Transcription – Épisode 42 : Entretien avec André Frenette et nos missions à l'étranger

Bienvenue aux Dossiers d’AMC, un balado sur les gens, les enjeux et les idées qui animent Affaires mondiales Canada.

Voici votre animateur, John Hannaford, sous-ministre du Commerce international d’Affaires mondiales Canada.


John Hannaford : Bonjour à tous, c'est un plaisir d'avoir l'occasion d'avoir une autre conversation concernant notre communauté au sein d'Affaires mondiales. Ceci est la poursuite d’une série de discussions que nous avons eues dans ce format, mais aussi lors d’assemblées ouvertes qu’ont dirigées mes collègues au sujet de notre réaction à la pandémie et de la façon dont cela influence notre manière de travailler. J'ai avec moi aujourd'hui 4 membres de notre communauté, premièrement André Frenette qui est directeur général et coordinateur de notre Task Force concernant la COVID-19. J'ai aussi Yulia Koba et Drew Evans, qui font tous 2 partie de notre mission en Ukraine et Ana Cecilia Burnham qui est à notre mission à Panama. Alors peut-être qu’on peut commencer. André, peut-être, ceci est une occasion de parler un peu de notre travail ensemble concernant ce sujet et peut-être vous pouvez décrire notre approche en général concernant nos missions et notre stratégie dans ce contexte assez difficile.

André Frenette : OK, bon, merci. Merci, Monsieur le sous-ministre. Et bonjour à vous 3. C’est avec plaisir que je me retrouve avec vous. Et bien sûr, l’Amérique latine et les Caraïbes occupent une place bien spéciale dans mon cœur puisque j’y ai travaillé pendant plusieurs années. Alors Ana Cecilia, hola. Mucho gusto.

Pour commencer, je dirais d’abord que pour l’approche du Ministère dans son plan de réintégration, que ça soit ici à la centrale ou dans les missions, nous avons adopté vraiment une approche très, très prudente. Une approche prudente qui adhère aux directives strictes qu’ont énoncées nos responsables de la santé publique, notre employeur, qui est le Secrétariat du Conseil du Trésor, et évidemment nos employés qui répondent aux enquêtes et nous fournissent des orientations sur la manière dont nous pourrions adapter notre approche, alors cela est vrai pour l’administration centrale autant que pour nos missions. Les missions ont reçu des orientations sur la manière de procéder en fonction de l’approche que nous avons adoptée au Canada. Mais bien sûr, nous reconnaissons que les choses sont très différentes dans les diverses régions du monde et, évidemment, dans nos missions. Donc, nous travaillons avec, vous savez, l’ambassadrice Galadza, l’ambassadrice Nicholls et nos ambassadeurs à l’échelle du réseau de manière à mieux répondre aux besoins précis à mesure qu’ils surgissent. Aussi, le Ministère a mis en place des dispositions spéciales afin que les missions puissent acquérir les EPI [équipement de protection individuelle] et autres fournitures qui sont de même qualité que les EPI et les fournitures que nous achetons ici au Canada, sans compter nos sites intranet. Il s’y trouve une page spéciale pour les missions avec énormément de renseignements, il y a beaucoup de conseils et d’outils qui sont mis à la disposition des missions, comme c’est le cas sur la plateforme des secteurs et sur une page wiki sur la reprise du travail. Nous avons aussi fourni des orientations sur des trucs comme une évacuation médicale, sur la quarantaine lors du retour dans les missions, lors du retour au pays. Et je donne des mises à jour régulières sur l’information sanitaire. Je sais, par exemple, qu’en Ukraine, nous avons assisté à une hausse assez importante des infections ces derniers temps. Et je sais que l’ambassadrice et son équipe réévaluent constamment les risques associés à ceci et les restrictions, et ils procèdent aux ajustements nécessaires aux protocoles de la mission. Cela est le cas en Ukraine et cela est le cas dans plusieurs autres missions à l’étranger. Et l’administration centrale continue de soutenir nos missions ainsi. Je crois que je vais m’arrêter là, Monsieur le sous-ministre.

