Transcription – Épisode 40 : La sous-ministre invitée, Leslie MacLean, discute avec Kevin Lunianga

Leslie MacLean : Bonjour tout le monde. Bienvenue à la Semaine de la fonctionne publique du Canada.

Je suis vraiment heureuse. Je m'appelle Leslie MacLean. Je suis la sous-ministre du Développement international. Et je suis vraiment heureuse de discuter aujourd'hui, virtuellement parce que c'est une pandémie, nous nous parlons à distance, avec un des membres du personnel qui travaille dans notre Centre de surveillance d'urgence. Je vais lui demander de se présenter, mais c'est un moment particulièrement important pour nous pour avoir cette conversation. Nous avons vu un certain nombre de manifestations ici au Canada et dans le monde entier pour affirmer que la vie des Noirs compte. Et les sous-ministres ont entendu le Réseau des minorités visibles et le personnel de tout le réseau dire qu’AMC [Affaires mondiales Canada] doit faire mieux. Le racisme est réel. Ce n'est pas seulement individuel. C'est systémique. Et je sais qu'il y a déjà eu un engagement incroyable de nombreux employés avec les sous-ministres pour vraiment aider à comprendre ce que nous pouvons et devons faire en tant qu'organisation.

Donc, Kevin, je te passe le relais pour que tu te présentes si tu peux, et ensuite on pourra commencer à discuter, merci.

Kevin Lunianga : Merci beaucoup, Leslie, j'apprécie beaucoup l'introduction. Donc, tout le monde, je m'appelle Kevin Lunyanga. Je travaille ici au ministère des Affaires mondiales Canada, dans le Centre de surveillance et d'intervention d'urgence. Je crois que, comme Leslie a mentionné, c'est un sujet très important d'aborder la discussion de la racisme anti-noir ici au Canada, et aussi dans les ministères. Donc, je suis venu juste pour partager quelques astuces et peut-être donner des conseils aux gens pour mieux gérer la relation entre collègues, et puis aussi pour mieux discuter ou avoir le langage, pour parler un peu du racisme anti-noir et comment on peut améliorer le lieu de travail. Donc, voilà.

Leslie MacLean : Merci beaucoup Kevin, et encore comme on a déjà discuté, pour moi, c'est une occasion très riche de pouvoir échanger entre nous et de commencer notre dialogue comme deux personnes, mais au sein du Ministère aussi. Donc je lance la première question – on peut se tutoyer, Kevin?

Kevin Lunianga : Absolument.

Leslie MacLean : Excellent. Pourrais-tu nous parler un peu de tes expériences comme une jeune personne noire ici à Ottawa, ou ici dans la fonction publique? Et merci encore d'avoir décidé de te joindre dans la fonction publique.

Kevin Lunianga : De rien, pas de problème. Oui, absolument. Donc, je suis né ici à Ottawa. Donc ma mère est d'origine rwandaise, elle est venue du Rwanda et mon père est d'origine congolaise. Mais effectivement, moi, je suis né ici à Orléans, donc j'ai étudié à une école francophone pour l'école primaire. Et mon expérience à Ottawa a été généralement positive des âges de 0 jusqu'à environ 13, 13, 14. Puis, quand j'ai eu 13 ou 14 ans, j'ai commencé à recevoir des commentaires un peu mal placés de mes collègues à l'école. Donc, je me suis fait dire à quelques reprises de retourner en Afrique et on m'a traité de plusieurs termes qui ne sont pas vraiment appropriés pour une personne noire. Donc, dès l'âge de 13, 14, j'ai commencé à ressentir un peu de honte envers mes racines africaines. Par exemple, je portais des lentilles pour mes yeux, des lentilles bleues parce que j'avais honte de mes yeux bruns et noirs. Puis je voulais être blanc, donc je portais des lentilles et j'avais juste honte de mes racines, et puis de ma peau. Donc, j'ai eu beaucoup de difficultés, mais j'ai la chance parce que ma mère travaille pour le Ministère. En effet, et elle a eu une affectation au Zimbabwe. Donc, quand j'ai eu 16 ans, on a déménagé de Ottawa jusqu'au Zimbabwe, et le Zimbabwe a complètement changé mon expérience et mon expérience vécue. Donc, j'ai eu la chance de vivre dans un pays où est ce que les personnes de couleur, les personnes qui me ressemblaient, étaient dans des positions de pouvoir. J'étais aussi – j’'ai eu la chance d'aller à une école internationale et mes classes, il y avait beaucoup de diversité. On parlait beaucoup des sujets ensemble. Et puis, on voyait une communauté vraiment, vraiment mixte. Et quand je suis retourné au Canada, quand j'ai fini mon secondaire là-bas, j'ai eu une inspiration à discuter sur des sujets du racisme. Et puis de discuter, puis d'avoir des conversations sur comment on peut créer des environnements plus diverses. Donc, en général, mon expérience a été positive, mais c'est grâce au Zimbabwe que j'ai vraiment eu des outils à parler de ces affaires.

