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Étude de cas de l’APEC sur les politiques d’inclusion : Faire progresser les intérêts économiques des peuples autochtones au moyen des accords commerciaux du Canada

Introduction

« Il n’y a pas de relation plus importante pour moi et pour le Canada que celle que nous entretenons avec les peuples autochtones. » – Premier ministre Justin Trudeau, le 13 décembre 2019.

Le gouvernement du Canada a suivi de près les débats publics et politiques sur les questions de commerce et de mondialisation qui ont eu lieu au pays et chez nos principaux partenaires commerciaux. Ces discussions ont mis en évidence une inquiétude grandissante du public envers certains aspects précis des accords internationaux en matière de commerce et d’investissement, tels que la perception d’un manque de transparence dans les processus de négociation, les effets négatifs ou divergents sur certains segments de la population, ainsi que les menaces dont ces accords pourraient être porteurs pour l’environnement, la santé et la sécurité, les normes de consommation et le droit de règlementer du gouvernement.

Conscient de ces réalités, le gouvernement du Canada a adopté, dans le cadre de sa stratégie de diversification de l'exportation, une approche inclusive en matière de commerce qui vise à garantir que tous les Canadiens puissent profiter des possibilités qui découlent du commerce international et de l’investissement.

L’approche inclusive en matière de commerce du gouvernement repose sur trois piliers centraux : 1) l’élaboration d’une politique commerciale éclairée et inclusive; 2) la signature d’accords commerciaux dotés de dispositions qui encouragent la durabilité, la transparence et l’inclusion; 3) l’engagement international en faveur d’initiatives commerciales durables, transparentes et inclusives. L’approche du Canada s’inspire d’un dialogue constant avec des Canadiens de tous horizons, notamment des groupes sous-représentés dans le domaine du commerce, comme les femmes, les petites et moyennes entreprises (PME) et les Autochtones.

Le progrès social, culturel et économique des peuples autochtones est l’une des grandes priorités du gouvernement du Canada, et cet engagement est réaffirmé dans la lettre de mandat que reçoit chaque ministre fédéral. En 2016, la population autochtone au Canada comptait 1,6 million de personnes, soit environ 5 % de la population totale du pays Footnote 1 . Le niveau de développement économique des peuples autochtones est variable, et la politique commerciale est l’un des nombreux outils qui permettent d’obtenir des résultats concrets pour faire des progrès à cet égard.

À cette fin, et conformément à l’effort global de réconciliation du gouvernement, au cours des négociations de ses accords de libre-échange (ALE), le Canada fait progresser les dispositions sur les peuples autochtones, qui visent à garantir que les populations et les entreprises autochtones du Canada ont accès aux retombées et aux occasions d’affaires qui découlent du commerce international et de l’investissement.

Obstacles et défis

L’économie autochtone au Canada est diversifiée, comptant plus de 43 000 PME détenues par des Autochtones et actives dans tous les secteurs de l’économie. Plus de 10 % de ces PME autochtones exercent leurs activités dans l’une des 15 principales industries exportatrices du Canada et 50 % d’entre elles le font dans des secteurs à fort potentiel d’exportation. Toutefois, les données de Statistique Canada font ressortir qu’en 2017, le pourcentage des entreprises exportatrices n’était que de 7,9 % pour les entreprises autochtones, par rapport à 11,7 % pour les PME canadiennes Footnote 2 . En ce qui concerne le taux d’emploi des populations autochtones, en 2016 par exemple, il était 8,4 % plus faible que celui de leurs homologues non-Autochtones. Les taux d’emploi varient selon les peuples autochtones, puisque le taux d’emploi chez les Premières Nations dans les réserves est de 24,2 % inférieur à celui de la population non-Autochtone, tandis que les Métis présentent des taux d’emploi qui avoisinent ou qui dépassent ceux des non-Autochtones Footnote 3 .

Pour accéder aux marchés internationaux, les entreprises autochtones rencontrent des obstacles de même nature que leurs homologues non-Autochtones, comme l’accès insuffisant à du capital, à des renseignements sur les marchés et à des réseaux de mentorat. Cependant, ces obstacles sont amplifiés par des défis supplémentaires qui sont propres aux Autochtones, et qui les rendent encore plus difficiles à surmonter. Parmi ces défis, on peut mentionner le manque d’infrastructures dans les régions rurales ou éloignées (là où vivent la majorité des peuples autochtones du Canada), le faible niveau d’instruction, de formation et de compétences, le taux élevé de pauvreté, ainsi que l’impossibilité d’utiliser les terres et les infrastructures comme garantie financière. Tous ces obstacles et ces défis sont souvent aggravés par le racisme, la discrimination et des stéréotypes qui ont la vie dure.

