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Le Canada et la Corée

Analyse préliminaire des incidences
économiques d’un ALE Canada-Corée

RÉSULTATS DES SIMULATIONS : INCIDENCE DE LA LIBÉRALISATION DU COMMERCE DES MARCHANDISES ENTRE LE CANADA ET LA CORÉE

La présente section décrit l’incidence de l’élimination des droits de douane sur le commerce bilatéral de marchandises entre le Canada et la Corée ainsi que sur le PIB et le bien-être économique. La simulation suppose l'élimination complète de la protection commerciale, saisie dans la base de données GTAP, mise à jour comme on le décrit ci-dessus, dans tous les secteurs industriels et agricoles. On a procédé à deux interventions pour tenir compte des faits se rapportant aux secteurs automobile et laitier :

  1. L’incidence de l’établissement de sites de production de marques automobiles coréennes aux États Unis sur les expéditions au Canada de véhicules automobiles en provenance de Corée est pris en compte explicitement. On présume que ces « usines délocalisées » font baisser les expéditions au Canada d’automobiles en provenance de Corée de 57,2 %, comparativement au niveau qu’elles auraient atteint autrement.

  2. L’incidence sur le secteur laitier est réduit à zéro pour tenir compte d’une décision de l’organe de règlement des différends de l’OMC, laquelle limite les exportations canadiennes de produits laitiers, ainsi que du manque de capacité d’exportation de la Corée.

On trouvera à l’annexe I une analyse détaillée des justifications et des méthodes de ces interventions, avec des preuves à l'appui.

Niveaux de protection et élasticités
d’Armington dans l’agrégation sectorielle

Les simulations ont été exécutées sur la base d’une désagrégation sectorielle complète. Les définitions des secteurs du commerce des marchandises du modèle GTAP, de même que les valeurs des élasticités de substitution d’Armington correspondantes, sont indiquées dans le tableau 4a ci dessous.

Tableau 4a : Secteurs du GTAP et élasticités de substitution d’Armington. (Cet hyperlien ouvrira une nouvelle fenêtre)

Les données relatives à la protection qui figurent dans la version 6.0 de la base de données GTAP proviennent de la base de données MAcMap (Market Access Map), qui a été créée et qui est gérée conjointement par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) de Paris, et le Centre du commerce international (CCI) de Genève. Les données tarifaires sont compilées en fonction du Système harmonisé des codes à six chiffres et comprennent les équivalents ad valorem des droits particuliers et ceux des contingents tarifaires (CT). Les données relatives à la protection de la base de données GTAP 6.0 ne sont toutefois à jour que jusqu’en 2001; on les a donc mises à jour afin de prendre en compte la mise en œuvre complète des réductions des droits de douane dans le cadre du Cycle d’Uruguay, les engagements de la Chine au moment de son adhésion à l’OMC et l’expiration de l’Accord de l’OMC sur les textiles et les vêtements (ATV).

Le tableau 4b présente les données mises à jour sur les mesures de protection bilatérales appliquées par le Canada et la Corée correspondant à la classification GTAP pour le commerce des marchandises16, ainsi que les niveaux d’échanges de 2001 à partir desquels les simulations ont été exécutées. En général, l’importance de l’incidence commerciale est principalement déterminée par l’envergure des élasticités et de l’écart entre les prix nationaux et les importations, lequel résulte des mesures de protection. Comme on peut le voir, le Canada applique des tarifs élevés (de 9,9 à 113,9 %) dans quelques catégories de marchandises, notamment les produits laitiers, le matériel de transport, les huiles végétales, les textiles et les vêtements. Ces marchandises représentaient 13,3 % du total des importations coréennes par le Canada, la catégorie textiles et vêtements constituant plus de la moitié de ces importations (7,2 %). La majeure partie des marchandises coréennes importées par le Canada était soumise à des droits de douane compris entre 0,1 % et 8,6 %. Dans ce groupe, le matériel électronique dominait clairement, représentant 28,9 % du total des importations du Canada, suivi des véhicules automobiles et des pièces; lesquels étaient soumis à des droits de douane pondérés en fonction du commerce de 5,9 %. Les autres catégories dominantes étaient entre autres les machines et l’équipement ainsi que les produits chimiques. Les droits de douane appliqués à ces marchandises étaient faibles.

