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En quête de développement durable

Observations préliminaires présentées le 14 mars 2019, au 2e Groupe de travail : Les défis du développement durable, à la Réunion du Processus de Bakou de 2019, Bakou, Azerbaïdjan, 13-15 mars 2019

Stéphane Dion
Envoyé spécial du premier ministre auprès de l’Union européenne et de l’Europe et
Ambassadeur du Canada en Allemagne

J’aimerais commencer par dire que si le gouvernement du Canada et le premier ministre Trudeau ont sensiblement augmenté les efforts du Canada pour améliorer l’environnement naturel et lutter contre les changements climatiques, c’est parce qu’ils ont conscience de la gravité de ces problèmes mondiaux. Le monde doit s’engager dans la voie du développement durable, car elle seule assurera aux générations à venir un développement économique et un environnement naturel viable. Autrement dit, il ne faut rien moins que la réconciliation du genre humain avec la planète Terre.

Permettez-moi de citer un rapport de l’OCDE sur la performance environnementale du Canada. Selon l’OCDE, « Le gouvernement fédéral élu en 2015 a fixé des objectifs environnementaux ambitieux et insufflé un nouvel élan1 ». L’Organisation qualifie le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques de « stratégie bien pensée2 ». Elle souligne, en particulier, qu’« il sera essentiel de mettre en place une tarification du carbone à l’échelle nationale, une mesure qui fera partie des clés de voûte du cadre3 » et que « rares sont les pays à avoir déjà fait cette démarche4 ». L’OCDE voit dans ce cadre environnemental une occasion de renforcer l’économie canadienne, notamment de « stimuler la demande d’éco-innovations au Canada5 ».

Aussi louables les efforts déployés au Canada et ailleurs soient-ils, l’humanité doit en faire encore plus pour atteindre ses objectifs de développement durable (ODD), qui comprennent les mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques (ODD 13), la réduction des graves répercussions de la pollution de l’air sur la santé (ODD 3) et un accès universel à l’énergie (ODD 7), ainsi qu’à de l’eau potable et à l’assainissement (ODD 6).

La gestion durable de l’eau pourrait être le principal défi de ce siècle. D’après les Nations Unies, le monde n’estpasen voie d’atteindre les cibles mondiales de son ODD relatif à l’eau d’ici 2030. Ajoutez à cela que la demande mondiale d’eau devrait dépasser l’offre durable de 40 % dès 2030. L’OCDE estime que d’ici 2050, 4 milliards de personnes pourraient vivre dans des régions où l’eau sera rare (soit deux fois plus qu’aujourd’hui) et que les inondations extrêmes pourraient plus que doubler en fréquence. Par ailleurs, il pourrait y avoir plus de plastique dans les océans que de poisson d’ici 2050.

Nous sommes également loin du compte dans nos efforts contre un effondrement mondial de la biodiversité. D’après le WWF, les populations de vertébrés ont diminué globalement de 60 % entre 1970 et 20146. Une autre étude montre que « le rythme de l’extinction moderne des insectes dépasse largement celui des vertébrés7 ».

Le monde n’est pas non plus en voie d’atteindre ses objectifs en ce qui concerne les changements climatiques. D’après le Rapport 2018 sur l'écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions de l’ONU, si tous les pays tenaient leurs engagements actuels en matière de réduction des GES tels qu’ils ont été énoncés dans leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) à la COP 21, à Paris, on n’arriverait qu’à un tiers des réductions nécessaires pour rester sous les 2°C de réchauffement8. En fait, dans son rapport, le PNUE prévoit que, même si les parties respectent leurs CDN et maintiennent une ambition de niveau similaire au-delà de 2030, le réchauffement climatique atteindra 3,2°C d’ici la fin du siècle. Et cette prévision prend pour hypothèse que tous les pays honorent leurs engagements, alors qu’en réalité, les estimations actuelles montrent que de nombreux pays sont loin de tenir les engagements pris à Paris9.