John Hannaford : Merci, André. Oui, je veux dire, c’est l’une des caractéristiques de cette expérience qui, évidemment, est une pandémie. Elle touche toutes les régions du monde, mais elle touche toutes les régions du monde de façon singulière. Et peut-être pourriez-vous élaborer un peu là-dessus? Une partie de cela constitue aussi du changement. Nous voyons comme une hausse du nombre à différents endroits et une baisse du nombre à d’autres endroits. Vous savez, contrairement à la plupart des ministères à Ottawa, nous sommes touchés par toutes ces hausses et toutes ces baisses parce que nous avons des gens partout dans le monde. Littéralement. Alors quelles sont nos stratégies concernant les effets du changement?

André Frenette : Je vais tout juste poursuivre avec l’exemple de l’Ukraine, si je peux, pour un instant, car l’Ukraine est un bon exemple de ce que nous voyons dans d’autres régions du monde. À la mission, nous avons une obligation de diligence envers plus d’une centaine de familles d’employés canadiens et d’ERP [employé recruté sur place]. Cela est passablement important. C’est une mission de taille moyenne. Si nous repensons à mars, plus exactement au 26 mars, alors que nous avons commencé à évacuer les employés de Kyiv ce jour-là, on rapportait à ce moment 34 cas. Seulement jeudi dernier, on rapportait environ 355 nouveaux cas. Nous voyons une évolution ici dans la pandémie, pas seulement en Ukraine, évidemment, mais dans d’autres régions du monde. Et bien que dans certains pays la fiabilité des nombres officiels peut parfois être remise en question, cela présente, toutefois, un portrait qui dénote une tendance inquiétante par rapport à la direction que prend cette pandémie. Les missions ne peuvent faire autrement que de s’adapter à une situation très dynamique, très fluide, en s’ajustant, en revoyant leurs protocoles de mouvement, en révisant l’accès à la chancellerie et autres. Ici à l’administration centrale, nous continuons de surveiller l’évolution de la pandémie partout dans le monde. Et nous continuons de travailler avec nos collègues dans les missions, notamment les AGC [agent de gestion et des affaires consulaires], afin de leur procurer le soutien dont ils ont besoin pour procéder à ces ajustements.

Je veux dire aussi qu’au moment où ce changement s’opère et où nos missions s’adaptent à ce nouvel environnement qu’est le monde, nous sommes conscients que cela a une incidence sur nos employés, nos employés canadiens et nos ERP, et nous constatons cela dans les réponses, dans vos réponses aux enquêtes publiques. La troisième ronde de l’enquête publique s’est terminée il y a quelques jours, et environ 37,6 % des réponses que nous avons reçues provenaient de nos missions. Nous vous encourageons à continuer d’agir ainsi. Cela est vraiment important. Cela nous a permis de procéder aussi à quelques ajustements. Par exemple, nos employés canadiens qui rentrent au Canada, de manière définitive ou pour des vacances, peu importe la raison, ne peuvent pas faire de télétravail pendant leur quarantaine. Et pour les employés canadiens, ils savent aussi que la question de la DSE [Directive du service extérieur] 50 a été un sujet de préoccupation ces derniers temps. Il importe de se rappeler que l’application de la DES est le résultat d’une négociation entre les agents négociateurs et l’employeur. Cela dit, je comprends que les paramètres entourant l’application de la DSE 50 font actuellement l’objet d’une révision et, sans connaître les résultats à venir, j’espère vraiment que nous pourrons partager très bientôt quelques renseignements avec nos collègues employés canadiens.

John Hannaford : Merci, André. Peut-être Ana Cecilia, vous pouvez nous donner un sens de votre vie actuelle. Quelles sont les stratégies pour traiter ce type d’expérience et pour traiter votre bien-être psychologique et votre sentiment de bien-être général en milieu de travail? Qu’en pensez-vous?