Leslie MacLean : Merci beaucoup de cette partage, Kevin. Ça fait mal d'entendre des histoires qui étaient difficiles, et je suis contente qu’il y avait d'autres expériences qui t’ont changé, et cette expérience nous a évidemment réunis aujourd'hui, car vous avez continué à suivre ces idées sur la manière que vous pouvez aider les autres et surmonter les obstacles. Pouvez-vous nous parler un peu de votre expérience ici à Affaires mondiales, Kevin? Avez-vous rencontré des obstacles? Quelles sont les choses que nous devons faire attention? Comment s'attaquer à ces obstacles?

Kevin Lunianga : Absolument. Absolument. Excellente question. Je vais donc peut-être commencer par dire que je pense que l'expérience des Noirs est très variée. Et donc, vous savez, je viens de quelque part qui me fait parler de mon expérience. Mais nous devons reconnaître, bien sûr, que les personnes noires existent aussi dans un cadre de handicap. Différentes croyances religieuses, différents genres et orientations sexuelles. Je veux donc vraiment, pendant que nous avons cette conversation, réfléchir à la façon que les personnes qui ont des identités multiples existent dans le cadre, et à quoi leur expérience pourrait ressembler. Pour moi, travailler à Affaires mondiales Canada et dans la fonction publique en général, a été une expérience assez positive, je dirais. Je pense que j'ai eu de la chance parce que je travaille dans des environnements et des départements, ou des sections, où l'accent est mis sur la justice sociale ou l'égalité sociale.

Alors, par exemple, je suis actuellement au Centre de surveillance et d'intervention d'urgence, où on aide les Canadiens en cas de crise. Par le fait même, on doit être conscients de l'inégalité, de la discrimination, de ces sujets qui peuvent influencer l'expérience des gens lorsqu'ils sont à l'étranger. J'ai donc eu la chance de travailler dans un environnement assez positif ici, à Affaires mondiales Canada. Mais, nous pouvons peut-être parler un peu de la discrimination contre le racisme noir qui se produit et de ses différentes formes. Je pense qu'un concept important à avoir est peut-être la différence entre le racisme ouvert et le racisme caché. Et je pense qu'au gouvernement, il est beaucoup moins fréquent d'avoir des discriminations ouvertes, qui sont les formes de discrimination les plus claires et les plus directes.