Selon l’Agence internationale de l’énergie, l’écart est considérable entre les politiques annoncées et ce qu’il faudrait faire pour atteindre nos objectifs mondiaux en ce qui concerne les changements climatiques, la pollution atmosphérique, les besoins en eau et l’accès universel à l’électricité10. Avec les politiques actuelles annoncées, les émissions mondiales de CO2 resteront sur une courbe légèrement ascendante jusqu’en 2040. En comparaison, le scénario de l’Agence internationale de l’énergie pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C (le scénario du développement durable) table sur des émissions de CO2 qui atteignent leur maximum autour de 2020, puis qui amorcent une forte baisse, pour arriver à environ la moitié du niveau actuel en 2040 et être en bonne voie pour parvenir à des émissions égales à zéro d’ici 2070.

La tâche qui nous attend tous est véritablement immense. Notre révolution industrielle reposait sur les combustibles fossiles, c’est-à-dire sur le charbon, le pétrole et le gaz. Malgré tous nos efforts, ils représentent encore 80 % environ de la consommation mondiale d’énergie et cette proportion ne bouge pas depuis 1990.

La part des énergies renouvelables dans la consommation mondiale d’énergie est aujourd’hui de 10 % et elle devrait passer à 22 % dans le scénario de développement durable de l’Agence internationale de l’énergie. Cependant, les politiques annoncées actuelles ne font passer cette part qu’à 15 %. La part du charbon dans l’énergie mondiale doit passer de 27 % aujourd’hui à 12 % en 2040, mais les politiques annoncées actuelles ne la ramènent qu’à 22 %. Le fait est qu’il faut donner un coup de pouce supplémentaire aux technologies à faible intensité de carbone et aux politiques axées sur l’efficacité énergétique. À cet égard, je profiterai de cette occasion pour inviter tous les pays à rejoindre l’Alliance : Énergiser au-delà du charbon que le Canada a lancé avec le Royaume-Uni.

Pour atteindre nos objectifs climatiques, environnementaux et de développement, d’énormes efforts collectifs sont nécessaires, en plus de ce que nous faisons déjà. C’est pourquoi nous ne devrions pas nous laisser gagner par la force d’inertie et le déni, mais soutenir avec détermination les bonnes volontés afin de créer un monde durable pour nous-mêmes et pour les générations à venir.


1 OCDE, Examens environnementaux de l’OCDE : Canada 2017, Paris, OECD Publishing,
2017, p. 22, https://read.oecd-ilibrary.org/environment/examens-environnementaux-de-l-ocde-canada-2017_9789264283244.

2 Ibid., p. 43.

3 Ibid., p. 24.

4 Ibid., p. 45.

5 Ibid., p, 157.

6 WWF, Living Planet Report – 2018: Aiming Higher, Suisse, WWF, 2018,
https://c402277.ssl.cf1.rackcdn.com/publications/1187/files/original/LPR2018_Full_Report_Spreads.pdf. Voir également Gerardo Ceballos, Paul Ehrlich et Rodolfo Dirzo, Biological Annihilation via the Ongoing Sixth Mass Extinction Signaled by Vertebrate Population Losses and Declines, PNAS, 2017, https://www.pnas.org/content/114/30/E6089.

7 Francisco Sánchez -Bayo and Kris A.G. Wyckhuys, “Worldwide Decline of the Entomofauna: a review  
of its drivers”, Biological Conservation, vol. 232, 2019, pp. 8-27, https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0006320718313636.

8 PNUE, The Emissions Gap Report 2018, Nairobi, Programme des Nations Unies pour l’environnement, 2018, http://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/26895/EGR2018_FullReport_EN.pdf (anglais seulement).  

9 Climate Action Tracker, CAT Warming projections – Global Update 2018, 2019,
https://climateactiontracker.org/.

10 Agence internationale de l’énergie, World Energy Outlook 2018, OCDE/AIE, 2019,
https://www.iea.org/weo2018/ (anglais seulement).

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