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La commercialisation des céréales par les associations coopératives au Mali : Un créneau d’avenir

Une stratégie appropriée et surtout une approche collective permettent non seulement une amélioration et une meilleure préservation des produits, mais suscitent également une diminution des pertes et l’accès à de meilleurs prix.

Contexte du projet

Aux premières heures de l’indépendance du Mali (1960), la politique commerciale agricole interventionniste adoptée par l’État préconise l’exclusion du secteur privé du secteur primaire, l’encadrement étroit du secteur associatif, la création de monopoles, le monopole d’État (privilège exclusif de l’achat), le contrôle strict des prix et des marges et la réglementation des importations et exportations par un système de licences et de quotas. Jusqu’à la fin des années 70, la politique céréalière du Mali a administré l’ensemble du cycle agricole, de la production à la commercialisation, en donnant la priorité à la satisfaction des besoins des consommateurs urbains. Les producteurs et productrices étaient contraints, sous peine de sanctions, à des livraisons obligatoires de leurs céréales à des organismes publics et parapublics, et ce à des prix fixés par l’État. Les principales conséquences de ce système de monopole étatique ont été le manque de flexibilité, de créativité et d’innovation dans le secteur agricole, l’appauvrissement des masses populaires, l’absence de débouchés économiques pour la classe paysanne et une production céréalière qui ne satisfaisait pas la demande intérieure.

Au début des années 1980, le gouvernement accepte de rompre avec le monopole d’État et met en place le Programme de restructuration du marché céréalier (PRMC). Il a ouvert la voie à une économie plus libérale, favorisant ainsi l’accès à une offre accrue de céréales à prix plus abordables, résultat à la fois d'une compétition plus forte du secteur privé, du mouvement libre des céréales entre les régions du pays, de la libéralisation des importations et d’une meilleure coordination des donateurs.

Toutefois, les producteurs céréaliers venaient de loin. On peut se douter que le passage à la libre-entreprise dans l’agriculture ne s’est pas présenté sans un certain nombre de difficultés. Plusieurs producteurs parmi les plus démunis devaient, pour payer l’impôt ou rembourser leur crédit, effectuer la majeure partie de leurs ventes de céréales immédiatement après les récoltes, lorsque les prix du marché privé étaient à leur plus bas niveau. Les intervenants au Programme de restructuration du marché céréalier reconnaissaient que le maillon le plus faible de la chaîne était celui des producteurs et productrices, qui n’étaient pas suffisamment préparés et outillés, et, surtout, qui ne disposaient pas de structures et de mécanismes pouvant leur assurer une insertion équitable dans la filière céréalière.

Implication canadienne

Face à ce constat, et dans l’optique de faciliter pour les producteurs et productrices céréaliers de meilleures conditions de gestion de leur secteur agricole et un meilleur accès aux marchés, le Canada s’est engagé en septembre 1995 à financer le Projet d’appui à la commercialisation des céréales au Mali (PACCEM), basé à Ségou. Ce choix a été motivé principalement par la proximité de l’Office du Niger et de son modèle d’affaires, avec ses producteurs et productrices de riz, qui assurait la présence de groupements paysans villageois à fort potentiel de production, capables de dégager des surplus commercialisables et intéressés à prendre véritablement en main la mise en marché de leurs produits.

De façon plus spécifique, la mise en place du PACCEM avait comme objectif de professionnaliser les producteurs et productrices en matière de commercialisation, en abordant le marché à travers une structure de commercialisation leur appartenant. La finalité était d’amener ces producteurs à jouer un rôle actif dans la filière céréalière, afin qu'ils puissent obtenir un meilleur prix pour leurs produits à travers la mise en place d’un mécanisme de mise en marché collectif.

L’hypothèse de base était qu’un regroupement des producteurs et productrices en coopérative permettrait d’avoir un pouvoir de négociation plus important et d’obtenir un meilleur prix par rapport à un producteur et une productrice individuellement. Le regroupement des produits des membres permettait à la coopérative d’offrir des volumes importants, répondant aux besoins des grossistes et des acheteurs institutionnels comme le Programme alimentaire mondial ou l’Office des produits agricoles du Mali.