Donc, par exemple, quand je vous parlais qu'on m’avait dit de retourner en Afrique quand j’étais un enfant. Ces commentaires, je pense, sont beaucoup, beaucoup moins fréquents dans la fonction publique. Qu’est-ce que nous avons tendance à voir, je dirais, ce sont ces formes cachées de discrimination ou de racisme anti-Noir en général sous forme de commentaires, parfois de blagues, ou parfois de petits gestes – et en fait, j'ai une anecdote à vous raconter. Et on pourrait décomposer ce genre de commentaires et la réaction des personnes de couleur. C'était donc en hiver. Je rentrais à l’intérieur et j’allais à mon bureau, et je portais un beau grand manteaux noire et un chapeau orange vif, mon chapeau préféré dans le monde entier. Donc, je marchais vers mon bureau, je portais ce chapeau sur la tête et une personne à qui je n'avais jamais vraiment parlé ou parlé auparavant, un homme plus âgé dont je ne savais pas qu'il passait à côté de moi et qui m'a dit : « Hé, je peux enfin te voir! ». Et son commentaire m'a surpris. J'étais un peu perplexe et confus. Je n'étais pas sûr de ce qu'il voulait dire parce que, je veux dire, je suis le seul homme noir de six pieds quatre dans le bureau. C'est difficile de me manquer. J'ai donc été un peu troublé par son commentaire. Et je pense que c'était l'exemple par excellence d'une petite micro-agression qui se produit régulièrement chez les Noirs. Quand je pense à son commentaire, il disait que ma peau sombre et mon chapeau clair me rendaient visible. Il faisait une blague. À ce moment-là, j’ai pensé à trois solutions. Solution numéro un. Kevin, ne te donne pas la peine. N'y voit pas d'inconvénient. C'était une blague. Tu devrais plutôt te sentir mal pour cette personne, parce que c'était une mauvaise blague. Alors ne dis rien. Ne fais pas de commentaires. Ça ne vaut pas la peine. C'est pas nécessaire. Ne dépense pas ton énergie émotionnelle ici. Mais, je me suis dit, si je me tais, est-ce que ça va créer un précédent? Est-ce que ça permet à cette personne de faire ensuite des blagues à d'autres personnes noires et de couleur, qui se sentiront alors un peu mal à l'aise? Option numéro deux : Kevin, règle ça. Dis quelque chose. Peut-être lui poser une question, lui demander ce qu’il voulait dire par là, par cette blague, ou ce qu’il entendait « pouvoir enfin me voir ».

Puis après, je me suis souvenu que le tissu social qui existait au Canada, en parlant de discrimination raciale, est très difficile pour les gens. Et donc, si je lui pose la question, est-ce que ça va me poser des problèmes au travail? Est-ce que ça va créer des tensions? Troisième option : Kevin, va peut-être parler aux RH, ou au Programme d'aide aux employés, ou à quelqu'un, et parle de ton expérience pour la partager avec quelqu'un. Et ensuite je me suis demandé, est-ce qu’ils ont les canaux ou les mécanismes appropriés pour parler du racisme anti-Noir? Est-ce que je pourrai m'exprimer et recevoir le soutien nécessaire? Je n'en suis pas sûr. On peut donc voir comment un petit commentaire ou une blague qui se voulait peut-être drôle, mais qui a cette façon intéressante et très sournoise de vous rappeler votre différence. Vous rappeler que vous êtes Noir. Et n'oubliez pas ça. Cet impact sur les Noirs. Et je pense que ces formes subtiles de discrimination sont ce que nous voyons régulièrement ici dans la fonction publique.

Leslie MacLean : Kevin, j’apprécie encore ce partage, parce que c’est comme tu viens de dire. Des fois, ça semble être quelque chose de petit, et je suppose que on peut dire « oh je vais ignorer ça, c’est une petite niaiserie, blablabla ». Mais on ne veut pas que les choses continuent. C'est super important de cette réflexion, quoi faire avec une telle évènement ? Comment répondre pour que ça soit adressé et que ça ne continue pas? Je suis vraiment très contente, Kevin, que dans tes commentaires tu parles de l'effet cumulatif de ce genre de petites choses et de la différence entre ce qui est manifeste, que nous disons que tout le monde sait qu'il ne faut pas faire, et ce qui est subtil ou caché. Et une des choses qui a beaucoup retenu mon attention est la question des préjugés inconscients, du fait qu’on peut avoir des croyances et qu'elles peuvent être très subtiles, très insidieuses, comme tu dis. Donc, si tu nous considères comme des leaders, nous sommes des collègues à AMC. Nous avons la chance de vivre dans un pays merveilleux. Et pourtant, il y a de vrais problèmes, et les discussions difficiles peuvent aider à faire avancer les choses.