Si les obstacles et les défis auxquels font face les entreprises autochtones pouvaient être atténués, voire supprimés, l’économie autochtone au Canada bénéficierait d’importantes retombées. Par exemple, dans un rapport publié en 2016, le Conseil national de développement économique des Autochtones a souligné que le fait de combler l’écart de possibilités qui existe entre les Autochtones et les non-Autochtones parmi les Canadiens serait susceptible de stimuler l’économie canadienne en y injectant 27,7 milliards de dollars par an, ce qui correspond à une augmentation du PIB d’environ 1,5 % Footnote 4 . Dans un autre rapport, le Conseil consultatif en matière de croissance économique est d’avis que, si le Canada pouvait augmenter le taux de participation au marché du travail parmi les personnes à faible revenu et peu qualifiées, ainsi que les Autochtones, l’augmentation du PIB par habitant au Canada pourrait atteindre 6 % Footnote 5 . Cette croissance économique pourrait donc avoir une incidence importante sur les entreprises autochtones, puisque celles-ci ont tendance à exporter vers des marchés plus diversifiés que ceux vers lesquels exportent leurs homologues non-Autochtones, ainsi que sur leurs communautés.

Politiques et mesures en faveur de l’inclusion

Grâce à son approche inclusive en matière de commerce, le gouvernement du Canada fait activement la promotion de programmes et de politiques qui visent à assurer que les peuples autochtones du Canada peuvent tirer le meilleur parti possible des occasions qui se présentent en matière de commerce et d’investissement à l’échelle internationale. Dans le contexte de sa politique commerciale et de ses accords commerciaux, et grâce au dialogue proche et direct qu’il entretient avec les Autochtones, le Canada suit une démarche à deux volets pour faire progresser les intérêts des peuples autochtones en cherchant à obtenir les résultats suivants :

  1. des réserves, des exceptions et des exclusions qui donnent au gouvernement du Canada la marge de manœuvre nécessaire pour prendre des mesures liées aux populations et aux entreprises autochtones;
  2. des dispositions, présentes dans l’ensemble d’un accord, prévues pour accroitre l’accès des Autochtones aux occasions de commerce et d’investissement.

Réserves, exceptions et exclusions dans les accords de libre-échange du Canada

Dans les négociations d’ALE, le gouvernement du Canada a depuis longtemps pour pratique de veiller à ne pas contracter d’obligation susceptible d’entrer en conflit avec celles qu’il a envers les peuples autochtones, notamment les droits des peuples autochtones consacrés à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. De plus, pour permettre un plus vaste développement socioéconomique, le Canada cherche également à s’assurer qu’il conserve toute latitude pour adopter des politiques afin de pouvoir accorder un traitement préférentiel aux populations et aux entreprises autochtones. C’est pourquoi dans ses ALE, le Canada a toujours cherché à obtenir des réserves, des exceptions et des exclusions propres à différents chapitres dans les domaines des services, de l’investissement, des marchés publics, de l’environnement et des entreprises d’État.

Plus récemment, en plus d’obtenir les réserves, les exceptions et les exclusions habituelles propres à différents chapitres, le nouvel Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) comporte la première exception générale sur les droits des peuples autochtones du Canada. Cette exception générale spécifique procure au gouvernement du Canada une plus grande certitude sur le fait qu’il peut adopter ou maintenir les mesures nécessaires pour respecter ses obligations relatives aux droits des peuples autochtones du Canada protégés par la Constitution et à ceux qui sont énoncés dans les ententes sur l’autonomie gouvernementale. L’exception générale coexiste avec les autres réserves, exceptions et exclusions propres à différents chapitres négociées par le Canada, ainsi qu’avec d’autres dispositions propres aux Autochtones présentes dans l’ensemble de l’accord, et elle vient les compléter.

Multiplier les débouchés commerciaux et les possibilités d’investissement à l’international pour les Autochtones

Dans ses négociations commerciales, le Canada fait également progresser les dispositions visant à multiplier les occasions pour les Autochtones de mettre à profit le commerce et l’investissement. En étroite collaboration avec les peuples autochtones, le Canada a élaboré diverses dispositions sur le commerce et les peuples autochtones pour qu’elles figurent dans les ALE signés par le Canada, selon les besoins. Ces dispositions peuvent apparaitre sous différentes formes, par exemple regroupées dans un chapitre consacré à cette question ou comme des dispositions propres à différents chapitres présentes dans l’ensemble de l’accord. Ces dispositions visent les objectifs suivants :

Dialogue avec les Autochtones sur les priorités de la politique commerciale du gouvernement

Le Canada a été proactif pour nouer un dialogue de large portée avec les Autochtones et leurs représentants sur les priorités de la politique commerciale du Canada. En septembre 2017, Affaires mondiales Canada, le ministère fédéral chargé de la politique commerciale, a mis sur pied un groupe de travail sur les Autochtones (GTA) axé sur le commerce. Le GTA rassemble une grande variété de partenaires, notamment des représentants d’organisations autochtones nationales Footnote 6 , des partenaires signataires de traités modernes, des groupes et des associations de gens d’affaires autochtones, ainsi que des experts en droit et en politiques.

