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NOTE D’INFORMATION : Mise à jour sur les licences d’exportation vers l’Arabie saoudite

Version PDF (7,39 Mo)

À : Ministre des Affaires étrangères
C.c. : Ministre de la Diversification du commerce international
Ministre du Développement international
Objet : Mise à jour sur les licences d’exportation vers l’Arabie saoudite

Sommaire :

La présente note d’information est une mise à jour au sujet de l’évaluation du Ministère concernant les licences d’exportation vers le Royaume d’Arabie saoudite (RAS). En raison de la dégradation des relations entre le Canada et le RAS, du conflit au Yémen et de la crise humanitaire qui en découle et de l’assassinat de Jamal Khashoggi, le gouvernement réévalue ses politiques en matière de relations étrangères, de défense et de sécurité en ce qui a trait au RAS. En novembre 2018, vous avez annoncé l’examen de toutes les ventes d’arme au RAS et un moratoire de fait sur la délivrance de licences d’exportation vers le RAS jusqu’à ce que l’examen soit achevé.

Au cours de la période d’examen, aucune licence valide existante n’a été suspendue ou annulée, permettant ainsi la poursuite de l’exportation de certains articles, y compris des véhicules blindés légers (VBL) par General Dynamics Land Systems Canada (GDLS-C). En outre, au cours de cette période, le Ministère a évalué et a traité au cas par cas 48 nouvelles demandes de licence d’exportation de marchandises contrôlées au RAS suivant son processus standard robuste d'évaluation des risques. Les fonctionnaires ont jugé ces licences prêtes pour approbation et ils attendent que vous les examiniez.

Depuis novembre 2018, conformément au processus standard robuste d’évaluation des risques du Ministère, les fonctionnaires ont examiné les sources de préoccupation, y compris la situation des droits de la personne au RAS et le conflit au Yémen. Le bilan du RAS sur le plan des droits de la personne demeure [EXPURGÉ] problématique, notamment en ce qui concerne les droits civiques et politiques. Le RAS a aussi été accusé d’avoir violé de façon flagrante les droits internationaux de la personne et le droit humanitaire international en raison de son rôle à la tête d’une coalition militaire au Yémen. Toutefois, dans ce contexte, les fonctionnaires n’ont trouvé aucun élément de preuve crédible permettant de lier les exportations canadiennes d’équipement militaire ou d’autres marchandises contrôlées à quelque violation des droits internationaux de la personne ou du droit humanitaire international que ce soit qu’aurait commise le gouvernement saoudien.

Les fonctionnaires n’ont relevé aucune licence existante ou demande de licence en attente qui constituerait une source de préoccupation selon le cadre standard robuste d’évaluation des risques.

John Hannaford
Sous-ministre du Commerce international

Marta Morgan
Sous-ministre des Affaires étrangères

Contexte :

1. En novembre 2018, vous avez annoncé que le Ministère réaliserait un examen des exportations d’armes vers le RAS et appliquerait un moratoire de fait sur la délivrance de licences d’exportation jusqu’à ce qu’il soit achevé. La présente note d’information est une mise à jour au sujet de l’examen en cours et de l’effet du moratoire sur les nouvelles licences d’exportation.

2. Depuis octobre 2018, le Ministère n’a délivré aucune nouvelle licence d’exportation de marchandises contrôlées vers le RAS, même si les entreprises détentrices d’une licence valide existante peuvent toujours faire des exportations. Les demandes de nouvelle licence d’exportation continuent d’être évaluées au cas par cas conformément à des lignes directrices d’évaluation robuste des risques en application de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation (LLEI). Dans les cas oùcela est justifié, les demandes, une fois évaluées, vous sont soumises pour approbation.

3. Sous le régime de la LLEI, vous, à titre de ministre des Affaires étrangères, jouissez d’une large marge discrétionnaire pour décider si l’exportation de marchandises contrôlées est compatible avec les intérêts du Canada, tant que cette décision n’est pas fondée sur les facteurs non pertinents et qu’elle n’est pas arbitraire et injustifiée. Après le dépôt du projet de loi C-47 (modification à la LLEI et au Code criminel) et des règlements connexes le 1er septembre 2019, l’évaluation de ces facteurs pour toutes les futures licences est exigée par la loi. Toutefois, l’absence d’éléments de preuve crédible d’un risque sérieux ne vous oblige pas à délivrer une licence donnée, car il peut y avoir d’autres motifs liés aux relations internationales, à la sécurité ou à la défense de ne pas l’accorder.