Ana Cecilia Burnham : Bonjour. Buenos dias à tous. Merci de me recevoir aujourd’hui. Pour ma part, sur une note personnelle, j’ai beaucoup cuisiné depuis le début de la quarantaine. J’ai donc fait aussi de l’exercice pour compenser toute la nourriture que j’ai préparée. J’ai essayé de m’occuper autant que possible de mon travail habituel, mais chaque fois qu’il y a de nouveaux projets au bureau ou que nous avons eu des projets ou des activités du FCIL [Fonds canadien d’initiatives locales], j’ai essayé de participer parce que, comme vous le savez, au Panama, notre quarantaine était très stricte dès le début. Nous ne pouvions sortir que 2 heures et demie par jour, 3 jours par semaine. Au début, c’était donc accablant. Je trouve que le simple fait d’être occupé, de travailler, de parler à mes collègues aide. Nous avions des déjeuners virtuels à l’ambassade. Nous n’arrêtions pas de nous téléphoner. De quoi avez-vous besoin? L’ambassadrice Lilly [Nicholls] appelait tout le monde. Comment est votre bien-être? Comment vous sentez-vous? Comment vous sentez-vous par rapport au travail? Avez-vous l’impression de progresser? Toutes ces choses aident donc. De plus, la participation de l’ambassade à la lutte contre la pandémie au Panama a été importante. Tout comme de voir que le travail a été très gratifiant, en fait, et de voir que le Canada a participé et a laissé sa marque.

John Hannaford : Comment trouvez-vous le travail? Par exemple, vous travaillez de la maison, je suppose, ou êtes-vous en grande partie dans la mission? Ou encore est-ce une combinaison des 2?

Ana Cecilia Burnham : C’est une combinaison des 2. Je vais à la mission 2 fois par semaine. Je trouve que le travail évolue de jour en jour parce que je m’occupe des propriétés des employés canadiens. Beaucoup, beaucoup d’entre eux sont au Canada en ce moment. Et l’humidité au Panama est terrible. Certains jours, c’est comme 90 % d’humidité. Cela détériore les maisons, et il n’y a personne sur place. Nous avons donc gardé un œil sur la situation en visitant les demeures, en essayant de continuer à en faire l'entretien et en travaillant en étroite collaboration avec les administrateurs du bâtiment et du bureau. Ceux-ci ont même réglementé le nombre de personnes pouvant entrer au bureau pour travailler, en s’assurant qu’elles portaient des masques et qu’elles étaient en costume. Vous voyez des distributeurs de gel partout et des tapis pour nettoyer les chaussures. Et c’est un changement qui s’est produit du jour au lendemain. C’était drastique, mais je dois dire que cela a aussi été une expérience d’apprentissage.

John Hannaford : D’accord. Je vais peut-être m’adresser à Drew et parler de son expérience à KYIV. Comment trouvez-vous les choses? Je suis sûr qu’une grande partie de ce qu’Anna Cecilia vient de dire est similaire dans la mission en général, mais il est évident que KYIV a eu sa propre expérience de cette pandémie. Quelle est votre situation?  

Drew Evans : Oui. Merci. Tout comme Anna Cecilia, je vous remercie de m’avoir invité à participer à ce balado. Et merci de m’avoir offert la chance d’essayer de raconter un peu de notre histoire. Je veux dire... nous nous soucions profondément de notre personnel. Et c’est une grande partie de notre travail. Comme c’était le cas au Panama, nous essayons de trouver la meilleure combinaison de conseils de santé canadiens et ukrainiens pour assurer la sécurité de notre personnel. Les conseils ukrainiens, en particulier, sont en constante évolution. Nous avons beaucoup d’employés qui sont autorisés à entrer dans la chancellerie; en fait, ils sont tous autorisés, mais la plupart travaillent à domicile. J’y reviendrai dans une minute. Nous n’avons pas de limite d’accès stricte, mais nous avons des mesures en place. Nous avons donc essayé de… la première mesure est l’éducation. Le personnel doit... les gens se tiennent sur leurs gardes au travail, mais ils ne se tiennent pas nécessairement sur leurs gardes dans leur vie personnelle. Nous essayons donc de faire en sorte que les gens soient aussi informés que possible afin qu’ils puissent prendre les bonnes décisions dans leur vie personnelle. C’est là que l’infection en milieu de travail commence : dans la vie personnelle d’une personne.