La Corée fait l’objet d’un niveau de protection beaucoup plus élevé que le Canada. Environ 0,3 % des exportations canadiennes à destination de la Corée étaient soumises à des droits de douane allant de 206,8 % à 1 000 %. Les principales exportations canadiennes entrant dans cette catégorie étaient les grains céréaliers (taux tarifaire de 321,7 %) ainsi que les boissons et le tabac (206,8 %). Environ 7,8 % des exportations canadiennes vers la Corée étaient soumises à des droits de douane se situant entre 10,4 % et 47,4 %. Les marchandises se classant dans cette catégorie provenaient principalement des secteurs de l’agriculture et des produits alimentaires, dans lesquels le Canada bénéficie clairement d’un avantage concurrentiel. La majorité (71,6 %) des exportations canadiennes à destination de la Corée était soumise à des droits de douane allant de 0,1 % à 8,1 %. Les marchandises de cette catégorie comprenaient le charbon, les produits chimiques, les métaux, le matériel électronique, les machines et l’équipement ainsi que les produits minéraux. Environ 20,3 % des exportations canadiennes (produits des pâtes et du papier) étaient exemptées de droits.

Étant donné les taux tarifaires généralement plus élevés sur les exportations canadiennes vers la Corée que dans le sens contraire, il est probable qu’un ALECCS génèrerait pour le Canada une augmentation plus marquée des exportations que des importations. De plus, puisque les taux de protection appliqués par la Corée sont élevés, notamment dans le secteur agricole, on prévoit également que les exportations canadiennes en Corée seront stimulées par la part du marché grignotée aux exportateurs de pays tiers. Par ailleurs, ce détournement des courants commerciaux réduirait les gains de la Corée en matière de bien-être économique découlant d’une expansion du commerce avec le Canada.

Tableau 4b : Droits de douane bilatéraux appliqués par le Canada et la Corée, et coefficients de pondération des échanges, classification GTAP  (Cet hyperlien ouvrira une nouvelle fenêtre)

Incidences sur le commerce des marchandises

Le tableau 5 illustre l’évolution des exportations canadiennes vers la Corée à la suite de l’élimination des droits de douane sur le commerce bilatéral de produits industriels et agricoles, d’après le scénario central de bouclage.

Tableau 5 : Évolution des exportations de marchandises (FOB) canadiennes en Corée sous le régime d’un ALECCS (Cet hyperlien ouvrira une nouvelle fenêtre)

Source : Calculs de l’auteur basés sur les simulations GTAP, bouclage du scénario central. Nota : Les écarts de pourcentage entre les colonnes (3) et (6) traduisent les différences de pondération et une légère différence entre la définition du total des échanges de marchandises dans la base de données GTAP et le total indiqué par Statistique Canada, compte tenu de la classification des échanges de marchandises du Système harmonisé (SH).

Selon la composition sectorielle et le niveau de 2001 des exportations de marchandises canadiennes vers la Corée, l’ALE engendre une augmentation de 56 % (résultats indiqués dans les colonnes 1 à 3). Si l’on applique les changements en pourcentage par secteur du GTAP à la composition sectorielle et au niveau de 2005 (colonnes 4 à 6), on constate les répercussions, sur ces résultats, des changements intervenus dans les niveaux et la composition du commerce Canada-Corée entre 2001, l’année de référence du modèle GTAP, et la dernière année pour laquelle nous disposons de données sectorielles complètes sur le commerce des marchandises. Dans l’ensemble, l’augmentation des exportations canadiennes se situe au même niveau, soit 56 %. Selon les données de 2005, la valeur des exportations canadiennes vers la Corée augmenterait de 1 581 millions de dollars17.

Les principaux gains à l’exportation se trouvent dans les secteurs des produits primaires et des aliments transformés, domaines dans lesquels Canada a réalisé d’importantes percées sur le marché coréen ces dernières années. Les exportations d’autres produits manufacturés sont stimulées à un degré moindre, bien que les gains demeurent substantiels.

Le tableau 6 illustre l’évolution des importations au Canada en provenance de la Corée à la suite de l’élimination des droits de douane sur le commerce bilatéral des produits industriels et agricoles. En se fondant sur la composition sectorielle et le niveau de 2001 des importations canadiennes de marchandises en provenance de Corée, les résultats de la simulation indiquent une hausse de 29 %. À partir de la composition sectorielle et du niveau de 2005, cette hausse n’est que de 19 %, ce qui reflète surtout le déclin marqué des exportations coréennes de textiles et de vêtements depuis 2001. Cette différence montre la sensibilité possible des résultats aux conditions de départ exprimées dans la base de données du modèle; parallèlement, elle démontre qu’il est important de tenir compte des changements structurels substantiels survenus dans la période suivant l’année de référence. Par exemple, dans le cas présent, la réorganisation générale du commerce mondial de textiles et de vêtements résultant de l’émergence de la Chine et de l’expiration de l’Accord de l’OMC sur les textiles et les vêtements a entraîné le démantèlement du système de contingents pour le commerce dans ce secteur. Selon les données de 2005, la valeur des importations canadiennes en provenance de Corée augmenterait 1 006 millions de dollars.