Le PACCEM proposait également l’accès à des produits financiers, à travers des coopératives de producteurs : le modèle proposait le préfinancement de la saison agricole et l’approvisionnement en engrais par achat groupé, deux besoins importants que la grande majorité des exploitants agricoles n’arrivait pas à satisfaire.

Grâce au PACCEM, avec l’appui de l’Union des producteurs agricoles, Développement international (UPA DI), organisation canadienne spécialisée dans la mise en marché collective de produits agricoles, une quinzaine de groupements ou associations villageoises des zones de Ségou, Niono et Bla décidaient de se regrouper pour mieux faire face à leurs problèmes de commercialisation. Après une phase expérimentale de deux ans, les groupements villageois se dotaient en 1997 d’une organisation faitière nommée « Union Faso Jigi », « Espoir du peuple » en langue bambara.

Pendant plus d’une décennie, le PACCEM a appuyé Faso Jigi dans la mise sur pied d’un système collectif de mise en marché du riz et des céréales sèches (mil, sorgho, maïs) dans la région de Ségou. Il a aussi appuyé le développement et la consolidation d’une autre organisation paysanne, BaabahuuJici, basée à Diré et poursuivant un but similaire à Faso Jigi, mais pour la commercialisation du blé dans la région de Tombouctou.

Au fil des ans, le PACCEM a accompagné l’Union Faso Jigi dans l’atteinte de son autonomie organisationnelle et financière, transformant graduellement l’assistance du projet en un appui-conseil. Au terme du projet PACCEM, reconnaissant que certains acquis de Faso Jigi pourraient être consolidés, le Canada et les partenaires canadiens de l’Union Faso Jigi, dont l’UPA DI, ont continué à lui fournir des appuis, notamment à travers le Fonds commun de développement Mali - Canada et des fonds venant de l'Union européenne. Ces appuis financiers ont notamment permis la construction d’infrastructures de stockage de céréales et celle de cases de conservation de l’échalote. 

Le Canada a jugé qu’il était pertinent et justifié d’étendre ce modèle d’intervention à d’autres organisations dans différentes régions du Mali. C’est dans ce contexte que le projet Feere Diyara, qui signifie « La commercialisation a été bonne », a été planifié. Il a débuté en avril 2014 pour une durée de cinq ans. Le projet, présentement en exécution, est mis en œuvre par l’Alliance agricole internationale, qui regroupe trois organisations canadiennes reconnues pour leur excellence dans le domaine agricole et le renforcement organisationnel : UPA Développement international (UPA DI), le Centre d’études et coopération internationale (CECI), et la  Société  de coopération  pour le développement international (SOCODEVI).

Le projet Feere Diyara vise la réduction du taux de pauvreté des producteurs et productrices céréaliers et maraîchers des régions de Ségou, Koulikoro, Mopti et Sikasso, à travers le renforcement des capacités de coopératives et associations apparentées de ces régions en intégrant les principes de développement durable et équitable. Seize coopératives sont ciblées dans le cadre du projet.

L’approche Feere Diyara se veut davantage intégrée, œuvrant simultanément sur plusieurs dimensions du renforcement organisationnel : la gouvernance, la gestion et la commercialisation, ainsi que la relation entre producteurs et associations. Le sentiment d’appartenance des agriculteurs et agricultrices par rapport à leur coopérative ou association occupe une place très importante dans l’approche de développement des coopératives partenaires de Feere Diyara. La stratégie d’extension du modèle mise sur la rentabilité des activités agricoles, donc sur des revenus nets accrus pour les producteurs et productrices et l’amélioration des infrastructures de commercialisation (stockage, conditionnement, conservation et transformation), ce qui produira des effets sur les revenus bruts des producteurs et productrices avec l’avantage de faciliter l’accès au crédit agricole par la constitution de garanties dans le cas du stockage. Grâce au projet, les producteurs et productrices développent une meilleure connaissance et une plus grande maîtrise des   conditions de commercialisation des produits céréaliers et maraîchers, ce qui devrait se répercuter sur les prix qui leur seront payés et sur les quantités vendues.

Le projet Feere Diyara mise enfin sur la pérennisation des acquis par la formation de formateurs parmi les agents des Chambres d’agriculture, de prestataires de services privés et d’agents des services de l’agriculture qui seront en mesure de soutenir le développement d’une coopérative ou association dans une perspective de pérennité dépassant la durée du projet.