Nous avons aussi… la deuxième mesure est la façon dont nous contrôlons qui peut entrer à la chancellerie, et Anna Cecilia y a fait allusion. Nous avons eu beaucoup de chance depuis le début de la pandémie, car les missions ont des ordinateurs portables de secours pour presque tout le personnel. Nous n’avons donc pas de limite stricte, mais nous encourageons le télétravail. Ainsi, environ 75 % de nos employés choisissent de travailler de la maison. Et nous constatons que le fait de leur offrir une option comme celle-là, je pense, et Yulia pourrait renchérir là-dessus, les aide à trouver un équilibre entre leur travail et leur vie privée et contribue à leur bien-être mental en ces temps difficiles. Cela signifie aussi que si un employé développe des symptômes, il sera probablement chez lui quand cela se produira.

Nous avons également réalisé, comme André l’a mentionné, que la COVID se présente par vagues. Notre plan est donc d’aller de l’avant et de reculer, en fonction de ce qui se passe là-bas. Comme André le disait, les taux de notre ville sont assez élevés. En fait, par habitant, ils sont à égalité avec ceux des Américains en ce moment. Et notre pays hôte ne veut pas nécessairement que la musique s’arrête. Ces jours-ci, nous devons donc forger notre propre opinion sur ce que nous devons faire, et forger notre propre opinion indépendamment des autorités sanitaires représente aujourd’hui 80 % de mon travail. Nous devons comprendre la logique qui sous-tend chaque conseil de santé que nous recevons du Canada ou de l’Ukraine pour essayer de déterminer lequel est le meilleur à suivre dans notre situation particulière. Nous examinons donc tout cela. Il existe différentes règles concernant les zones de quarantaine, les tests de dépistage, la recherche des contacts et l’utilisation des masques. Et nous devons tout comprendre et trouver le bon équilibre. Comme André l’a dit, les chiffres officiels ne disent pas tout, et j’ai même dû commencer à travailler avec des épidémiologistes occidentaux basés en Ukraine pour essayer de faire des projections internes qui nous permettent de déterminer le véritable risque pour le personnel. Nous avons 2 autres mesures que l’administration centrale a aussi adoptées. Vous savez comment vous utilisez les espaces communs avec l’équipement de protection personnelle, la distanciation sociale, etc. Nous avons également quelques règles pour le personnel qui assure les services essentiels. Nous essayons donc de nous assurer qu’aucun cas d’infection ne touche l’ensemble du personnel. Pour quelqu’un comme moi, qui travaille dans le domaine de la sécurité, j’ai un adjoint. Et la règle est que nous devons éviter les contacts entre nous. Une seule infection ne peut pas nous décimer tous les 2. Nos enfants vont à la même école et, par chance, ils sont dans la même classe. Nous avons donc formé d’autres employés canadiens pour nous remplacer entièrement pendant 2 semaines. Mais pour chacune de nos quelque 30 tâches critiques, nous avons soit défini des règles de prévention, soit adopté des stratégies de reprise en dernier recours.

L’autre point que je voudrais mentionner concernant le retour sur les lieux de travail et à quoi cela ressemble du point de vue d’une mission, c’est à quoi ressemble le travail en dehors de la chancellerie et ce que le retour sur les lieux de travail signifie en dehors de la chancellerie, car nos relations avec nos personnes-ressources locales sont au cœur de notre travail. La plupart de nos réunions avec les personnes-ressources locales se font de façon virtuelle, mais certains sujets sont juste trop délicats pour en discuter sur une ligne non sécurisée. Donc pour discuter de ces sujets, nous devons nous rencontrer en personne. Mais cela nous met parfois dans des situations où nous rencontrons des personnes sur leur terrain, des personnes qui sont loin de prendre le même niveau de précaution que nous. Pas de masque, proximité, mauvaise ventilation, pour ne nommer que quelques éléments. Donc pour nous, une partie essentielle des activités consiste à négocier les modalités de chaque rencontre. Nous avons aussi fait des choses comme transformer notre terrasse à l’arrière, qui était un espace social. C’est maintenant un lieu de rencontre. Parce que là, nous pouvons établir les règles et nous contrôlons notre terrain.

John Hannaford : Excusez-moi, mais à propos du dernier point, que ferez-vous, Drew, lorsque viendra l’hiver, puisque la situation est similaire à Ottawa et à Kyiv, où vous aurez quelques mois froids? Comment allez-vous gérer cela en ce qui a trait aux rencontres à l’extérieur?