On peut pas solutionner des choses si nous ne sommes pas prêts à faire face aux choses difficiles. Kevin, je sais que c'est un sujet qui passionne, beaucoup, t'as réfléchi quelles sont le genre de choses qu'on devrait, les dialogues, c'est important. La réflexion, c'est important. L'action concertée et continue, c'est aussi important. Pourrais-tu partager un peu avec moi quelques idées que tu as de comment on peut s'installer dans ce moment difficile pour continuer à faire du chemin ensemble?

Kevin Lunianga : Absolument. Puis, avant de commencer, j'aimerais parler des soutiens que j'ai vus au Ministère. Spécialement entre collègues noirs ou de couleur durant les évènements, durant la mort de George Floyd, puis la mort de Ahmaud Arbery, j'ai vu beaucoup de soutien collectif. Et puis, j'ai eu des collègues qui ont discuté ensemble et qui sont vraiment présents, et puis ont été capables de nous soutenir. C'est vraiment une belle chose que j'ai vue au Ministère. Je suis très fier de faire partie de la communauté de minorités visibles ici. En termes d'actions ou de choses qu’on peut faire. Ici, permet-moi de présenter d'autres concepts qui pour moi sont importants dans le contexte d’AMC, et de nous tous en tant qu'institution gouvernementale. Je pense qu'être un allié et avoir les outils et les mots pour aider à soutenir nos collègues qui pourraient vivre ces expériences est la chose la plus importante que nous pouvons faire. Et dans l'alliance, il y a deux éléments différents qu’il ne faut pas oublier. Je pense que la première chose, est peut-être ce que l'on peut appeler une alliance de performance. Je pense que cette alliance ressemble souvent à des solutions à court terme. Ça ressemble des fois à de l’autogratification, davantage concentré sur les images que sur les problèmes systémiques plus larges et les problèmes de fond. C'est donc une alliance de performance. Et je pense que le type d'alliance vers quoi on veut se diriger est une alliance engagée, et une alliance engagée ressemble à des solutions à plus long terme. Ça serait comme la capacité de vraiment s'asseoir avec des gens de couleur et des gens de statut minoritaire, et comprendre les différents enjeux. Ça serait comme trouver des solutions et des changements tangibles.

Je pense donc que comme institutions ici au gouvernement, j'ai l'impression qu'en règle générale, on voit davantage d'actions de performance, et nous devons trouver des moyens de nous engager davantage dans notre alliance. Et je pense qu'une bonne façon de le faire est un concept très utile appelé les quatre A pour s'allier, et je vais peut-être vous expliquer comment cela fonctionne. Vous savez, en réfléchissant à la façon de soutenir nos collègues qui vivent des expériences, les quatre A peuvent être un conseil très important ou utile. Le premier A, c’est « Ask » pour « demander ». Demandez donc peut-être à un collègue de couleur ou de minorité ce que c’est pour lui le soutien. Laissez-les utiliser leurs mots et vous guider, et vous dire à quoi ressemble le soutien en leur posant la question. Et cela peut être aussi simple que de dire : « Hé, qu’est-ce que c’est pour toi le soutien, et à quoi ressemble un soutien significatif? Qu’est-ce que je peux faire? ». Le deuxième A veut dire « Accès ». C’est d’avoir accès à l'information. Nous faisons de notre mieux pour nous éduquer, pour en savoir plus sur l'histoire du racisme anti-noir au Canada, pour apprendre par des vidéos, peut-être des documentaires, peut-être des livres, et pour vraiment prendre conscience de nous et améliorer cette question.