Le financement apporté par le Canada à travers ces différents appuis à diverses coopératives et associations, dont Faso Jigi et Feere Diyara, est évalué à environ 26M $ CA, soit 11,7 milliards de FCFA.

Implication des autres partenaires

La mise en marché des produits céréaliers et maraichers représente un secteur vaste et complexe. L’appui à ce secteur au Mali implique la contribution et la participation de plusieurs partenaires, chacun contribuant selon son champ d’expertise.

Dans les années 1980, le Programme de restructuration du marché céréalier a été mis en place avec l’appui de partenaires extérieurs (Programme alimentaire mondial, Canada, France, Pays-Bas, Allemagne, Union européenne, Belgique, Royaume-Uni, États-Unis, Autriche, Suisse). Au fil des ans, les mêmes partenaires, auxquels on peut ajouter notamment la Banque mondiale et le Fonds international de développement agricole, ont contribué aux avancées de la mise en marché des produits des coopératives agricoles au Mali.

Le secteur agricole est également appuyé par de nombreuses organisations non gouvernementales qui travaillent de près avec des communautés rurales. Pour n’en mentionner qu’une, l’organisation belge SOS Faim a mis en relation Faso Jigi avec son partenaire en micro finance, KafoJiginew, afin de faciliter l’accès des membres de Faso Jigi aux crédits à moyen terme.

À cet effet, la réponse positive des institutions financières maliennes en fait d’importants partenaires du secteur. L’un des facteurs de succès du PACCEM a été un accord avec des institutions financières comme la Banque nationale de développement agricole, où Faso Jigi dispose, grâce à un fonds de garantie, d’une ligne de crédit d’un milliard de FCFA, ainsi que le réseau des caisses Nyèsigiso.

Tous ces appuis ont permis à l’Union Faso Jigi de conforter une image forte d’organisation paysanne efficace, ce qui lui a facilité l’obtention de financement d’autres bailleurs de fonds.

Résultats obtenus

On peut dire que le parcours de Faso Jigi est prometteur dans le domaine des organisations paysannes maliennes, et même africaines, et ce grâce à l’appui du Canada. Faso Jigi a démarré en 1997, sur une base expérimentale, avec environ 450 producteurs et productrices et des volumes de produits commercialisés de l’ordre de 250 tonnes. En plus de disposer d’un personnel qualifié en matière de gestion, de comptabilité et de mise en marché collective, Faso Jigi a, pour assurer la mise en œuvre des services aux membres, bénéficié d’une ligne de crédit d’environ 730 millions de FCFA (environ 1,7M $ CA) auprès d’institutions financières du Mali et d’un fonds de garantie de 360 millions de FCFA (environ 840 000 $ CA), facilitant ainsi l’obtention de crédits de campagne et de commercialisation. Ce fonds de garantie a pu être mis en place avec l’appui du Canada et des États-Unis.

Au cours des six années du PACCEM II, de 2003 à 2009, l’Union a commercialisé plus de vingt fois son tonnage de céréales de 1997 (principalement du riz), traduisant ainsi une progression 2,5 fois plus rapide que celle de son abonnement.

Les produits financiers mis en place avec l’appui du PACCEM ont changé radicalement le modèle  d’affaires  des  producteurs  et  productrices  de  céréales. L’accès garanti à des intrants agricoles de bonne qualité et à meilleur prix (engrais, semences, produits phytosanitaires) leur a permis d’éviter d’engager leur production à bas prix auprès des commerçants en échange de ces intrants. Au sein de la coopérative, le paiement par anticipation aux membres d’une partie des bénéfices attendus de la récolte a permis de réaliser de façon convenable les travaux de mise en place des cultures et de respecter le calendrier cultural, facteur important pour l’atteinte d’une bonne productivité.

Par ailleurs, la mise en marché collective des produits des membres stockés dans de bonnes conditions a garanti aux producteurs et productrices un réel pouvoir de négociation avec les acheteurs, un meilleur prix et, conséquemment, l’amélioration de leurs revenus. Plus spécifiquement, une augmentation substantielle des revenus des femmes productrices d’échalotes a été possible du fait qu’elles ont eu la possibilité de regrouper leurs produits et de les conserver dans des cases améliorées sur une durée relativement longue (5 à 6 mois), pour les vendre à un meilleur prix. Sans capacité de conservation, elles devaient auparavant brader leurs productions à la récolte à 75 voire 60 FCFA le kilogramme, tandis qu’en les conservant quelques mois elles les ont écoulées de 500 à 600 FCFA le kilogramme, avec en plus une forte réduction des taux de pertes.