Tableau 6 : Évolution des importations canadiennes (c.à.f.) en provenance de Corée dans le cadre d’un ALECCS  (Cet hyperlien ouvrira une nouvelle fenêtre)

Contrairement aux gains dans les exportations canadiennes, qui sont concentrés dans les secteurs primaires et des produits alimentaires, l’augmentation des importations canadiennes se concentre dans le secteur des produits manufacturés.

Création et détournement d’échanges commerciaux

La taille relative des incidences de la création et du détournement des courants commerciaux provoqués par un ALECCS pour ce qui est des importations et des exportations est indiquée dans les tableaux 7 et 8 ci-dessous. Toutes les données fournies dans ces tableaux correspondent à la base de données GTAP 6.0 originale, basées sur les niveaux de commerce de 2001 et exprimées en dollars US de 2001.

L’accès préférentiel à un marché créé par un accord de libre-échange peut donner lieu tant à la création qu’au détournement du commerce. Un exemple concret permet d’illustrer ces effets. Prenons, par exemple, l’augmentation substantielle des exportations canadiennes vers la Corée de produits primaires et de produits alimentaires prévues par le modèle (voir le tableau 5). Un de ces produits alimentaires est le bœuf désossé, qui est présentement soumis à un droit de douane de 40 % sur le marché coréen. Selon le modèle qui présume que les consommateurs sont sensibles à l’évolution des prix, la réduction des droits de douane coréens sur les importations canadiennes de bœuf désossé augmenterait nécessairement la demande de bœuf en Corée, puisque la baisse du prix des importations canadiennes provoquerait une baisse des prix du bœuf désossé en Corée. Cependant, la majeure partie de l’augmentation des exportations canadiennes ne reflèteraient pas l’accroissement de la demande finale, mais plutôt l’obtention d’une part de marché plus grande en Corée. Cette part de marché additionnelle serait prise sur celle des producteurs coréens qui offrent des produits plus chers. C’est ce qu’on appelle la création du commerce, laquelle entraîne un ajustement structurel qui accentue l’efficacité dans les économies canadienne et coréenne. Toutefois, la part de marché additionnelle serait également prise en partie aux fournisseurs tiers de bœuf (comme l’Australie), qui serait encore soumise à des droits de douane de 40 %. Ainsi, alors que les importations coréennes de bœuf en provenance du Canada augmenteraient, les importations de bœuf en provenance de pays tiers reculeraient. C’est ce qu’on appelle le détournement du commerce. Comme on le constate dans l’analyse ci-dessous, si le commerce créé par l’ALECCS entraîne des gains de bien être économique, le détournement du commerce neutralise en partie ces gains.

Comme l’indique le tableau 7, le choix du bouclage influence fortement l’étendue du détournement du commerce sur les marchés d’importation. L’étendue du détournement du commerce est la plus forte lorsqu’elle est associée au bouclage le plus contraignant, dans lequel les offres de capital et de main-d’œuvre sont fixes et les gains sur les marchés des facteurs prennent la forme d’augmentation des salaires et des rendements du capital. Le volume du détournement du commerce est le moins élevé dans le scénario dans lequel les offres de capital et de main-d’œuvre sont complètement flexibles et les gains découlant du commerce dans les marchés des facteurs sont reflétés dans les créations d’emplois et l’augmentation du capital. L’accroissement de l’activité économique résultant de l’augmentation des offres de main-d’œuvre et de capital provoque une demande supplémentaire pour les importations de toutes les parties, ce qui annule l’effet de détournement généré par l’ALECCS auprès des tierces parties. Dans le cas de la Corée, la demande d’importations, lorsqu’on permet aux offres de main-d’œuvre et de capital de fluctuer, annule complètement l’effet du détournement du commerce, ce qui donne lieu à une augmentation nette des importations des tierces parties.

Tableau 7 : Incidence d’un ALECCS sur les sources d’importation de marchandises canadiennes et coréennes, selon les différents bouclages, en dollars US de 2001 (Cet hyperlien ouvrira une nouvelle fenêtre)

On trouvera au tableau 8 ci-dessous une comparaison similaire des effets de la création et du détournement du commerce sur le plan des exportations.

