SIGTAS : Au cœur de la modernisation de l’administration des Impôts au Mali
La transparence dans l’administration fiscale malienne est en constante amélioration et les progrès sur ce chapitre ont été fulgurants depuis 1997
Contexte du projet
Le Mali doit compter sur la collecte des impôts pour financer les activités des pouvoirs publics. C’est sur la base des recettes fiscales que l’État malien acquiert une partie significative des ressources dont il a besoin pour remplir ses fonctions régaliennes (sécurité, diplomatie, droit, économie, finance et protection) et offrir des biens et services (éducation, santé, eau et assainissement, etc.) aux populations.
Le déséquilibre entre les recettes et les dépenses de l’État ne favorise pas une comptabilité nationale saine, autonome et équilibrée. Cette tendance décourage l’entrée des investissements étrangers, maintient la dépendance du pays envers l’aide extérieure et provoque un retard de l’intégration de l’économie malienne dans les marchés régionaux et internationaux.
Plusieurs facteurs expliquent la faille du régime fiscal en place au Mali : une économie informelle, qui échappe au contrôle financier étatique et dont les flux monétaires sont faiblement ou inefficacement comptabilisés, la difficulté à mobiliser des fonds (taxes et impôts) auprès d’une population majoritairement analphabète, le faible pourcentage de personnes instruites et salariées disposant des moyens de faire des déclarations de revenus dans un système informatisé, l’absence de données et de statistiques, la forte inégalité de la répartition des revenus, la pratique de taux d’imposition élevés et la difficulté à obtenir la contribution fiscale des couches les plus riches de la population. Cette problématique est non seulement au cœur du rôle de l’État, mais elle touche également à sa capacité d’exercer sa légitimité, sa gouvernance et sa redevabilité.
Situation du Mali dans les années 1990–2000
Dans les années 1990, la situation économique au Mali présentait un déséquilibre budgétaire notable. Les recettes nationales ne permettaient pas de couvrir les dépenses de l’État, dont une bonne partie des besoins en investissements était financée par les bailleurs de fonds. Le régime d’administration des impôts mis en place après l’indépendance du Mali était devenu obsolète, car l’essentiel du traitement se faisait manuellement à la Direction nationale des impôts, devenue la Direction générale des impôts en 2002, qui comprenait une Cellule informatique et statistique dotée de peu de moyens. La Direction nationale des impôts présentait une situation organisationnelle et matérielle peu performante.
De plus, le Mali faisait face à des enjeux importants d’équité fiscale et de transparence et connaissait beaucoup d’insuffisances dans son système de recouvrement. L’enjeu de l’équité fiscale se traduit par le fait qu’un pourcentage important de contribuables soit ne paye pas l’impôt (par omission volontaire ou involontaire, évasion ou corruption, et par conséquent ne sont pas identifiés), soit n’est pas identifié, ne contribue pas et n’est pas inquiété. Jusqu’en 2007, il était estimé que près de 97 % des recettes reposaient sur environ 3 % des entreprises ce qui incitait les opérateurs formels à œuvrer dans l’informel. Il était estimé que plus des trois quarts des entreprises ne respectaient pas leurs obligations fiscales. Les contrôles n’étaient pas effectués normalement pour corriger la situation.
Par ailleurs, la fiscalité foncière est restée inapplicable et son potentiel inexploité (la taxe foncière n’est devenue effective qu’en 2012), ce qui empêchait l’accès à une contribution potentielle significative aux recettes fiscales. Même après l’instauration d’une taxe foncière, la Direction des domaines et du cadastre était peu performante, peu informatisée et n’arrivait pas à jouer pleinement son rôle : bien que la Direction des domaines et du cadastre ait fait un effort pour émettre des règles d’application effectives, leur efficacité reste à démontrer.
UEMOA et réformes annoncées
Les réformes monétaires de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), basées notamment sur des ententes de libre-échange et de libre circulation entre les pays de la sous-région, exigeaient une meilleure administration du régime fiscal au Mali. La culture de collaboration sous-régionale, combinée à l’inscription de plus en plus importante de l’économie nationale dans une économie davantage mondialisée, accentuait la pression sur les pays comme le Mali pour qu’ils atteignent certains seuils de performance économique interne. Notamment, l’UEMOA a établi comme norme que le taux de pression fiscale (l’importance relative des impôts dans l’économie nationale) des pays membres atteigne de 20 %, alors qu’il était de 16,3 % en 2017 pour le Mali.