Enfin, le modèle implique une distribution de ristournes aux producteurs et productrices, établies en fonction des bénéfices tirés de la commercialisation de leurs produits. En 2012, par exemple, Faso Jigi a redistribué à ses membres des ristournes totalisant 272 000 $ CA. Ce montant représente environ 110 $ CA par producteur ou productrice, ce qui constitue une belle réussite, considérant que le revenu moyen annuel au Mali est d’environ 500 $ CA.

L’octroi d’un préfinancement aux producteurs et productrices, l’achat groupé d’intrants par appels d’offre, des ventes groupées dans le cadre d’une mise en marché collective des produits des membres, leur conférant plus de pouvoir dans les négociations commerciales: voilà autant de  facteurs de réussite du PACCEM qui tirent leur fondement du modèle coopératif.

Kassim Coulibaly, un riziculteur de troisième génération, se souvient : « Lorsque j'ai commencé à avoir accès à mes propres rizières, au début des années 1990, j'ai traité directement avec un marchand local. Je lui ai vendu une partie de mes produits, en gardant la plus grande partie dans mon propre entrepôt pour nourrir ma famille. Au moment de la récolte, j'étais déjà redevable au marchand, puisqu'il m'avait prêté de l'argent pour payer les intrants. Dans l’éventualité où des urgences familiales apparaissaient pendant la saison des récoltes, je pouvais aussi lui demander une avance sur la prochaine récolte pour les traiter. Par conséquent, au moment des récoltes, j’ai dû vendre une bonne partie de ma production à un prix très bas pour régler mes dettes et payer mes droits à l'Office du Niger. » - Kassim Coulibaly, membre du bureau de direction du Faso Jigi

Les impacts des activités du projet Feere Diyara ont été particulièrement importants pour les femmes. Pour leur meilleure implication dans le système collectif de mise en marché, la commercialisation collective des échalotes et du niébé a été ajoutée aux activités du projet à Ségou, car il s’agissait là de domaines dans lesquels les femmes étaient les plus actives dans la zone Office du Niger. Une vingtaine de coopératives de productrices d’échalotes ont donc été mises en place et appuyées pour une meilleure intégration des femmes au système de commercialisation collective.

Par ailleurs, les femmes bénéficient de plus de facilités du projet, notamment le paiement d’un pourcentage de quote-part moins élevé pour l’acquisition des infrastructures et équipements, et une exonération des coopératives et associations féminines pour le paiement des frais des notices environnementales préalables à la mise en place des équipements ou infrastructures. Toutes choses qui facilitent l’accès des femmes au fonds d’investissement du projet.

En matière de renforcement de capacités, les femmes ont bénéficié de nombreuses activités de formations et d’appui-conseil qui ont permis de renforcer leur leadership, ainsi que leur implication effective dans les instances décisionnelles des coopératives et associations.

L’appui canadien au renforcement des organisations paysannes et du système coopératif de commercialisation des céréales a permis de consolider considérablement la bonne gouvernance du secteur. Le concept de membres propriétaires rend chacun et chacune des membres, individuellement et collectivement, responsable de la bonne gestion de l’association. Le respect des principes coopératifs, la bonne gouvernance et la transparence dans la gestion de l’Union Faso Jigi figurent parmi les facteurs de réussite du PACCEM et de l’association. Notamment le remboursement intégral auprès des institutions financières de tous les crédits obtenus par Faso Jigi pour ses membres, qui, même lorsque ceux-ci sont en défaut de paiement à l’interne, constitue un gage d’intégrité qui vaut à l’association le respect et la confiance de ses partenaires financiers.

Photo du magasin de stockage de céréales, Faso Jigi.