Tableau 8 : Incidence d’un ALECCS sur la destination des exportations canadiennes et coréennes de marchandises, selon les différents bouclages, en dollars US de 2001
 (Cet hyperlien ouvrira une nouvelle fenêtre)

Comme on peut le constater, les différents bouclages ont une incidence plus grande sur les exportations que sur les importations. Pour le Canada comme pour la Corée, l’augmentation de la capacité de production selon le bouclage le moins contraignant (iv) est suffisante pour soutenir non seulement l’expansion du commerce bilatéral sous le régime de l’ALECCS, mais également les exportations additionnelles vers les tierces parties. À l’inverse, selon la règle de bouclage la plus contraignante (offres de main-d’œuvre et de capital fixes), une partie plus grande du commerce bilatéral stimulé par l’ALECCS nécessite, en fait, une réduction des exportations canadiennes et coréennes vers les tierces parties. Cela représente principalement les contraintes de ressources présumées dans les simulations du modèle. On part du principe que les ressources de production sont fixes du point de vue de l’offre et pleinement utilisées, aussi bien avant qu’après la mise en œuvre de l’ALE. Par conséquent, la production supplémentaire nécessaire pour soutenir l’accroissement des exportations vers le partenaire de l’ALE doit provenir d’une amélioration de la productivité; dans la mesure où les gains d’efficacité générés par l’ALE sont insuffisants, il en résulte que les expéditions en provenance de marchés intérieurs ou de pays tiers sont détournées vers le partenaire de l’ALE.

Les études empiriques n’offrent pas de consensus quant à l’envergure du détournement du commerce provoquée par les ALE. Selon les conceptions généralement admises, l’effet de création est plus grand que l’effet du détournement. Les tentatives directes de déterminer si les ALE entraînent une baisse du commerce avec les tierces parties à l’aide des modèles gravitaires n’ont généralement pas réussi à démontrer des effets négatifs importants, même si d’autres études ont tiré des conclusions opposées à cet égard18. Notre scénario central, qui ne fait intervenir que des volumes comparativement modestes de détournement du commerce ne s’écartent donc pas de ces études empiriques.

Incidence sur le PIB

Le tableau 9 présente une comparaison des changements provoqués par l’ALECCS sur le PIB du Canada, de la Corée et d’autres partenaires commerciaux, selon les différents bouclages; toutes les données qui figurent dans ce tableau sont calculées d’après la base de données GATP 6.0 originale, basées sur les données de 2001 et exprimées en dollars américains de 2001.

Tableau 9 : Évolution du PIB à la suite d’un ALECCS, selon les différents bouclages, dans des régions sélectionnées, en millions de dollars US de 2001  (Cet hyperlien ouvrira une nouvelle fenêtre)

Pour (Cet hyperlien ouvrira une nouvelle fenêtre)ce qui est du Canada, d’après les simulations, l’ALECCS provoquerait une augmentation de la valeur du PIB allant de 0,064 %, dans le scénario de bouclage standard (main-d’œuvre et capital fixes), à 0,268 % dans le scénario (vi) (capital et main-d’œuvre flexibles). Dans le scénario central (élasticité de la main-d’œuvre = 1, élasticité du capital flexible), le gain au chapitre du PIB pour le Canada est de 0,114 %.

Si l’on applique ces changements de pourcentage à la taille du PIB tel qu’il était en 2005 (1 369 milliards $CAN), la fourchette correspondante va de 876 millions de dollars à 3,7 milliards de dollars, et à environ 1,6 milliard de dollars dans le scénario central19.

La valeur du PIB de la Corée augmenterait de 0,024 % à 0,0691 % dans les cinq scénarios, et de 0,059 % dans le scénario central. Rapporté à la taille de l’économie de la Corée en 2005 (955 milliards $CAN), cela représente entre 229 millions de dollars et 6,6 milliards de dollars, et 659 millions de dollars selon le scénario central.

Alors que les incidences commerciales générées par le modèle sont relativement stables dans les différents scénarios (les incidences sur le commerce bilatéral ne démontrant presque pas de sensibilité), les gains globaux du PIB estimés varient énormément entre les scénarios et sont donc fortement tributaires des hypothèses formulées par le modélisateur concernant la réaction de l’économie (en terme de l’offre) aux incitatifs créés par la libéralisation des échanges.

Des évaluations empiriques du lien entre l’expansion du commerce et l’activité économique laissent entrevoir une stimulation plus forte du PIB, mais des gains globaux plus modestes pour le PIB que pour les échanges : « D’après des recherches dont on a fait état ailleurs [ …] basées sur diverses autres méthodes, les gains annuels de PIB de chaque partie représenteraient 20 % de l’augmentation du commerce [bilatéral] […] Ces gains sont attribuables à l’adoption de méthodes de production plus performantes en réaction à la concurrence, à la disparition d’entreprises moins efficaces, à des économies d’échelle et de réseau, à la réduction des marges bénéficiaires brutes, à un recours plus large à des entrées importées et à une plus grande variété des biens et des services offerts20. »

En appliquant cette règle empirique à l'augmentation estimée de la part du commerce international dans le PIB du Canada et de la Corée selon le scénario central, le gain implicite de PIB représenterait environ 276 millions de $CAN pour le Canada et 504 millions de $CAN pour la Corée. Le gain du PIB estimé pour la Corée selon le scénario central correspond bien avec cette règle empirique simple; le gain du Canada, cependant, est beaucoup plus élevé.

