des Amériques], ainsi que les organisateurs et les commanditaires de cette importante conférence, qui arrive à point nommé. Je tiens aussi à remercier le gouverneur [de la Floride, Rick] Scott pour son accueil chaleureux, typique de la Floride. Cette ambiance chaleureuse est justement la raison pour laquelle plus de 10 p. 100 des Canadiens viennent visiter chaque année ce bel État, contribuant ainsi 4 milliards de dollars à l’économie de la Floride. Je sais que chacun d’entre nous a hâte d’entendre les idées et les perspectives de l’impressionnante brochette de conférenciers ici présents, ainsi que les opinions de nos collègues délégués lors de conversations informelles. 

Nos discussions ont lieu dans le contexte du retour encourageant à une croissance modérée de l’économie mondiale, et visent à répondre à la question « Quelle voie la croissance devrait-elle suivre? ».

En tant que représentante du Canada et ministre d’État pour les Amériques, mon discours portera sur des observations quant aux marchés émergents de notre hémisphère, ainsi que sur l’approche du Canada face aux possibilités qui se présentent à cet égard. 

L’ascension des Amériques

Un grand nombre d’entre vous ont certainement remarqué les affiches intrigantes sur les futures tendances économiques posées dans les aires de départ des vols par la banque HSBC. Une de ces affiches a attiré mon attention, celle sur laquelle il est écrit : « Il n’y aura plus de nouveaux marchés émergents ».

Si cette prédiction s’avère juste, comme le suggère HSBC, une source digne de foi, le potentiel que présentent les marchés émergents des Amériques devrait alors être au cœur de l’approche stratégique des dirigeants du gouvernement et des entreprises. Et de fait, plusieurs exemples viennent confirmer ce fait. D’ailleurs, on prédit qu’à long terme, ces économies émergentes surpasseront un grand nombre, voire la plupart des économies avancées d’aujourd’hui. 

Voici quelques exemples :

  • Le Brésil occupe maintenant le septième rang des économies mondiales1 et pourrait se hisser bientôt au cinquième rang.
  • Le Chili jouit maintenant d’une solide réputation en tant que destination stable pour les investissements et les affaires, ce qui explique pourquoi le Canada est le plus important investisseur étranger dans ce pays depuis plus de dix ans.
  • Le Pérou et la Colombie se sont également démarqués comme des marchés émergents dynamiques, et le taux de croissance de leur PIB figure parmi les plus élevés de l’hémisphère. Ces pays disposent également d’institutions politiques stables.
  • Le milieu des affaires des plus petits États, soit le Panama, le Suriname et le Nicaragua, est particulièrement accueillant, ce qui pourrait en surprendre certains.
  • Bien sûr, le Mexique poursuit sa réforme, continue de se diversifier et d’accroître les structures de soutien de son économie dans le cadre de l’ALENA. Les progrès à cet égard constituent un important objectif de la nouvelle administration du président [Enrique] Peña Nieto.
  • Bien que plusieurs États des Caraïbes avec qui le Canada entretient des relations d’amitié et des liens culturels durables soient confrontés à une situation financière problématique, nous voyons d’un bon œil la détermination et les efforts renouvelés de la Jamaïque en vue de remettre de l’ordre dans ses finances publiques. Le leadership inébranlable dont le premier ministre Simpson Miller fait preuve, avec l’appui courageux du peuple jamaïcain, pourrait marquer le début d’un long et difficile processus qui permettra à ce magnifique pays d’accéder à un avenir prospère. 

Et ce n’est pas tout.

La Banque mondiale signale qu’au cours de la dernière décennie, la classe moyenne de l’Amérique latine a augmenté de 50 p. 1002 . Cette augmentation est une indication concrète des progrès accomplis par ces économies émergentes.

Évidemment, nous suivons tous de près, avec beaucoup d’intérêt et d’enthousiasme, l’émergence de la nouvelle et ambitieuse Alliance du Pacifique, qui comprend actuellement le Chili, la Colombie, le Mexique, et le Pérou et qui pourrait accueillir d’autres pays dans un avenir rapproché. La vision audacieuse de l’Alliance, qui réalise des progrès très rapides, est la formation d’une union de libre-échange profondément intégrée qui permettrait d’assurer un lien avec les économies dynamiques des pays du bassin du Pacifique. 

Malgré ces progrès extrêmement encourageants, nous avons encore des défis à relever. Or, certains dans la région regardent avec méfiance la coopération bilatérale et multilatérale ainsi que les activités des entreprises internationales, et y opposent même une résistance farouche.

Dans certains cas, les accords, les contrats et les traités négociés de bonne foi ne sont pas honorés pour toutes sortes de prétextes.