En 2015, Faso Jigi comptait plus de 3 507 membres qui commercialisaient collectivement en moyenne 3 800 tonnes de céréales annuellement, pour un chiffre d’affaires d’environ 2,2 millions de dollars canadiens. Même si les activités de Faso Jigi peuvent sembler marginales en référence à la totalité de la production du bassin rizicole irrigué par le fleuve Niger et dénommé zone de l’Office du Niger (plus de 300 000 tonnes par an), cette Union Faso Jigi, composée de coopératives, d’associations villageoises et de groupements de base à caractère économique, est désormais un acteur incontournable, reconnu tant par les autorités, l’Office des produits agricoles du Mali et les commerçants que par les autres producteurs et coopératives agricoles qui n’ont pas bénéficié des mêmes atouts. Ses résultats positifs lui ont même valu une reconnaissance sur le plan international, à travers la réception, en septembre 2012 en Tanzanie, du prix de la Meilleure organisation paysanne lors du Forum organisé par l’Alliance pour une révolution verte en Afrique. En avril 2017, l’Union Faso Jigi a fêté ses vingt années d’existence et cet évènement a été mis à profit pour poser la première pierre de la construction du siège de l’organisation.

Enfin, le Canada a fortement favorisé le développement de synergies entre les acteurs impliqués dans la sécurité alimentaire. Il a vite compris que pour assurer un avenir durable pour les femmes et les hommes, il est essentiel d’améliorer l'égalité des sexes dans les ménages et la communauté et les projets canadiens en ont fait leur cheval de bataille. Les succès enregistrés au niveau des différentes organisations sont grandement à l’actif de la coopération  canadienne.

« L’un des impacts de cette adaptation aux besoins des membres est la sécurité alimentaire. En effet, dans les pays en développement, la pauvreté est souvent concentrée dans les zones rurales et la subsistance de la plupart des populations qui y vivent dépend de l’agriculture vivrière et de rente. En répondant adéquatement aux besoins de ces populations, les coopératives rurales et agricoles jouent un rôle central dans la production et la distribution alimentaires, aidant les communautés locales à mieux gérer et s’approprier leurs ressources agricoles et contribuant directement à la sécurité alimentaire dans les communautés touchées. » – DID, l’Association des coopérative du Canada et SOCODEVI, les coopératives et les mutuelles canadiennes en développement international, créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur.

Défis rencontrés

Malgré tous ses succès, Faso Jigi a été exposé aux mêmes difficultés que la grande majorité des autres coopératives et associations apparentées d’Afrique de l’Ouest. Toutefois, certaines de ces difficultés ont pu être atténuées grâce à ses pratiques de bonne gouvernance. L’une de ces principales difficultés est le niveau des impayés, qui freine fortement sa capacité de croissance extensive. Le non-paiement s’explique par le fait que les crédits demandés par certains membres dépassaient largement leurs besoins. Dans ce cas, une partie des intrants était revendue pour satisfaire d’autres besoins de l’exploitation, comme le paiement de vivres pour faire face à la période de soudure (période où l’offre est minimale). Par conséquent, la production devient alors insuffisante pour rembourser les crédits avancés par l’Union. L’accumulation de ces impayés d’une année à l’autre entrainait l’Union Faso Jigi dans une situation d’endettement, pesant sur sa rentabilité et son autonomie financière.

En 2016, l’Union Faso Jigi a pris une décision difficile, mais salutaire pour son futur, en appliquant des stratégies visant à réduire de manière importante ses impayés qui, bon an mal an, représentaient au moins 5 % des crédits intrants. La décision de resserrer le crédit intrant et de le limiter aux producteurs et productrices en règle a eu pour effets : (1) une diminution draconienne des impayés (environ 1 %); (2) une rentabilité par kilogramme de produit améliorée; et (3) une réduction anticipée, mais passagère, d’abonnement (2 953 membres fin septembre 2017, ce qui représente une perte de 554 membres depuis 2015) et du tonnage total commercialisé (environ 1 200 tonnes de moins que l’année précédente).

L’analphabétisme des membres des coopératives a également constitué un défi, phénomène encore plus accentué chez les femmes. L’activité commerciale entourant la production céréalière et maraichère exige la maîtrise de certains outils de gestion, qui, à cause de l’analphabétisme, ne sont pas à la portée de tous. Toutefois, cette exigence fait ressortir les grands avantages du système coopératif, où les membres contribuent aux activités du groupe en fonction de leurs champs de capacités. Cette répartition des rôles permet de confier la gestion des négociations avec les fournisseurs et clients, par exemple, à ceux et celles qui maîtrisent le mieux ces fonctions.
Enfin, l’insécurité persistante dans le pays a ralenti la mise en œuvre de certains appuis. Une bonne partie des zones couvertes par le projet étant interdite au personnel canadien,  certains appuis prévus de la part des volontaires canadiens ont dû être annulés. Le personnel national doit aussi également respecter certaines consignes de voyage, voire éviter les zones où l’insécurité est plus importante.