En examinant la plausibilité de la taille du gain de PIB estimé pour le Canada, nous notons les deux faits suivants :

  • Étant donné les caractéristiques structurelles des économies canadiennes et coréennes qui seraient affectées par un ALE, les simulations du GTAP montrent des gains plus élevés pour le PIB du Canada que pour celui de la Corée, selon tous les différents bouclages, sauf dans le cas où les contraintes visant la main-d’œuvre et le capital ont été supprimées (iv)21.

  • Selon l’estimation, le gain du PIB pour le Canada serait beaucoup plus élevé (876 millions de dollars CAN) dans le contexte du bouclage le plus contraignant, dans lequel les effets du détournement du commerce sont très importants. Le gain du PIB estimé à partir de la règle empirique exigerait donc un effet de détournement du commerce incroyablement plus important.

Pour ces motifs, nous concluons que l’estimation de l’incidence sur le PIB canadien, qui est plus important que le gain pour la Corée et qui ne cadre qu’avec des degrés modestes de détournement du commerce, est réaliste.

Pour la plupart des tierces parties, l’ALECCS proposé aurait des incidentes négatives sur le PIB selon le bouclage standard contraignant (i). Cependant, les incidences négatives diminuent à mesure que les contraintes pesant sur la capacité de production aussi bien au Canada qu’en Corée sont assouplies selon les règles de bouclage moins contraignantes (ii), (iii) et (v), et se transforment en gains positifs dans plusieurs régions dans le scénario le moins contraignant (iv). Par exemple, le PIB des États-Unis recule de 564 millions de dollars selon la règle de bouclage standard; toutefois, dans le scénario le moins contraignant (iv), le PIB américain enregistre une hausse de 130 millions de $US. Dans le scénario central, les incidences sur le PIB de la plupart des tierces parties sont généralement négatives, mais négligeables, et les incidences globales sur le PIB sont positives mais modestes; les gains les plus importants sont obtenus par le Canada et la Corée. Ce dernier résultat est conforme à l’association positive faite entre la libéralisation du commerce et la croissance mondiale.

Incidence sur le bien-être économique des ménages

La mesure la plus connue des coûts ou des bénéfices économiques d’un changement de politique dans les simulations à l’aide du modèle d’équilibre général calculable s’appelle la « variation équivalente »; il s’agit du montant qui serait nécessaire pour que les ménages jouissent du même niveau de vie dans la situation qui prévaut avant le choc provoqué par le changement de politique que dans la situation où le choc est pris en compte22.

Le tableau 10 reproduit les gains en matière de bien-être économique générés par la simulation pour le Canada, la Corée et d’autres pays et régions, et répartis en trois composantes principales :

  1. les changements dans l’efficacité allocative (répartition optimale des ressources) découlant d’une nouvelle affectation des intrants de production (main-d’œuvre et capital) à leurs utilisations les plus efficaces, causée par la réduction des distorsions tarifaires dans les économies partenaires d’un ALE;

  2. les changements dans les termes du commerce (le rapport prix à l’exportation/prix à l’importation) découlant de l’incidence de l’ALE sur le prix des biens et des services dans chaque pays;

  3. les changements de la disponibilité des dotations en facteurs de production, tels que la main-d’œuvre et le capital, générés par l’ALE dans les différents scénarios. Cela s’applique seulement au Canada et à la Corée; dans les autres régions, l’offre de main-d’œuvre et de capital demeure fixe.

Aux fins de cette comparaison internationale, les chiffres fournis sont les données originales du GTAP, c’est-à-dire en $US de 2001 rapportés à la taille des différentes économies en 2001.

Tableau 10 : Incidences sur le bien-être économique des ménages par région, en millions de $US de 2001 (Cet hyperlien ouvrira une nouvelle fenêtre)

Nota : En additionnant l’efficacité allocative, les termes du commerce et la dotation, on n’obtient pas exactement le total indiqué. Le calcul du bien-être selon le GTAP comprend également un terme qui reflète les écarts de prix entre l’épargne et l’investissement.

Comme dans le cas des incidences sur le PIB, les gains de bien-être économique estimés varient considérablement en fonction des différents bouclages. Selon les simulations, les ménages canadiens jouiraient d’un gain de bien-être économique se situant entre 143 millions de $US et 1,9 milliard $US; dans notre scénario central, ce gain est estimé à 586 millions de $US. Rapporté à la taille de l’économie canadienne en 2005, il correspond à un gain situé entre 266 millions de$CAN (selon les hypothèses les plus contraignantes) et 3,5 milliards de $CAN (selon les hypothèses les moins contraignantes); dans le scénario central, il est estimé à 1,1 milliard de $CAN23.