L’implantation des réformes de l’UEMOA implique pour le Mali des défis encore plus importants en termes de revenus fiscaux, puisque le libre-échange tend à réduire significativement les recettes douanières. La tendance mondiale à la libéralisation des échanges entraînant un mouvement des capitaux et de la main-d’œuvre ainsi que la création de zones de libre-échange et d’un marché commun, les recettes douanières ont significativement perdu de leur importance au profit des recettes domestiques. Les pressions pour l’atteinte d’un meilleur équilibre fiscal n’en sont que plus grandes pour le Mali.
Dans ce contexte, l’État malien s’est engagé à améliorer la mobilisation des recettes fiscales pour réduire sa dépendance vis-à-vis de l’aide.
Le défi était grand, considérant les multiples constats de fraude et d’incivisme fiscal, la nécessité de renforcer ses propres ressources et de moderniser les outils de collecte des impôts et de mobilisation des recettes internes, considérés comme obsolètes et peu performants.
Principales sources de revenus fiscaux :
- Impôts directs sur le revenu et la fortune des individus
- Impôts sur le profit des entreprises
- Taxe sur la valeur ajoutée et d’accise
- Droits de douane
- Fiscalité foncière
Le Canada a été sensible aux besoins du Mali en matière d’opérations fiscales. Sa contribution a pris la forme du Projet d’appui à la mobilisation des recettes intérieures (PAMORI). Très rapidement, le PAMORI est apparu pour le gouvernement malien comme l’une des clés permettant d’atteindre les objectifs de la réforme fiscale. Par la même occasion, l’augmentation des recettes intérieures contribuerait à l’autonomisation financière du pays et à une meilleure gestion des finances publiques.
Implication canadienne
L’appui canadien à la gestion des impôts a débuté en 1997 par l’implantation du PAMORI, dont la mise en œuvre a été confiée à une entreprise canadienne, CRC Sogema (devenue entretemps Cowater•Sogema). Le mandat du PAMORI était double : d’une part, implanter un outil informatique de gestion des perceptions des revenus fiscaux appelé SIGTAS (Système intégré de gestion des impôts et taxes assimilés), et, d’autre part, appuyer la réforme fiscale en cours, grâce notamment au renforcement des capacités des acteurs gestionnaires du système des impôts, à l’amélioration de l’efficacité du système et à la transparence des opérations. Les deux objectifs étaient complémentaires et indissociables. CRC Sogema avait déjà acquis une expérience dans l’implantation de SIGTAS dans des pays en développement qui souhaitaient accroître le contrôle des revenus de l’État en se dotant d’un système automatisé.
Le projet a ainsi adopté une approche multiservices, comprenant des activités de renforcement des capacités institutionnelles, tant au niveau central que régional, portant notamment sur la revue de la politique fiscale et du cadre législatif et règlementaire de la fiscalité, la restructuration de la Direction générale des impôts, avec la revue de toutes les fonctions touchées par l’informatisation, l’implantation de SIGTAS, la communication, l’utilisation des principes de la gestion axée sur les résultats et la prise en compte de la dimension d’égalité des genres.
La formation a été mise au cœur du dispositif afin que l’ensemble des agents utilisateurs de SIGTAS puisse être formé sur les différentes fonctionnalités et sur les procédures, selon les emplois occupés. Les agents formés devaient devenir plus efficaces dans leur travail, notamment en réduisant les délais d’exécution.
D’une durée prévue de cinq ans, le PAMORI, dans sa première phase, devait se terminer initialement en décembre 2002. À la suite d’une recommandation d’une mission d’évaluation, il a été prolongé de trois ans. Avec le succès de PAMORI 1, le gouvernement du Canada et le gouvernement du Mali ont signé en décembre 2009 un Protocole d’entente pour la mise en œuvre de la phase 2 du projet, qui a débuté en septembre 2011 et dont le terme est prévu en 2020.
Par conséquent, le financement des activités du projet a été réalisé en deux phases. La première phase représentait une valeur de 20M $ CA (8,9 milliards de FCFA) et la deuxième représente une valeur de 18M $ CA (7,2 milliards de FCFA). D’un projet PAMORI à l’autre, trois versions de SIGTAS ont été implantées, la plus récente étant dorénavant stabilisée.
Implication des autres partenaires
Le Fonds monétaire international est de loin le partenaire le plus influent dans le domaine de la fiscalité au Mali. Cette influence est fondée sur sa compétence technique et sur sa crédibilité auprès du gouvernement malien et des autres partenaires techniques et financiers (PTF). Le Fonds monétaire international a encouragé la mise en œuvre du projet PAMORI, qui concourt à l’amélioration de la gestion des finances publiques. Cette organisation s’est inspirée des travaux réalisés par le projet sur le potentiel fiscal malien pour établir ses propres scénarios de fiscalisation.