Relations bilatérales

4. Depuis octobre 2018, il y a eu une dégradation marquée des relations bilatérales avec le RAS. L’expulsion en août dernier de l’ambassadeur du Canada par le gouvernement saoudien et les restrictions imposées sur l’investissement et le commerce (qui ont été précipitées par la réaction du RAS au soutien que vous avez accordé à des défenseurs des droits de la personne détenus dans ce pays), l’assassinat de Jamal Khashoggi et les actes commis par la coalition menée par le RAS dans le conflit au Yémen ont contribué grandement à cette dégradation.

5. Il n’y a eu aucun progrès dans la normalisation des relations bilatérales entre le Canada et le RAS. Les mesures punitives diplomatiques et commerciales instaurées par le RAS contre le Canada en août 2018 demeurent en place. Même si des obstacles évidents demeurent en ce qui concerne les interactions sur la scène politique, commerciale et diplomatique, [EXPURGÉ]. Par exemple, le RAS reste un partenaire précieux dans la lutte contre Daech à l’échelle mondiale.

Droits de la personne

6. Le bilan global du RAS sur le plan des droits de la personne demeure [EXPURGÉ] problématique, notamment en ce qui concerne les droits civils et les droits politiques. Les problèmes liés aux droits de la personne au RAS comprennent : les mises à mort illégales, les exécutions pour des crimes non violents, les transferts arbitraires, les disparitions forcées et la torture de prisonniers et de détenus par des agents du gouvernement. Parmi les autres problèmes, on compte : les arrestations et détentions arbitraires, la restriction des libertés de rassemblement pacifique, d’association et d’expression, la restriction de la liberté de religion, les obstacles légaux à la pleine participation des femmes à la société et, dans un petit nombre de cas, l’application de la peine de mort à des mineurs.

7. Le fait que le RAS n’ait pas lancé une enquête transparente et crédible sur l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à l’ambassade du RAS à Istanbul est une source de préoccupation particulière. Des audiences à huit clos ont commencé au RAS en janvier 2019 et semblent se poursuivre, même si les représentants du RAS refusent de confirmer le nom des accusés. Les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et la Türkiye ont eu accès aux procès dans l’affaire Khashoggi, à condition de s’engager à n’en révéler aucun détail.

8. Même si le bilan du RAS en matière de droits de la personne est [EXPURGÉ] problématique, les fonctionnaires canadiens n’ont aucun renseignement et aucun indice permettant de lier les exportations canadiennes d’équipement militaire ou d’autres marchandises contrôlées à quelque violation des droits de la personne que ce soit qu’aurait commises le RAS. À cet égard, l’évaluation du Ministère demeure la même que celle résumée dans la note d’information datée du 21 mars 2016, qui avait été présentée au ministre de l’époque, M. Dion, au sujet des exportations de VBL de GDLS-C et dans celle qui vous avait été présentée le 10 octobre 2017 au sujet des licences de Terradyne Gurkhas. Le Ministère est d’avis s qu’il n’existe aucun risque sérieux que les exportations canadiennes d’équipement militaire ou d’autre marchandises contrôlées vers le RAS entraînent l’une ou l’autre des conséquences négatives mentionnées à l’article 7.3 (1) de la Loi modifiant la Loi sur les licences d’exportations et d’importation et le Code criminel (modifications permettant l’accession au Traité sur le commerce des armes et autres modifications) à l’intérieur du RAS.

Conflit au Yémen

9. Le RAS a aussi été accusé d’avoir violé de façon flagrante les droits internationaux de la personne et le droit humanitaire international en raison de son rôle à la tête d’une coalition militaire pour soutenir le gouvernement légitime du Yémen contre la rébellion armée Houthi. Le RAS a surtout participé à la campagne en effectuant des frappes aériennes; ses navires ont aussi mené des opérations dans la mer Rouge et dans le golfe d’Aden.  [EXPURGÉ] Les États-Unis et le Royaume-Uni ont collaboré avec les Saoudiens pour tenter d’améliorer les procédures d’acquisition des cibles et d’approbation des attaques, ce qui les rend – aux yeux de la société civile et d’autres observateurs – complices dans le conflit au Yémen. Les Nations Unies ont aussi publié récemment un rapport dans lequel est exprimée l’opinion que certains États qui exportent des armes vers le RAS et les Émirats arabes unis (plus précisément les États-Unis, le Royaume-Uni et la France) pourraient être complices des crimes de guerre commis dans le cadre du conflit au Yémen.