Pour la Corée, les résultats vont d’une perte négligeable (scénario le plus contraignant) à un gain de près de 3 milliards de $US (scénario le moins contraignant)24. La plupart des autres régions, et l’économie mondiale dans son ensemble, subiraient des pertes imputables au détournement du commerce dans le scénario le plus contraignant. Cependant, pour les tierces parties, les résultats s’améliorent de façon marquée dans les scénarios moins contraignants et, pour l’économie mondiale dans son ensemble, le bien-être économique s’améliore, puisque les contraintes de ressources au Canada et en Corée sont assouplies.

En ce qui concerne les sources des gains et des pertes, elles sont fortement influencées par l’hypothèse de bouclage. Si le capital et la main-d’œuvre sont fixes, comme c’est le cas dans le scénario (i), l’accroissement de la demande se traduit, dans une large mesure, par des augmentations des salaires et des rendements du capital. Ces coûts de facteur plus élevés sont transférés sous forme de prix plus élevés qui sont comptabilisés, dans le modèle, en tant que gains du commerce. Dans les scénarios dans lesquels des prix de facteurs plus élevés mènent à une augmentation des offres de main-d’œuvre et de capital, le gain le plus faible devient l’augmentation nette des salaires et des rendements du capital. Dans la comptabilisation du bien-être, les gains attribués aux termes du commerce diminuent, tandis que les gains attribués à l’accroissement de l’efficacité allocative et de la dotation augmentent. Dans le scénario le moins contraignant (iv), l’effet de la dotation l’emporte sur tous les autres gains, représentant environ 60 % et 80 % des gains de bien-être totaux pour le Canada et la Corée, respectivement.

L’incidence sur le reste du monde, qu’elle soit positive ou négative, est déterminée selon la manière dont le Canada et la Corée profitent de l’ALECCS (en grande partie sous forme d’une bonification des termes du commerce ou d’une amélioration de l’efficacité allocative ou d’un accroissement des dotations en facteurs.) On peut comprendre cette notion intuitivement, comme suit : puisque les prix à l’exportation d’une région correspondent aux prix à l’importation d’une autre, les incidences globales des termes du commerce doivent être nulles. Par conséquent, la bonification des termes du commerce pour le Canada et la Corée se traduit nécessairement par une détérioration des termes du commerce pour le reste du monde25. Par conséquent, les scénarios dans lesquels le Canada et la Corée tirent des gains sous forme de termes d’améliorations au commerce sont nécessairement pires pour le reste du monde que les scénarios dans lesquels les gains sont en forme d’efficacité allocative améliorée ou d’une plus grande capacité de l’offre.

Les gains de bien-être économique estimés pour le Canada dans le scénario central (1,1 milliard $CAN) correspondent, en grande partie, à la taille du gain du PIB (1,5 milliard $CAN) et à celle du commerce bilatéral additionnel (2,6 milliards $CAN). Les gains sont plus importants pour le Canada que pour la Corée; cela est prévisible puisque les incidences négatives du détournement du commerce sur le bien-être en Corée seraient plus importantes, en raison du niveau généralement plus élevé des droits de douane.

COMMERCE DES SERVICES

La présente étude ne fournit pas une estimation précise de l’incidence d’une libéralisation du commerce des services dans le cadre d’un ALECCS, et ce, pour les raisons suivantes.

En premier lieu, l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), qui constitue le cadre de la libéralisation du commerce international des services, divise ce dernier en 155 types de services et 4 modes de fourniture :

  1. Services transfrontaliers : services fournis à partir du pays de résidence d’un fournisseur dans le pays de résidence du consommateur.

  2. Consommation à l’étranger : services fournis dans le cadre de déplacements du consommateur dans le pays de résidence du fournisseur.

  3. Établissement d’une présence commerciale : services fournis par un établissement commercial qui s’implante dans le pays de résidence du consommateur.

  4. Présence de personnes physiques : services fournis grâce au déplacement de personnes dans le pays de résidence du consommateur.

Des obstacles au commerce des services peuvent être mis en place pour chaque mode de prestation. La mesure de ces obstacles requiert donc une quantification des effets restrictifs sur le commerce d’une vaste gamme de mesures réglementaires nationales qui influencent indirectement les 4 formes du commerce des services. Contrairement au commerce des marchandises, pour lequel on dispose d’un fonds de données complètes et relativement fiables décrivant l’ampleur des obstacles transfrontaliers, il n’existe pas de base de données exhaustive sur les obstacles au commerce des services entre le Canada et la Corée26. Il n’est pas possible non plus d’évaluer les conséquences d’une élimination complète de ces obstacles, comme on l’a fait ci-dessus pour le commerce des marchandises. Une estimation du volet d’un ALECCS concernant les services exigerait de savoir, au préalable, quelles mesures précises feraient l’objet d’une libéralisation, ce qu’on ignore.