Le troisième A pourrait être « Avoid », pour « éviter », c'est-à-dire éviter de s'excuser. Et je pense qu'en tant que Canadiens, nous avons l'habitude de nous excuser souvent et facilement, sans nous en rendre compte. Mais souvent, s’excuser nous fait tomber dans l'alliance de performance, parce que c’est souvent ancré dans la politique qui veut qu’on se sente mieux au lieu de trouver des solutions et à aider à résoudre les problèmes plus généraux. Je dirais donc qu'éviter de s'excuser est un point important. Et le dernier A, c’est « Allow » pour « permettre ». Permettre aux minorités, aux gens de couleur et aux Noirs de parler de leurs expériences et d'être ouverts d'esprit, parce que je pense qu'il y a souvent ce genre de peur de s'exprimer et d'être réprimandé par la direction, ou qui que ce soit. Parce que si vous parlez de race, ça crée parfois un malaise, et il n'y a pas toujours cette ouverture. Et je suis heureux que vous avez ouvert cette porte, Leslie, pour avoir cette conversation franche. Pour moi, c'est le summum de l'alliance engagée, avoir cette conversation avec moi, ouvrir la porte et s'engager de manière significative, c'est un pas vers l'alliance engagée. Et je pense que c'est ce que nous voulons faire de plus en plus ici au département.

Leslie MacLean : Merci beaucoup, Kevin. Il y a tellement de choses là-dedans. J'ai été particulièrement impressionné par le fait qu'on évite de s'excuser, car ça m'a ramené à une conversation que vous et moi avions eue plus tôt, à savoir que c'est un moment vraiment difficile et que nous devons tous être ensemble pour que quelque chose de mieux sorte de ce moment difficile. Et le risque, pour nous, c'est d'avoir un discours juste pour la forme, de dire que c'est important, que nous voulons un lieu de travail inclusif qui respecte chacun, indépendamment de sa race, de sa religion, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, qu'il ait un handicap ou non. Toutes ces choses se recoupent d'une manière ou d'une autre et pour moi, donc, la chose qui sera super intéressante et importante, c'est qu'est-ce que nous allons faire pour nous assurer que le dialogue continue? Et c'est plus que des mots. Qu’on trouve des gestes à poser, pace que même si les arts d’interprétation sont du grand art, ce n’est pas ce qu’on recherche dans ici.

Nous voulons être, nous voulons être fidèles à ce qui est au centre de ces enjeux. Et fidèle à la possibilité de respecter, d'être simplement un élément fondamental dans la façon de travailler ensemble. Alors, Kevin, quand on pense au dialogue que toi – que beaucoup d'autres membres du personnel de l'organisation ouvrent en ayant le courage de dire : « Il faut faire quelque chose, et je me présente avec mes idées. J'apporte mes réflexions à la table. Je veux être une force de changement. » Moi, j'apprécie énormément cette offre et cet engagement. Et tes quatre « A », pour « allié » vont rester longtemps dans ma tête, et le test pour être une vraie alliée restera, je pense, dans ma tête pendant longtemps. Quand on pense à la culture que tu as vue au département, ce qui me fait plaisir à entendre Kevin, a généralement été d'un grand soutien, avec quelques bénéfices ou plus. Y a-t-il d'autres choses auxquelles tu pourrais penser, Kevin, et auxquelles nous devrions penser? Parce que nous ne voulons pas de belles paroles. Changement superficiel. Nous voulons un changement qui sert les individus, les communautés, notre pays.