10. Le Canada fait partie d’un groupe sélect de pays qui a mené les efforts au Conseil sur les droits de l’homme pour mettre en place des mécanismes de responsabilisation en ce qui concerne la situation des droits de la personne au Yémen. Ces derniers engloberaient les violations flagrantes des droits internationaux de la personne et du droit humanitaire international par les participants au conflit armé, y compris le RAS.

11. Le déploiement de VBL de fabrication canadienne à la frontière entre le RAS et le Yémen, probablement pour protéger l’intégrité territoriale du RAS contre les incursions des forces Houthi et les missiles ciblant son territoire souverain, a été rapportée. Il convient de noter qu’aucun des véhicules de fabrication canadienne se trouvant à la frontière n’est l’un des VBL actuellement exportés par GDLS-C. Il s’agit plutôt d’anciens véhicules qui ont été expédiés dans le cadre de contrats remontant au début des années 1990.

12. Il n’existe aucun signalement confirmé d’équipement militaire fabriqué au Canada déployé par le RAS sur le territoire du Yémen, ce qui est conforme au rôle du RAS au sein de la coalition, qui consiste principalement à mener et à coordonner les opérations aériennes.

13. Il n’y a aucun élément de preuve ou aucun renseignement crédible qui permettrait de lier quelque exportation canadienne que ce soit (p. ex. des véhicules terrestres, des fusils de tireur d’élite) à des violations du droit humanitaire international au Yémen, ce qui est complètement différent des exportations militaires [EXPURGÉ] qui peuvent être directement liées à la campagne aérienne et au blocus naval de la coalition saoudienne.

Positions des pays en communion d’idées

14. Bon nombre de pays exportateurs d’armes vers le RAS se sont engagés à revoir leurs politiques dans la foulée de l’assassinat de M. Khashoggi et dans le contexte de l’inquiétude internationale croissante à propos de la situation humanitaire au Yémen. Toutefois, au fur et à mesure que des pays en communion d’idées avec le Canada annoncent de nouvelles restrictions à l’exportation, bon nombre d’entre eux adoptent une interprétation restrictive de ce qui constitue des « exportations d’armes ». Il s’agit de biens « meurtriers » ou de systèmes classiques entièrement assemblés tel que défini dans le Traité sur le commerce des armes (TCA). Ainsi, l’exportation d’articles qui ne figurent pas sur la liste du TCA comme les technologies à double usage et d’autres biens militaires non destinés à l’utilisation au Yémen ou qui présentent un faible risque d’être utilisés au Yémen continuent d’être exportés.

15. Autre exemple de souplesse lorsqu’il est question d’exportations d’armes vers le RAS, l’Allemagne permet encore l’exportation de matériel à double usage et continue de permettre l’exportation vers le RAS d’armes mises au point conjointement avec des partenaires de l’UE en vue d’honorer des contrats existants. Le Royaume-Uni a perdu récemment un procès au motif qu’il n’avait pas effectué l’évaluation obligatoire des droits de la personne avant de délivrer des licences d’exportation. Toutefois, il n’y a aucun autre empêchement à exporter d’autres armes vers le RAS une fois que ces évaluations auront été réalisées, à moins que les autorités du Royaume-Uni déterminent qu’il y a un risque manifeste que le matériel destiné à l’exportation sera utilisé pour commettre des violations des droits de la personne. Les États-Unis ont approuvé des ventes d’armes à hauteur de 8 milliards de dollars USD vers le RAS en vertu de pouvoirs d’urgence. La France maintient également ses exportations vers le RAS.