Drew Evans : Nous avons, en ce moment même, juste commencé à examiner l’usage de chaufferettes, etc. Nous avons une terrasse 3 saisons. Nous avons en fait des « soirées au pub » à la mi-janvier sur notre terrasse arrière grâce à ces chauffages d’appoint. Donc maintenant, nous cherchons juste à prolonger l’usage de façon à obtenir un espace de rencontre toutes saisons. Je ne suis pas sûr encore que cela va fonctionner, mais nous explorons les possibilités maintenant.

John Hannaford : Eh bien, écoutez, vous savez, je pense que vous avez couvert plusieurs points très importants. Je pense que j’ai été frappé par votre référence à l’importance de la capacité d’agir et de la gestion du stress, car je pense que c’est en général une question d’avoir des gens qui ont l’impression d’avoir un certain contrôle sur leur vie. C’est en soi une sorte de façon de réduire en partie le stress associé aux situations. Et cela semble particulièrement vrai dans ce cas-ci, où ce sont des décisions vraiment personnelles que les gens doivent prendre concernant leur propre santé. Mais nous faisons manifestement cela dans le contexte du mandat que nous devons exécuter. Et donc il y a une série de discussions qui doivent se faire tant à l’interne qu’à l’externe afin d’en arriver à un équilibre adéquat à l’égard de l’ensemble des enjeux.

Permettez-moi de me tourner vers Yulia. Quelle a été votre expérience en ce qui a trait à la gestion de cette situation? Que trouvez-vous particulièrement utile sur le plan de cet équilibre dans votre propre vie, ainsi que dans ce sentiment professionnel et personnel que vous êtes dans la meilleure position possible?

Yulia Koba : Bonjour. Je suis heureuse d’être ici aujourd’hui, et je vous remercie pour votre question. Je voudrais aussi commencer par la routine que vous avez mentionnée plus tôt. En ce qui me concerne, je travaille à l’ambassade depuis 10 ans. Donc la quarantaine et l’auto-isolement en raison du confinement en Ukraine à la mi-mars, cela a signifié rompre avec cette énorme routine. Et plusieurs des défis qui sont survenus étaient durs. Donc, quand les activités de l’ambassade sont passées au travail à domicile pour la plupart d’entre nous en même temps, les écoles et les jardins d’enfants ont fermé leurs portes. J’ai 2 enfants. L’un est en 7e année, et il suivait ses classes en ligne de façon assez indépendante. C’était même très gentil de sa part de partager son bureau avec moi lorsque je travaillais à mon ordinateur. Mais mon plus jeune fils a 6 ans et il souffre de troubles du spectre autistique. Il fréquente un jardin d’enfants privé, qui offre une large gamme de classes spéciales pour l’aider à développer ses habiletés et à gérer plusieurs problèmes sensoriels et de comportement. Pour les enfants autistes, toute perturbation dans les classes constitue un grave problème. Donc notre jardin d’enfants a trouvé un programme d’apprentissage à distance qui nécessitait ma pleine participation en tant que tutrice durant 2 heures chaque jour, pour veiller à ce que mon fils continue à recevoir le soutien dont avait besoin. Et cela a duré presque 3 mois. J’ai eu la chance que ma direction appuie mon horaire flexible, donc j’ai pu consacrer le temps nécessaire à mon plus jeune fils. Donc je commençais ma journée de travail plus tard et je travaillais bien au-delà des heures normales étant donné que la charge de travail n’avait pas du tout diminué.

Au contraire, je dois dire que le passage au travail en ligne depuis le domicile s’est traduit par un plus grand nombre de rencontres d’équipe et d’appels à des partenaires, de nouveaux réseaux, une plus grande coordination du soutien des donateurs à l’Ukraine pour répondre à la COVID-19, plus de réunions d’information, et toute la préparation nécessaire pour tout cela. Nous avons dû devenir des experts en informatique. Nous avons tous appris à utiliser de nouvelles plateformes : Zoom, puis WebEx et ensuite Teams. Nous avons développé bien des compétences en TI durant cette période, c’est sûr.