En outre, étant donné les diverses formes possibles de commerce des services, les entreprises seront tentées d’adopter la voie de la moindre résistance, en optant par exemple pour une présence commerciale (mode 3) de préférence à une prestation transfrontalière (mode 1) ou vice versa, selon l’approche la moins coûteuse en termes de conformité à la réglementation. Il s’ensuit que libéraliser un mode (p. ex. les échanges transfrontaliers) dans un contexte où un autre mode est relativement épargné (p. ex. la présence commerciale par l’intermédiaire des investissements étrangers directs entrants) risque d’avoir peu d’incidences, étant donné que les entreprises auront déjà engagé des ressources dans la voie de la moindre résistance. En d’autres mots, il existe autant d’incertitude à propos de la réaction du marché vis-à-vis de la modification d’une mesure restrictive qu’en ce qui concerne la quantification du pouvoir restrictif de la mesure en question.

En troisième lieu, il est aussi difficile d’évaluer l’effet libéralisateur des changements négociés précis aux réglementations nationales que d’estimer l’effet global du cadre réglementaire en tant qu’obstacle au commerce.

Plusieurs éléments du programme de négociation portent sur le commerce des services selon un mode ou l’autre : services financiers, commerce transfrontalier de services, investissement et mouvement temporaire de personnes. D’autres volets des négociations qui facilitent le commerce international auront en principe une certaine incidence sur la facilité avec laquelle le commerce des services se déroulera entre le Canada et la Corée. En l’absence d’estimations précises, on peut déduire que les résultats concernant le commerce des marchandises sous-estiment l’incidence totale sur le commerce, l’incidence sur le PIB et l’incidence sur le bien-être des consommateurs.

LIBÉRALISATION DE L’INVESTISSEMENT

Les scénarios fondés sur le GTAP décrits auparavant ne tiennent pas compte de mesures qui pourraient être incluses dans un ALECCS afin de libéraliser ou de faciliter l’investissement direct. Pour prendre en considération l’incidence d’une telle libéralisation, il faudrait avoir recours à un modèle EGC dynamique comprenant l’investissement étranger direct (IED). Un tel modèle s’appliquant au Canada est en cours d’élaboration, mais n’est pas encore disponible. À l’heure actuelle, on doit noter que le potentiel d’expansion de l’investissement direct bilatéral Canada Corée semble relativement fort, particulièrement en ce qui concerne les investissements directs canadiens en Corée, comme le montre un indice des niveaux de restriction à l’investissement dans les deux pays, exprimée en termes d’équivalents fiscaux. Pour le Canada, les restrictions à l’investissement direct de l’étranger, évaluées d’après la base de données du modèle FTAP27, équivalent à une taxe de 6,11 % sur le capital des sociétés affiliées étrangères; le chiffre correspondant pour la Corée est de 22,01 %.

En l’absence d’estimations précises, on peut déduire que les incidences sur le PIB et le bien être des consommateurs indiquées ci-dessus découlant de la libéralisation du commerce des marchandises sous-estiment probablement l’étendue des gains dans ces secteurs à la suite de cette libéralisation de l’investissement, comme on peut s’y attendre en vertu de l’ALECCS.


16. Dans la simulation, les droits de douane pour les catégories où les échanges sont nuls (comme les exportations de riz canadiennes) sont fixés à zéro, afin d’éviter une hausse factice des exportations et importations lors de l’élimination des droits de douane. Cette façon de procéder est la norme pour effectuer des simulations basées sur le modèle GTAP.

17. Nota : Les données sur les échanges bilatéraux ne sont pas influencés de façon notable par le choix du bouclage. Par conséquent, nous ne présentons que les résultats du scénario central. Comme on l’indique ci dessous, la principale incidence des autres bouclages concerne l’étendue du détournement du commerce pour les tierces parties.

18. Une étude menée en 2003 pour l’Australian Productivity Commission contredit cette notion généralement acceptée, en constatant que la plupart des ALE déclarés à l’OMC provoquaient un détournement du commerce. Voir R. Adams, P. Dee, J. Gali et G. McGuire, The Trade and Investment Effects of Preferential Trading Arrangements–Old and New Evidence, document de travail, Australia Productivity Commission, Canberra, 2003. Toutefois, un examen plus récent des mêmes éléments réalisé à l’aide des données du commerce mises à jour en vient à la conclusion inverse, à savoir que les ALE provoquaient une création du commerce nette. Voir Dean A. DeRosa, The Trade Effects of Preferential Arrangements: New Evidence from the Australia Productivity Commission, document de travail no 07-1, Peter G. Peterson Institute for International Economics, Washington, D.C., janvier 2007.