Kevin Lunianga : Absolument. Et je pense que je vais commencer par ce que je considère comme les deux principales barrières pour, je dirais, les minorités. Les gens de couleur, les Noirs. Et je vais proposer peut-être cinq solutions ou cinq façons de réfléchir à la manière de rendre la culture au travail plus équitable et plus diverse. Je pense que pour moi, il y a deux barrières principales que je vois pour une sorte de, vous savez, un espace de travail diversifié. La première, je dirais, est la représentation. Je dirais que, vous savez, j'ai souligné l'importance ou l'utilité pour moi d'aller au Zimbabwe et de voir des personnes en position de pouvoir et de voir un reflet de moi-même dans la société. Je pense que ce genre de représentation est quelque chose que nous pouvons peut-être améliorer ici au Ministère. Et je pense que c'est un élément important, parce que la haute direction, je dirais que vous êtes extraordinaires. Le fait de discuter avec vous et de vous écouter me parler signifie à nouveau que ce genre de leadership est ce qu’il nous faut. Je pense que la prochaine étape serait de chercher à attirer d'autres personnes et à diversifier les rangs des cadres supérieurs, en gardant à l'esprit que ce que nous avons maintenant est formidable. Je pense aussi à une autre chose, peut-être la deuxième chose que j'aimerais mentionner. La deuxième barrière, c'est vraiment une question de la culture de silence au Ministère, et je pense que c'est parce qu'on est un Ministère avec beaucoup de diplomates. On apprécie le fait d'être très diplomatique. Et puis, on n'aime pas le conflit et on essaye de gérer ça souvent avec le silence, je trouve. Donc dans le contexte du racisme généralement, si on discute trop des problèmes raciales, on devient une – pas forcément un problème. Mais ça devient quelque chose qui crée du – qui devient inconfortable pour les gens. Et quand tu crées cette atmosphère pour les gens parce qu'ils ne sont pas confortables, ça peut souvent créer des enjeux pour toi lorsque tu peux bouger dans ta carrière, parce que les gens disent : « Ah, cette personne se plaint souvent du racisme ». Donc, la culture de silence qu'on a au Ministère, je pense, ne permet pas aux employés noirs d'être complètement eux-mêmes. Donc.

Qu’est-ce qu’on peut faire ? Peut-être pour – peut-être changer cette culture et créer une culture d'ouverture et de diversité, je propose cinq belles petites solutions. La première serait un engagement à défendre – de favoriser les expériences des gens de couleur, et en tant que cadre supérieur, je pense qu'il est important de conserver ce que vous faites maintenant, d'avoir ces conversations, de comprendre quels sont les problèmes, puis de les mettre en avant et de les partager avec la direction. Je pense q  ue c’est important. Et je tiens à féliciter la sous-ministre Marta Morgan, parce qu’elle a rencontré le Réseau des minorités visibles le 12 juin, le vendredi, et elle a écouté les gens raconter leurs expériences. Elle était là, et elle et a pris des notes sur ce qu'ils ressentent ici au département. Je pense donc que c’est pour moi un engagement à défendre la cause. Et c'est ce qu’on veut avoir plus souvent pour pouvoir aller où on veut. Je pense que la deuxième chose est un engagement à servir. Et quand je parle de servir, je pense, comme je l'ai dit, à la haute direction, vous avez tellement d'outils et d'expériences à votre actif, et je pense que peut-être il faudrait avoir un programme, peut-être un programme de mentorat où la haute direction se concentrerait sur les employés de couleur, mais bien sûr, ça serait ouvert à tous les employés. Mais le fait d’avoir cet échange, comme celui que nous avons en ce moment où, vous savez, vous êtes assise avec moi, un homme canadien africain de 28 ans, et vous, la sous-ministre avec des décennies d'expérience au gouvernement. Et nous parlons.

Et ce qui est si important à ce sujet, c'est que je ne peux pas penser à beaucoup d'autres contextes où nous serions assis et nous aurions ce genre de conversation. Je pense donc que l’engagement de servir est vraiment bénéfique pour avoir ces conversations et faire tomber les cloisons qu’il y a au Ministère. Je pense que la prochaine chose serait un engagement en faveur de l'information. Et je pense que la direction du département peut s'efforcer de fournir des ressources aux employés pour qu'ils soient capables d’apprendre, de s’éduquer et de désapprendre. Nous avons donc peut-être de grandes ressources. L'Institut du service extérieur, je pense, est génial. Je pense qu’en offrant une formation et en fournissant du matériel à lire aux gens pour qu'ils puissent commencer leur apprentissage sur ces questions complexes, on peut créer une culture du changement. Et le prochain point serait, disons, l'innovation. Je pense que nous devons être créatifs. Comment imaginer des moyens créatifs de parler de ces sujets difficiles? Est-ce que ça veut dire canaliser l'art? Est-ce que ça veut dire canaliser la vidéographie? Est-ce que ça veut dire faire une série de vidéos d'une minute sur ce qu'il ne faut pas dire à son collègue Noir, en utilisant l’humour, peut-être pour avoir ces discussions qui nous feraient apprendre de différentes manières.