En juin, lorsque les écoles et les jardins d’enfants ont rouvert leurs portes, j’ai commencé à apprécier la formule du travail à domicile, car je pouvais dormir un peu plus longtemps le matin et je ne devais pas faire un long chemin, qui me prend plus d’une heure, pour me rendre au travail. Je suis allée au bureau quelques fois, et je dois dire qu’avec les strictes mesures mises en place par Drew et son équipe, l’atmosphère de travail est très calme en ce moment à l’ambassade. Lorsque vous travaillez de la maison, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée devient difficile. C’est très tentant de ne pas éteindre son ordinateur après les heures de travail si la liste des choses à faire s’allonge tout le temps. Le décalage horaire et le besoin de rattraper le temps perdu avec les collègues à l’administration centrale contribuent aussi à cela, et le décalage horaire est de 7 heures. Nous avons récemment discuté de ce problème de lourde charge de travail lorsque nous travaillons de la maison, et de tout le stress qui l’accompagne, lors de l’une de nos réunions d’équipe. Et maintenant, je dois dire qu’à la fin de chaque journée, notre directeur adjoint envoie à toute l’équipe un message très positif disant des choses comme : « À la fin de chaque journée, avant de vous déconnecter, soyez satisfait de ce que vous avez accompli. Soyez reconnaissant de ce que vous avez et soyez fier de ce que vous êtes. » Cela aide vraiment à réaliser que nous travaillons tous très fort, mais qu’on ne peut pas faire plus en une journée. Donc je suis très reconnaissante envers mon équipe et envers des gens comme Drew, qui s’assurent que nous sommes en sécurité et que nous avons tout le matériel pour travailler à la maison et faire tout ce que nous pouvons pour bien travailler. Merci.  

John Hannaford : Bon, je dois dire, vous savez, comme les sous-ministres de ce ministère... et je sais que je parle pour nous 4... Nous sommes extrêmement fiers du travail accompli par le réseau des missions. Nous sommes très fiers de vous tous. Vous travaillez dans des conditions très difficiles. Et je pense que le Ministère a fait des choses vraiment extraordinaires au cours des 6 dernières semaines... pardon, des 6 derniers mois, et c’est le résultat de ces efforts d’équipe extraordinaires dans l’ensemble du réseau et aussi dans chacune des missions. Je voulais que vous le sachiez.

Peut-être que je peux poser une question pour vous tous. Quelles sont les leçons pour les autres missions en termes de réseaux? D’après votre expérience, quels sont les principaux éléments que vous aimeriez partager avec vos collègues des autres missions? Et qu’avez-vous appris des autres missions? Comment trouvez-vous cet exercice de comparaison et de contraste dans cette situation? Commençons avec Drew?

Drew Evans : OK. Merci pour votre question. D’une certaine façon, cependant, je ne suis pas la personne idéale pour répondre à cette question, car c’est moi qui fixe les règles. Je fixe les règles et je crois sincèrement qu’elles protégeront les gens. Donc, par défaut, je vais me sentir moins anxieux que presque tous les autres dans mon ambassade, car c’est moi qui ai le plus de contrôle sur la situation. Je dirais que le lieu de travail deviendra l’un des rares endroits dans nos vies où tout le monde suivra les mêmes règles strictes, avec vigilance et conformité aux règles, l’employeur, comme nous. Pour moi, c’est un gros enjeu de m’assurer que tout se passe bien au travail. Mais dans votre vie personnelle, ce n’est pas vrai. Et moi, j’ai juste... donc, pour protéger les collègues, il faut se protéger dans sa vie personnelle, c’est ça l’important. Et si nous le faisons tous, le lieu de travail n’est plus si angoissant, tout d’un coup. Pour ce qui est des autres ambassades, les gestionnaires de programme chargés de la préparation se parlent constamment les uns les autres, et échangent des pratiques exemplaires, des expériences, des conseils. Je dirais que ce que j’ai mis en place dans mon ambassade n’est pas le seul produit de notre travail. C’est le produit de pratiques exemplaires qu’ont concoctées à un moment ou à un autre une douzaine de gestionnaires de programme chargés de la préparation. Et j’ai été capable de mettre tout ça dans un document pour Kyiv, mais c’est le produit des réflexions de groupes dans pas mal d’ambassades différentes. Donc, pour moi, le réseau a été très utile pour bien faire les choses ici, en Ukraine.