Dimension égalité des genres

L’une des principales contributions canadiennes à la filière de la production céréalière et maraichère par les associations coopératives maliennes a été de permettre aux femmes de trouver leur place dans ce secteur d’activité, non plus uniquement dans la fonction production, mais également dans la commercialisation des produits de leur travail. Leur participation équitable aux opérations commerciales leur a permis de maîtriser toute la chaîne de production et de mise en marché des produits et de tirer un profit économique et personnel de leur travail. L’appui canadien a largement contribué à renforcer le pouvoir économique des femmes.

Photo d’une case de conservation d’échalotes

Afin de soutenir une plus forte implication des femmes productrices dans les coopératives paysannes, le PACCEM a appuyé de façon spécifique la création de groupements de femmes productrices d’échalotes dans la région de Ségou et facilité leur intégration au sein de l’Union Faso Jigi. Dans la zone de Diré, il a soutenu au sein de Baabahuu Jici des activités spécifiques, comme la gestion de batteuses de blé par les femmes.

En matière d’équité de genre, le projet PACCEM a permis aux femmes de prendre une place importante dans l’organisation, grâce à des productions comme l’échalote, pour lesquelles elles ont bénéficié d’appuis spécifiques, comme la dotation en cases de conservation améliorées pour une réduction substantielle des pertes post-récolte.

Ainsi, sous le PACCEM II, la quantité totale commercialisée d’échalotes par les groupements féminins membres de Faso Jigi est passée de 57 tonnes en 2004 à 215 en 2009, soit une augmentation de plus de 350 %, et les revenus des productrices d’échalotes sont passés de 10 millions de FCFA à 26 millions de FCFA pour la même période.

Le PACCEM a aussi entrepris des activités d’alphabétisation fonctionnelle et de formation en gestion au bénéfice de femmes membres des coopératives. En matière de renforcement des capacités, elles ont bénéficié de nombreuses activités de formation et d’appui-conseil qui ont permis de renforcer leur leadership. La participation accrue des femmes à des activités économiques de l’Union, soutenue par ce renforcement des capacités, leur a permis d’occuper des postes de responsabilité dans les organes de gestion de Faso Jigi (Conseil d’administration, Comité de surveillance).

Le projet Feere Diyara a également apporté des changements novateurs à travers des stratégies d’intégration des femmes par le biais d’activités économiques spécifiques comme la conservation, le conditionnement et la transformation de produits tels que le riz et l’échalote dans les coopératives.

Certains équipements et infrastructures ont été dédiés aux femmes, avec des conditions spécifiques favorables pour une plus grande accessibilité aux fonds d’investissement. Le projet a également favorisé leur intégration au sein des coopératives, auparavant peu ou pas présentes dans les coopératives mixtes. Certaines y ont même été élues comme gestionnaires.

Les femmes sont par ailleurs les principales bénéficiaires des investissements de Feere Diyara : sur les 4,2 millions de dollars canadiens déjà investis, plus de 40 % ont été dédiés aux coopératives et associations exclusivement féminines, qui, de surcroit, bénéficient aussi d’appuis en infrastructures/équipements mis à disposition des coopératives et associations mixtes.

Au-delà de l’augmentation de la participation des femmes dans la commercialisation des produits, les appuis des projets PACCEM et Feere Diyara ont suscité un changement de comportement et de perception des femmes et des hommes quant à leur vison de l’égalité et de leur rôle respectif aux seins des coopératives. On peut le constater à travers notamment les initiatives des Conseils d’administration des coopératives et associations mixtes en vue de développer des activités économiques spécifiques pour les femmes, ainsi que dans la recherche de partenaires pour financer ces activités.

L’augmentation d’abonnement féminin et le positionnement à des postes décisionnels dans les Conseils d’administration, le Comité de surveillance et les différents Comités incitent les femmes à prendre une place active dans la vie de leur association. Elles sont plus présentes dans les Assemblées Générales et n’hésitent pas à prendre la parole pour défendre leurs intérêts et faire entendre leurs voix lors des élections ou assemblées de prise de décisions.