Répercussions sur les intérêts économiques du Canada

16. Les tensions bilatérales Canada-RAS et le moratoire sur la délivrance de nouvelles licences d’exportation ont des répercussions négatives sur les exportateurs canadiens. Il est difficile de recueillir des chiffres précis sur la valeur des contrats perdus. À l’automne 2018, le décret du roi Salman qui interdit de conclure de « nouveaux contrats » avec le Canada a fait en sorte que les Saoudiens se procurent des substituts par rapport aux produits et à l’expertise du Canada. Les contrats conclus par le gouvernement du RAS avec des entreprises canadiennes dans divers secteurs, sauf ceux de la défense et d’autres secteurs ou il y a des avantages pour le RAS, sont soit suspendus ou annulés. [EXPURGÉ]

17. Les exportateurs canadiens de marchandises et de technologies militaires ont été touchés à divers degrés. [EXPURGÉ] En outre, les entreprises canadiennes qui exportent des marchandises militaires que l’on trouve en abondance ailleurs sont exclues des processus de soumission du RAS et ces contrats sont perdus aux mains de concurrents étrangers. En voici des exemples :

18. Puisque le Ministère n’a pas suspendu ou annulé des licences valides vers le RAS, une poignée d’exportateurs canadiens, y compris GDLS-C, sont toujours en mesure d’exporter des marchandises contrôlées vers le RAS. Depuis novembre 2018, le nombre de licences valides pour l’exportation vers le RAS est passé [EXPURGÉ] (en date du 15 août 2019). Cette baisse est attribuable 1) à l’expiration de licences individuelles dont la période de validité de deux ans a pris fin ou 2) au fait que les demandes de modification à des licences sont traitées comme des demande de nouvelles licences et sont assujetties à votre approbation. [EXPURGÉ]

19. La coopération de fonctionnaires du Ministère auprès de 20 entreprises qui ont des antécédents d’exportation vers le RAS suggère qu’environ 2 milliards de dollars en commerce a été compromis depuis août 2018. Plusieurs exportateurs canadiens vers le RAS ont suspendu leurs activités de développement des affaires dans la région du Golfe, bien que certains continuent de présenter de nouvelles demandes de licence par souci de s’acquitter de leurs obligations contractuelles (surtout dans le cas d’articles à double usage).  La nature non limitative du moratoire du Canada sur les nouvelles licences d’exportation et le manque de conditions répertoriées qui permettraient une reprise de la délivrance de licences posent un risque commercial élevé pour les entreprises canadiennes.

Points de vue des intervenants

20. Les intervenant, y compris des entreprises canadiennes, des organisations de la société civile, des universitaires et des associations industrielles continuent d’inciter le gouvernement à préciser sa politique pour les exportations de marchandises contrôlées vers le RAS. Les intervenants demandent des conseils quant aux types d’informations et d’assurances nécessaires pour démontrer que l’article destiné à l’exportation n’entraînera pas de conséquence négative précisée dans la LLEI et quant au niveau de risque qui déclencherait un refus.

21. Les intervenant ont noté que le moratoire du gouvernement sur les nouvelles licences fait en sorte que les articles à risque plus faible sont assujettis à votre approbation (articles à double usage comme des logiciels et des systèmes de formation en TI) tandis que les exportations de [EXPURGÉ] (système complets d’armes classiques tels que définis dans le TCA) vont bon train. [EXPURGÉ] Les intervenants ont fait valoir que d’autres mesures, comme des sanctions ciblées, seraient plus appropriées en vue de réaliser un objectif de politique étrangère (p. ex. l’imposition de sanctions en vertu de la Loi Magnitsky comme ce fut le cas dans la foulée de l’assassinat de M. Khashoggi).

Obligations légales en vertu de la LLEI modifiée

22. Le projet de loi C-47, élaboré pour la mise en œuvre du TCA par le Canada, a modifié la LLEI pour y ajouter des exigences législatives visant à a) déterminer si l’exportation de biens militaires pourrait servir à commettre ou à faciliter des violations graves du droit international des droits de la personne ou du droit international humanitaire, entre autres choses, avant de délivrer des licences d’exportation et b) refuser de délivrer des licences si le Ministre détermine qu’il y a un risque sérieux que l’exportation entraînerait de telles violations, après avoir tenu compte des mesures d’atténuation disponibles. Même si la considération des risques pour les droits de la personne et le droit humanitaire fait partie du processus d’évaluation des licences d’exportation du Ministère depuis des décennies, le projet de loi C-47 fait de cette pratique une obligation légale. Par conséquent, le Ministère a adopté un processus plus rigoureux et systématique pour évaluer et documenter l’évaluation de ces considérations. [EXPURGÉ]

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