Et je pense que la dernière chose pourrait être un engagement pour l'excellence. Comment reconnaître l'excellence dans notre Ministères? Il y a tellement de beaux talents, tant d'excellence Noire, d'excellence minoritaire. À quoi est-ce que ça pourrait ressembler? Je pense que nous sommes sur la bonne voie. Je pense que s'arrêter et réfléchir aux problèmes peut nous nous amener à penser maintenant à ce que nous voulons être en tant que Ministère. Où voulons-nous – quel genre de culture est-ce qu’on veut créer? Je pense, comme je le disais, que c’est un grand et important premier pas, mais nous devons poursuivre le travail et s’éloigner encore de l’alliance de performance, et entrer dans cette alliance d’engagement, et je pense que nous sommes sur la bonne voie.

Leslie MacLean : Formidable. Encore beaucoup, beaucoup de contenu et des idées Kevin. C'est super intéressant et super utile. Je réfléchis vraiment à la culture du silence. Être trop poli n’est peut-être pas la façon de travailler et de coopérer si on veut passer à cette alliance d’engagement où chacun est accepté pour ce qu'il est et où nous avons tous la chance d’appliquer les « A » au travail chaque jour, et ça inclut notre différence.

Kevin, je pense qu’on a eu tellement de plaisir – qu’on a épuisé notre temps? Est-ce qu'il y avait quelques – Est-ce que toi, t'as une question pour moi?

Kevin Lunianga : J'ai juste une question pour vous. Pour toi, Leslie, j'aimerais juste savoir, parce que je pense que tu as le mandat, un des mandats les plus intéressants au Ministère. Parce que tu dois aborder les sujets de développement international. Et quand on pense du développement international et pourquoi on a besoin de développement international, on doit parler des sujets comme la colonisation et puis le racisme, et l'inégalité mondiale. Donc, en tant que sous-ministre de Développement international, que penses-tu, comment peut-on utiliser ce que les expériences que tu as acquises dans votre travail? Et puis ta perspective mondiale, pour mieux améliorer la culture ici à Affaires mondiales Canada. Parce que je pense que tu as beaucoup de leçons avec ce que tu fais, comment ce qu'on peut utiliser ça pour améliorer la culture?

Leslie MacLean : J'adore cette question super difficile, Kevin, merci. Pour commencer, je suis également emballée avec le mandat d'aide au développement international. Pour moi, c'est tellement une reconnaissance de notre luxe et notre obligation comme pays d’aider les autres. Et de viser nos impôts vers les gens qui sont les plus vulnérables. Et pour moi, la question qui est peut-être à-propos pour nous, à l'intérieur du Ministère, c'est la question de comment est-ce que nous allons bâtir notre capacité? Et on vient tout juste échanger concernant une capacité de reconnaissance et une capacité d’ouverture. Des fois, c'est une capacité d'avoir des discussions difficiles, et d'avoir ces discussions difficiles non pas pour avoir des conflits ensemble, mais pour aller vers un espace de respect, d’égalité et de facilité et d'ouverture pour être ce que nous sommes.

Leslie MacLean : Kevin, j'apprécie énormément notre temps ensemble et notre échange, et je pense que vous m'avez donné une chance merveilleuse de réfléchir avec vous à l'importance du dialogue, mais aussi à l'importance de l'engagement et de l'action.

Kevin Lunianga : Je vous remercie. Je dois dire une fois de plus qu’en ce qui me concerne, vous donnez l'exemple, que vous êtes une pionnière et que vous montrez l'importance de vraiment créer un changement et une culture. Et je suis très honoré d'avoir eu cette conversation avec vous. Et j'ai hâte de continuer en parler et, je l'espère, de vous avoir comme mentor.

Leslie MacLean : Compris.

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