La volonté du gouvernement de faire en sorte qu’un ACEUM renégocié soit aussi inclusif que possible a constitué le catalyseur du développement du GTA. Depuis sa création, le GTA a été mis à contribution par les représentants du gouvernement sur toute une série d’enjeux liés au commerce et à l’investissement qui comptent pour les Autochtones, y compris des questions propres à différents chapitres (p. ex. l’investissement, l’environnement, la propriété intellectuelle). Grâce à une collaboration étroite avec le GTA, le gouvernement a élaboré diverses dispositions propres aux Autochtones qu’il a proposées pour la première fois dans le contexte de l’ACEUM, notamment un chapitre consacré au commerce et aux peuples autochtones, ainsi qu’une exception générale sur les droits des peuples autochtones.

Répercussions

La collaboration continue du Canada avec le GTA a constitué pour le gouvernement un instrument essentiel à l’élaboration de sa politique commerciale autochtone, conformément à sa volonté d’élaborer une politique commerciale éclairée dans le cadre de son approche inclusive en matière de commerce. Le GTA a aidé le gouvernement à élaborer sa politique commerciale à l’intention des peuples autochtones sur la base des données probantes, en fournissant un mécanisme de dialogue utile et pragmatique.

Au cours du dialogue initial avec le GTA, du temps a été consacré à apprendre les uns des autres. Par exemple, des séances spécifiques à l’intention des membres du GTA ont été organisées sur des domaines précis de la politique commerciale, qui comprenaient des présentations détaillées sur la stratégie de négociation du Canada, notamment sur la raison d’être et sur les buts de chapitres particuliers des ALE. Ces séances ont permis aux membres de formuler des observations, des suggestions et des recommandations éclairées par le point de vue des peuples autochtones, ce qui a aidé le gouvernement à atteindre son objectif d’intégrer des dispositions propres aux Autochtones dans l’ensemble de ses négociations d’ALE.

En plus de contribuer à l’intégration de dispositions propres aux Autochtones dans les ALE, le GTA a aussi joué un rôle fondamental en influant sur l’élaboration des programmes au sein d’Affaires mondiales Canada. Par exemple, en octobre 2018, le Service des délégués commerciaux (SDC) du Canada a dirigé la première mission commerciale d’entreprises autochtones parrainée par le gouvernement au forum mondial des entreprises autochtones (World Indigenous Business Forum), en Nouvelle-Zélande. En mai et juin 2019, le SDC a également formé et dirigé une délégation d’entreprises autochtones dans le cadre d’une mission commerciale aux États-Unis. L’objectif de cette mission était de mettre en contact des entreprises autochtones avec des tribus autochtones aux États-Unis pour faire la promotion et tirer profit des réseaux commerciaux intertribaux. Des Autochtones qui y ont participé ont mentionné que ces missions commerciales avaient permis d’ouvrir de nombreux débouchés.

Leçons apprises et voie à suivre

Les représentants du gouvernement du Canada ont beaucoup appris en travaillant avec le GTA sur la politique commerciale. Nous avons bénéficié de leurs perspectives et de leurs idées, et nous avons acquis une perspective plus profonde des effets et des opportunités parvenues grâce aux accords de libre-échange pour les peuples autochtones au Canada et dans le monde. Le GTA a souligné que les Autochtones participent au commerce depuis bien avant les accords de libre-échange, et donc nous cherchons à faciliter le commerce et à supprimer les barrières dans toute la mesure du possible. Le GTA a indiqué que les peuples autochtones valorisent et cherchent à protéger leurs connaissances et leurs expressions traditionnelles et culturelles de l'exploitation commerciale. Les dispositions commerciales peuvent contribuer à ces efforts. Le GTA a également souligné que les Autochtones veulent protéger leurs droits et qu'ils veulent également participer au commerce et bénéficier de cela comme toutes les économies du monde, car cela enchaîne une augmentation des salaires, de la productivité, de l'innovation et de la prospérité économique globale.

Le Canada s'engage à tenir le GTA et les peuples autochtones au courant des négociations commerciales en cours au Canada (bilatérales et multilatérales), à chercher leurs points de vue et leur soutien, ainsi que de les consulter sur toute autre question liée au commerce qui sera importante pour les Autochtones.

Rôle de la coopération régionale

On compte environ 370 millions d’Autochtones dans le monde, qui représentent à peu près 5 % de la population mondiale Footnote 7 . Les forums régionaux tels que l’APEC, dont les pays membres abritent la majorité des peuples autochtones de la planète, peuvent jouer un rôle pour faire progresser le développement économique des Autochtones et leur participation au commerce. Comme incubateur, l’APEC est la tribune idéale pour entretenir un dialogue avec un vaste éventail des économies sur des idées et des politiques nouvelles afin de renforcer le pouvoir économique des peuples autochtones grâce au commerce. Ce dialogue pourrait contribuer à inspirer la politique commerciale internationale en permettant d’établir de normes communes et de faciliter des activités de coopération, telles que l’échange d’expériences et de pratiques exemplaires. Par ailleurs, la mobilisation sur cet enjeu de politique commerciale nouveau et innovateur s’inscrirait dans le prolongement du thème de la croissance inclusive abordé sous le mandat du Chili en 2019, et appuierait la présidence de l’APEC par la Nouvelle-Zélande en 2021, qui a fait de l’avancement des peuples autochtones dans le commerce et l’économie l’une de ses grandes priorités.

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