Malgré la mentalité persistante de certains hommes à considérer que les tâches ménagères sont exclusivement dédiées aux femmes et qu’elles ne doivent pas être parmi les hommes dans un regroupement, et malgré la croyance de certaines femmes qui pensent qu’elles ne doivent pas être là où sont les hommes (auto-exclusion) ou qu’il ne faut pas parler quand les hommes sont présents, on dénote une confiance grandissante des femmes concernant les rôles qu’elles peuvent jouer au sein des coopératives et associations. L’approche de l’appui canadien a ouvert les portes à un éveil de conscience et l’approche égalité femmes-hommes a suscité l’adhésion et l’ouverture au niveau communautaire et des coopératives.

Des femmes « libérées » mènent des activités économiques qui leur permettent de contribuer à la prise en charge du ménage : plusieurs, à partir des revenus tirés de leurs activités de commercialisation, assurent l’éducation, la santé, etc., de leurs enfants, ce qui a valu une reconnaissance de la place et du rôle de la femme dans de nombreux foyers. Les avis de ces femmes comptent maintenant dans les ménages : elles sont consultées et participent aux décisions.

Leçons apprises

L’appui canadien à la commercialisation des produits céréaliers et maraichers des coopératives et associations paysannes maliennes a largement démontré l’intérêt de l’appui post-récolte. Il ne suffit pas de savoir semer, il faut récolter, conserver et vendre. Une stratégie appropriée et surtout une approche collective permettent non seulement une amélioration et une meilleure préservation des produits, mais suscitent également une diminution des pertes et l’accès à de meilleurs prix.

Le système coopératif semble tout désigné pour recevoir une telle stratégie, qui se veut inclusive et équitable. Le principe du membre propriétaire en appelle au sens de responsabilité de chacun et de chacune et au respect collectif. La mise en commun des efforts, des investissements et des produits du travail renforce la communauté et devient source d’accomplissement et de fierté.

La reconnaissance légale de l’organisation par l’État permet aux producteurs et aux productrices de passer d’une activité informelle à des opérations inscrites dans le secteur du formel.

Ce passage leur permet de se professionnaliser et de combiner les efforts des uns et des autres pour améliorer les conditions de travail et de vie de la collectivité. Le passage au formel donne également une voix légitime aux producteurs et productrices. Il leur accorde le pouvoir d’influencer les mécanismes de production et de mise en marché de leurs produits.

Photo ses gestionnaires du magasin de stockage de la société coopérative « SABATI » des femmes productrices de céréales sèches et légumineuses de Zantiébougou.

Enfin, il ne faut surtout pas oublier que ces leçons apprises sont assujetties à la qualité des femmes et des hommes qui dirigent les coopératives. Rien n’est acquis dans le temps et chaque organisation se doit d’identifier parmi ses membres, des femmes et des hommes intègres et de qualité qui ont à cœur l’intérêt collectif de leur organisation. Par ailleurs, les coopératives doivent offrir à leurs membres des services de qualité pour garantir la stabilité et le développement de l’organisation

L’appui canadien à la commercialisation céréalière et maraichère constitue un exemple-type d’une bonne intégration de l’égalité femmes- hommes dans un projet de développement. L’intégration des femmes est capitale pour tout processus de développement économique et pour la stabilité sociale. Cette intégration sera grandement facilitée si l’on investit dans des activités propres aux femmes et si on leur accorde des facilités spécifiques, compte tenu de leurs faibles moyens par rapport aux hommes. Toutefois, cette stratégie ne présume pas qu’elles demeurent exclues des activités dominées par les hommes.

Sources d’information

Nous tenons sincèrement à remercier les personnes suivantes pour leur contribution à  la production de la présente histoire:

La série « Histoires d'impact » de la coopération canadienne au Mali a été produite sous la coordination du Projet de services d'appui sur le terrain (PSAT) et grâce à la collaboration de tous les intervenants susmentionnés.

Rue Sotuba/ACI, rond-point de l'ancienne chaussée
Bamako, Mali
Tél. : +223 44 90 44 45
Courriel : info@psat-mali.org
Nota : Le PSAT est soutenu financièrement par le gouvernement du Canada.


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