Même si les Amériques présentent un vaste potentiel de développement économique, les investisseurs ne doivent pas ignorer les risques associés au non-respect des engagements, au changement des règles du jeu en cours de partie, et même à la nationalisation de projets pour des raisons politiques. Une part importante de ces projets est financée par de petits épargnants et actionnaires ou des fonds de pension de travailleurs ordinaires, voire des contribuables des pays partenaires.

Nous devons continuer à communiquer, à la fois par la voie du dialogue et par l’élaboration de politiques, le besoin de se doter de règles claires, fiables et cohérentes. Pour favoriser la croissance économique, il est primordial que tout pays appuie les créateurs d’emploi et de richesse, et ce, en adoptant des régimes fiscaux raisonnables, en souscrivant à la primauté du droit pour faire échec aux jeux d’influence, et en adoptant une réglementation équilibrée.

De plus, je tiens à souligner la menace grandissante d’une mentalité qui, à l’échelle des Amériques, s’oppose au développement, en particulier à l’égard des entreprises du secteur de l’extraction. Cette attitude constitue un problème même dans mon propre pays.

Nous sommes plusieurs ici à avoir assez de vécu pour reconnaître que le financement de projets publics d’infrastructure comme moyen d’appuyer la croissance des entreprises commerciales, et la prestation de services sociaux importants, comme l’éducation de qualité et les soins de santé, sont rendus possibles en grande partie par les revenus tirés de l’exploitation des ressources.

Pourtant, certains intervenants continuent à s’opposer fermement aux projets de cette nature.

J’estime urgent que les gouvernements, les entreprises et les analystes déploient des efforts concertés, et que la société civile fasse preuve de détermination, afin de fournir aux citoyens des informations concrètes et solides démontrant que l’exploitation des ressources se fait dans le respect de l’environnement et conformément à des pratiques socialement responsables.

Sans l’aval de la société à l’égard des projets de développement, il est tout simplement impossible de générer les revenus qui permettront de créer de bons emplois, de fournir des services modernes en matière d’éducation et de formation, de réaliser des progrès technologiques et de favoriser le progrès social et une meilleure égalité.

En tant que dirigeants, nous devons penser sérieusement à des façons de surmonter cet obstacle.

L’engagement du Canada dans les Amériques

Malgré les obstacles, les perspectives économiques demeurent prometteuses. Le Canada est pleinement conscient de l’importance économique et géopolitique grandissante des pays de notre hémisphère. En effet, dès 2007, le premier ministre [Stephen] Harper a fait de notre engagement dans la région une priorité de notre politique en matière d’affaires étrangères.

Pour paraphraser un illustre Canadien, Wayne Gretzky, un bon joueur de hockey doit savoir anticiper les déplacements de la rondelle.

Dans le cadre de son Plan d’action économique visant à favoriser la création d’emplois, la croissance économique et la prospérité, le Canada a réaffirmé son engagement à long terme d’élargir son réseau commercial mondial, notamment en renforçant sa présence dans les Amériques.

À cet égard, nous avons resserré les relations, les partenariats et les liens économiques avec nos voisins des Amériques grâce à un vaste éventail d’initiatives.

Nous savons par expérience que ces initiatives permettront de renforcer la prospérité et la croissance au bénéfice non seulement de notre pays, mais également de nos partenaires.

Nos réalisations dans le cadre de l’ALENA ont servi de pierre angulaire à de nombreux accords commerciaux que nous avons conclus ailleurs dans les Amériques.

Fort de cette expérience, le Canada travaille aujourd’hui activement avec des partenaires économiques clés dans les Amériques afin d’ouvrir de nouveaux marchés et de créer les conditions propices à l’établissement d’un environnement transparent et réglementé en matière de commerce et d’investissement.

Dans la foulée de ces efforts, nous avons conclu sept nouveaux accords commerciaux avec des pays de notre hémisphère. D’ailleurs, pas plus tard que la semaine dernière, l’accord de libre-échange entre le Canada et le Panama est entré en vigueur. Nous avons en somme avec les Amériques plus d’accords commerciaux qu’avec le reste du monde.

Depuis 2007, les échanges commerciaux du Canada avec la région des Amériques ont augmenté globalement de 32 p. 100.

Les entreprises canadiennes participent aussi activement à cette évolution. Dans l’ensemble, plus de 2 500 sociétés canadiennes font des affaires dans les Amériques, soutenues par neuf accords sur la promotion et la protection des investissements étrangers, ainsi que par de nombreux autres accords sur le commerce et l’investissement, les sciences et la technologie, et le transport aérien.

Environ 60 p. 100 de tous les investissements miniers dans la région sont de source canadienne. Le Canada contribue à favoriser et à promouvoir l’adoption de pratiques responsables dans la conduite des affaires et du développement dans les pays où nous sommes présents et où nous appliquons notre protocole de responsabilité sociale des entreprises. De fait, les entreprises canadiennes donnent le pas en ce qui concerne les pratiques minières responsables.