John Hannaford : Ana Cecilia, avez-vous des réflexions? 

Ana Cecilia Burnham : Je pense que pour nous, ce qui a vraiment bien fonctionné, c’est la communication. Je fais partie du groupe d’urgence depuis le début. Et tout ce que nous appliquons à l’ambassade, nous en avisons immédiatement tout le monde. Donc, toute mesure de sécurité que nous prenons au bureau maintenant que nous commençons petit à petit à y revenir, nous en parlons aux gens. Par exemple, nous faisons nettoyer l’ambassade et les stations tous les lundis. Donc, on y va le reste de la semaine, quand on y va. Tout est propre. Et informer nos collègues de ces mesures de sécurité que nous prenons; ils se sentent en sécurité s’ils vont au bureau. Mais de la même façon, une chose qui me semble très bien venant de l’équipe de direction, c’est que nous allons au bureau lorsque nous nous sentons à l’aise de le faire. Nous pouvons faire du télétravail et c’est nous qui décidons d’aller au bureau ou de travailler de la maison. Moi, par exemple, comme l’a dit Yulia, j’ai un jeune enfant. Alors, quand je vais au bureau, j’y trouve une paix et une tranquillité pour pouvoir travailler. J’apprécie donc beaucoup les 2 jours où je vais au bureau. En même temps, je me sens dans un environnement sécuritaire. Et l’ambassade prend des mesures pour nous protéger à l’intérieur de la zone.

John Hannaford : Yulia?

Yulia Koba : Je ne sais pas comment c’est dans les autres pays, mais en Ukraine, la circulation est insensée, parce que toutes les personnes qui prenaient les transports en commun de temps en temps prennent maintenant des taxis ou des véhicules privés. Je suggère donc aux collègues qui reviendront au bureau de planifier longtemps à l’avance la façon de s’y rendre. Et d’ajuster leurs heures de travail pour éviter les bouchons, ce serait utile. C’est une chose dont nous profitons, en Ukraine. Et d’autres missions pourraient aussi le faire pour s’assurer que le temps passé sur la route, dans les transports publics pour ceux qui doivent les emprunter, que ce temps est limité et le moins dangereux possible.

J’aimerais aussi remercier Drew, qui pense qu’il fixe toutes ces règles. Je voudrais profiter de cette occasion pour le remercier de toutes ces règles, de nous protéger, car toutes ces règles sont vraiment bonnes. Il ne s’agit pas seulement de règles, mais aussi d’information rigoureuse sur la façon dont se transmet la COVID. Quelles sont les choses à ne pas faire, pour commencer? Toute cette information nous aide à nous protéger au travail, dans nos vies personnelles, et pour nous occuper de nos familles. C’est donc très important, votre travail, Drew. Merci.

John Hannaford : Est-ce que je peux revenir sur le dernier point? Ce sera ma dernière question à vous tous. Vous savez, vous avez tous mentionné vos familles, et c’est normal de s’en inquiéter dans cette situation. Chacun d’entre nous a une situation familiale qui lui est propre, des enjeux qui y sont rattachés. Mais avez-vous des réflexions sur... je dirais, la façon de répondre à l’anxiété qu’ils pourraient avoir, ou encore, de sentir que vous les soutenez le plus possible? Pouvez-vous faire part de ces réflexions à vos collègues qui vivent peut-être le même genre de problèmes?

Drew Evans : Je vais répondre. J’ai 2 enfants et ma femme travaille et étudie. Nos enfants restent à la maison un jour sur 2. À distance un jour et en présentiel le lendemain. La maison est donc parfois très animée. Alors, la flexibilité de travailler de la maison, et de régler des choses avec mon équipe, vous savez, ça me permet d’être à la maison quand je peux y être utile. L’autre chose, c’est qu’on n’est pas seul. Tout un chacun est dans la même situation, on supporte, vous savez... je suis ici, en costume, prenant un appel à partir de ma chambre. Eh bien, vous savez, c’est un peu le chaos ici.

John Hannaford : Je présume que vous portez des pantalons courts.