19. Ces données ne sont pas influencées de façon notable par l’évolution de la composition des dépenses du PIB du Canada entre 2001 et 2005. On peut vérifier rapidement ce point en appliquant les changements en pourcentage générés dans la simulation pour les composants individuels du PIB (c’est-à-dire, dépenses de consommation, investissements, dépenses publiques, exportations et importations) aux niveaux de ces composants du PIB en 2005 et en recalculant le changement total du PIB. Si l’on tient compte de ce qui précède, le gain du scénario (i) diminue très légèrement, passant de 880,8 millions de dollars à 872,9 millions de dollars.

20. Dean DeRosa et John Gilbert, « Estimates from Gravity and CGE Models », chapitre 8 de Gary Clyde Hufbauer et Richard E. Baldwin, The Shape of a Swiss-US Free Trade Agreement, op cit., p. 238.

21. Tant pour le Canada que pour la Corée, les gains du PIB dans le cadre des règles de bouclage les moins contraignantes (iv) sont beaucoup plus importants que dans les scénarios (ii)-(iii) et (v). Cela peut être compris intuitivement de la façon suivante. Lorsqu’une contrainte est imposée à l’un des principaux facteurs de production (main-d’œuvre ou capital), la croissance économique est soumise à des rendements décroissants. Cependant, dans le scénario (iv), dans lequel les contraintes relatives aux principaux facteurs de production sont supprimées, l’économie croît en fonction de rendements constants, ce qui a une plus grande incidence sur le PIB.

22. Cette mesure est, en principe, une variation équivalente de Hicks calculée à partir des prix en vigueur avant le choc.

23. La mise à l’échelle des données en $US de 2001 en $CAN de 2005 se fait de la façon suivante : le chiffre GTAP pour la variation équivalente de 143,1 millions de $US de 2001 correspond à 0,035 % des dépenses de consommation au Canada. Le transfert de ce pourcentage aux dépenses de consommation de 760 380 $ en 2005 nous permet d’aboutir à l’estimation de la variation équivalente 2005 ci dessus, exprimée en $CAN. Les autres chiffres sont calculés de la même façon.

24. Le léger recul du bien-être économique des ménages coréens dans le scénario le plus contraignant contraste avec le gain de PIB indiqué plus tôt dans le même scénario. Ce résultat dénote le fait que les gains du PIB sont indiqués en tenant compte des changements de prix relatifs générés par l’ALE alors que la variation équivalente, une mesure du bien-être économique des ménages, ne tient pas compte de ces changements de prix. Puisque la Corée bénéficie de gains au chapitre des termes de l’échange, mais qu’elle subit des pertes d’efficience allocative, le choix entre les prix avant le choc et après le choc pour ce calcul peut faire en sorte qu’une mesure soit positive et l’autre négative, si les deux sont relativement proches de zéro.

25. Les pertes généralisées au niveau des termes du commerce dans le scénario le plus contraignant illustrent la perte d’exportations vers le Canada et la Corée imputable à l’érosion des préférences. Puisque la plupart des pays exportent des biens au Canada et en Corée, ils sont généralement affectés de cette manière. La perte des exportations vers le Canada et la Corée entraîne automatiquement un déclin des prix dans la production dans d’autres pays afin de rétablir l’équilibre; cet effet est partiellement annulé par la mesure dans laquelle les importations canadiennes et coréennes sont réduites (puisque ces importations ont également des prix plus élevés dans le scénario tenant compte du choc) et remplacées par la production nationale à l’étranger ou les importations de tierces parties. L’hypothèse d’Armington est un facteur essentiel dans le cas présent : la substituabilité imparfaite des biens en fonction du lieu de production permet des augmentations relatives des prix des produits canadiens et coréens – avec une substituabilité parfaite, les forces concurrentielles annuleraient ces effets sur les termes du commerce.

26. Pour un examen détaillé des problèmes associés à la quantification des obstacles au commerce des services et à l’estimation de l’impact de la libéralisation de ce commerce, incluant des références au contexte canadien, voir le trio d’articles dans la Partie II du document de John M. Curtis et Dan Ciuriak (éditeurs), Les recherches en politique commerciale 2002 (Ottawa : ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, 2003) : Brian R. Copeland, « Avantages et coûts de la libéralisation du commerce et des investissements dans le secteur des services : répercussions du point de vue de la théorie commerciale »; Zhiqi Chen et Lawrence Schembri, « Mesure des obstacles au commerce des services : études et méthodes »; et Shenjie Chen, « Le commerce et l'investissement dans le secteur canadien des services : performance et perspectives ».

27. Pour obtenir de l’information générale sur le modèle et les données FTAP, voir : Australian Productivity Commission, The Structure of the FTAP Model (anglais seulement).