Le Canada est récemment devenu un observateur auprès de l’Alliance du Pacifique — l’une des initiatives les plus dynamiques de la région en matière de coopération, de libéralisation du commerce et d’intégration économique.

Nous sommes le premier pays qui ne soit pas latino-américain à avoir obtenu ce statut.

Notre engagement dans les Amériques n’est cependant pas simplement économique. La création de débouchés et le renforcement de notre prospérité mutuelle reposent sur la présence d’un contexte de paix et de sécurité appuyé par des institutions démocratiques solides, ainsi qu’une main-d’œuvre dynamique, éduquée et polyvalente.

Le Canada travaille avec des partenaires de la région à la réalisation d’objectifs communs dans tous ces secteurs, auxquels il consacre une somme de 2 millions de dollars répartis sur trois ans.

Par exemple, depuis quelque temps, le Canada travaille côte à côte avec les pays de l’Amérique centrale afin de relever conjointement les défis de la région en matière de sécurité, particulièrement dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée et le trafic de stupéfiants.

Au Guatemala, notre soutien, qui s’est traduit notamment par la fourniture d’équipement médico-légal de pointe et la prestation de formation, a contribué à faire passer le taux de résolution des crimes de 5 p. 100 en 2009 à 30 p. 100 en 2012.

Nous sommes aussi conscients du fait que la force et l’intégrité des institutions d’une société, depuis la fonction publique jusqu’à l’appareil judiciaire en passant par le gouvernement même, ont une incidence directe sur l’environnement commercial et le contexte des affaires d’un pays, ainsi que sur ses perspectives de prospérité et de croissance à long terme.

C’est pourquoi la collaboration en vue de renforcer la gouvernance démocratique dans l’ensemble de notre hémisphère est un volet clé de notre stratégie économique.

À titre d’exemple, au Pérou, plus de 550 inspecteurs et 450 travailleurs, employeurs et représentants du gouvernement ont reçu depuis 2009 une formation sur la prévention et la résolution des conflits de travail.

En Colombie, nous avons soutenu des familles déplacées de force par des groupes armés pour les aider à retourner sur leurs terres et à en obtenir les titres de propriété légaux.

Comme l’économiste péruvien Hernando de Soto Polar l’a fait valoir, les droits de propriété constituent la clé de voûte du succès économique des pays en développement.

Afin de bien coordonner nos efforts, nous avons répertorié nos nombreux projets de partenariat dans les Amériques et les avons triés par emplacement sur une carte virtuelle diffusée publiquement et appelée Panorama-Amériques. Je vous invite à la consulter sur le site Ameriques.gc.ca.

Un autre bon exemple qui illustre notre engagement continu est l’étendue des liens qui unissent le Canada et les pays des Amériques dans le domaine de l’éducation.

Le Canada a accueilli plus de 15 000 étudiants de la région en 2011, et plus de 500 accords en matière d’enseignement postsecondaire ont été conclus entre des établissements canadiens et ceux de la région. 

De plus, entre 2009 et 2011, le Canada a soutenu le déroulement d’élections justes et transparentes dans 17 pays de la région en contribuant à pas moins de 47 missions d’observation électorales de l’Organisation des États américains.

Ce nombre continuera d’augmenter puisque nous soutiendrons la mission d’observation électorale au Paraguay ce mois-ci.

Conclusion

Pour ouvrir la voie de la croissance économique avec les marchés émergents de l’ensemble des Amériques, il faut, plus que dans toute autre partie du monde, se fonder sur l’établissement de liens interpersonnels et de relations de confiance. Il nous faut cette pierre angulaire pour asseoir une base solide de compréhension mutuelle et de coopération dans l’hémisphère.

S’il y a un message que j’aimerais vous laisser pour démontrer l’engagement du Canada en vue d’assurer la croissance économique dans les Amériques et avec les Amériques, c’est celui-ci : nous attachons une importance cruciale aux liens interpersonnels et aux relations de confiance.

Je remercie encore une fois le Forum de m’avoir offert cette tribune pour vous faire part de certaines de nos perspectives. Nous comptons bien profiter des deux prochaines journées pour envisager ensemble les meilleures façons de tirer parti du retour à la croissance de l’économie mondiale, et par la même occasion d’aider à assurer une qualité de vie et un niveau de vie stables pour tous les peuples du monde.


1 http://www.telegraph.co.uk/finance/economics/9764781/UK-reclaims-sixth-largest-economy-slot.html

2 http://www.worldbank.org/en/news/feature/2012/11/13/crecimiento-clase-media-america-latina