Drew Evans : Vous en avez parlé avant l’appel, alors ce que je veux dire, il y a le visage maintenant. Mais nous ne sommes pas seuls à cet égard. C’est tout ce que je dirai là-dessus.

John Hannaford : Cecilia, Yulia, des réflexions?

Ana Cecilia Burnham : Quelque chose pour moi qui a marqué la quarantaine est que mon AGC de ce temps-là, alors que je travaillais de la maison et que mon bambin disait que je faisais des devoirs parce qu’il voit sa grande sœur faire ses devoirs. Alors il pense que je fais des devoirs quand il me voit assis à l’ordinateur et il se fâche parce que je suis là pendant des heures et il vient fermer l’ordinateur, et c’est à mon tour de me fâcher parce que j’étais en plein milieu de quelque chose. Avec mon AGC, nous avons des rencontres bilatérales hebdomadaires par téléphone et nous parlons de travail et de comment ça se passe et de tout. Et je lui ai dit ce qui se passait et elle m’a dit : « Anna Cecilia, quand ça arrive, cela veut dire que ton fils a besoin d’attention. Tu dois arrêter ce que tu fais et lui donner au moins 10, 15 minutes pour qu’il se calme. Et plus tard, tu peux continuer à faire ce que tu as à faire. Mais vous devez leur donner de l’attention. Tu es à la maison maintenant, et il ne comprend pas que tu travailles. » Et pour moi, c’était bon de sentir ce soutien et de gérer des choses au travail et d’apprendre que, à la maison, je dois être capable de faire les 2 avec flexibilité.

John Hannaford : Yulia?

Yulia Koba : Oui, j’aimerais appuyer ce qu’Ana Cecilia vient de dire, à savoir que le soutien de la gestion est essentiel parce que quand nous travaillons de la maison, c’est une scène très inhabituelle pour nos enfants et nos conjoints qui ne sont pas habitués de nous voir si dévoués à autre chose quand nous sommes à la maison. Et cela peut aussi devenir un défi pour nos relations. Alors, il est très important d’avoir de la flexibilité, la possibilité de prendre une pause et de donner une attention bien nécessaire à nos proches.

Une autre chose que je voudrais ajouter est qu’il est aussi formidable de recevoir tous les conseils nécessaires et que nous pouvons les partager avec nos proches parce que, honnêtement, en Ukraine ce ne sont pas toutes les organisations qui prennent aussi bien soin de leurs employés que l’ambassade le fait avec nous. Il me fait plaisir de partager certains conseils que nous avons reçus avec mes parents, mes beaux-parents, et même avec mon mari. Et cela est très important et très utile et apprécié.

John Hannaford : OK. André, avez-vous des réflexions finales en ce qui concerne ce grand enjeu?

André Frenette : Je dois dire que, pour moi, cela a été un 30-minutes très instructif. Et si je peux dire, il a été inspirant d’avoir une idée réelle des défis que vous devez relever dans les missions. Mais aussi, je sens cette ambiance très positive avec laquelle vous devez gérer la situation, pas seulement vous, mais vos familles également. Ce fut un réel plaisir pour moi de vous entendre sur ces enjeux ce matin. Alors, merci. Merci pour cette occasion.

John Hannaford : OK. Un grand, grand merci de ma part, c’était vraiment une conversation assez importante, je pense, et je suis très reconnaissant pour tout le travail que vous faites, et je suis très reconnaissant que vous vous soyez joints à nous ce matin. Alors, merci. Prenez bien soin de vous. Prenez bien soin de vos familles. Et nous poursuivrons ces conversations dans différents formats. J’apprécie vraiment que vous ayez pris le temps ce matin. Tout le plaisir est pour moi.

Drew Evans : Merci.

Ana Cecilia Burnham : Merci.

Yulia Koba : Merci. Au revoir. Bonne journée.


Merci d’avoir écouté le balado, et nous espérons que vous vous joindrez à nous pour les épisodes futurs des Dossiers d’AMC, un balado sur les gens, les enjeux et les idées qui animent Affaires mondiales Canada. N’oubliez pas de vous joindre à la conversation en ligne en utilisant le #DossiersDAMC.

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