D’une façon plus générale, le partenariat du Canada avec les autres partenaires impliqués dans des projets touchant le domaine des finances publiques (notamment l’USAID, l’Union européenne, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, les coopérations allemande et française) a été capital. lI a permis de coordonner les interventions et les ressources, d’éviter les chevauchements et de développer des complémentarités Dans sa mise en œuvre, le PAMORI a pour partenaire privilégié malien le ministère de l’Économie et des Finances, à travers la Direction générale des impôts, dont le Directeur et ses collaborateurs ont été les principaux cadres impliqués au niveau opérationnel.
Le projet possède un rayonnement auprès de l’administration publique (Directions des Impôts, du Trésor, des Douanes). Le gouvernement malien a été impliqué en termes de collaboration humaine et de contribution financière et matérielle.
Le budget national a financé la construction du siège social de la Direction des grandes entreprises, une direction de la Direction générale des impôts, et des six centres communaux d’impôts de Bamako.
Un autre engagement fort du gouvernement malien à accompagner l’entretien et le bon fonctionnement du système est la création d’une ligne budgétaire spéciale pour couvrir les charges récurrentes de SIGTAS.
La société civile a tissé un partenariat, à travers un comité de concertation, pour combattre l’incivisme fiscal. Elle a été consultée pour la révision du Code des impôts, le site Internet de la Direction générale des impôts et l’informatisation des procédures de collecte des recettes. Elle sera consultée prochainement dans le cadre de la mise en place des télé-procédures (opérations à distance par voie électronique).
Résultats obtenus
Implantation de SIGTAS et renforcement des Capacités
Le premier résultat tangible du PAMORI est l’implantation de SIGTAS, qui constitue un grand défi technique et technologique. Depuis août 2017, la troisième version de SIGTAS est en opération à la Direction générale des impôts et permet la gestion informatisée de plus de 97 % des recettes. La Direction générale des impôts a également développé un plan d’informatisation couvrant tout le pays et visant l’implantation du SIGTAS dans tous les centres des impôts des communes et cercles, en plus des directions régionales. Depuis son implantation, grâce à un programme de formation, le nombre d’agents des impôts qui utilisent SIGTAS a augmenté annuellement, passant de 50 en 1999 à un peu plus de 800 en 2015.
La mise en place du SIGTAS s’est faite avec la mise en œuvre d’un plan de formation du personnel de la Direction générale des impôts. L’utilisation de ce logiciel a aussi nécessité une nouvelle organisation des tâches, ce qui a entraîné des changements dans les relations entre les agents et, finalement, un changement de culture organisationnelle. Il existe un consensus à la Direction générale des impôts sur le fait que le niveau de compétence de l’administration fiscale s’est sensiblement amélioré depuis le lancement des efforts de modernisation. Une équipe de 20 formateurs et 75 « super-utilisateurs », ayant une bonne connaissance du métier, des procédures de travail et de SIGTAS, a été constituée pour assurer les formations et le suivi rapproché des utilisateurs de SIGTAS.
Selon M. Abou Bacar Traoré, conseiller fiscal et ancien ministre des Finances, l’implantation de SIGTAS est unanimement considérée comme la première touche de modernité apportée à la Direction générale des impôts, en diminuant l’intervention humaine dans la gestion. Le fait que l’appui canadien ait privilégié l’appropriation et l’implication du personnel de la Direction générale des impôts est apprécié. Il n’est plus possible de penser l’administration fiscale sans SIGTAS.
Collecte des impôts et mobilisation des recettes internes
La contribution la plus visible de PAMORI et de l’implantation de SIGTAS peut être associée à l’augmentation du niveau de perception des impôts et à la mobilisation des recettes internes.
De 1997 à 2005, les recettes fiscales du Mali sont passées de 192,5 milliards de FCFA (481 millions de dollars canadiens) à 445 milliards de FCFA (1,1 milliard $ CA), ce qui représente une augmentation de plus de 11 % par an. Sur la même période, le taux de pression fiscale est passé de 13,8 % à 15,3 %.
Entre 2005 et 2016, les recettes fiscales sont passées de 445 milliards de FCFA (1,1 milliard de dollars canadiens) à 772,8 milliards FCFA (1,9 milliard $ CA), soit une augmentation globale de 73,5 %. Le taux de pression fiscale était de 16,3 % en 2017 et demeure toujours inférieur à la cible de l’UEMOA qui est de 20 %.
L’augmentation des ressources propres de l’État est une alternative aux financements externes et, de facto, à la dépendance financière vis-à-vis des partenaires techniques et financiers. Un des résultats attendus était qu’une part de plus en plus importante des investissements publics soit financée sur ressources internes. L’obtention de ce résultat prend la bonne direction, toutes proportions gardées. Ainsi, la dépendance du Mali par rapport au financement de son programme d’investissement est passée de 36 % du budget national en 1997 à 23 % en 2004.
Amélioration de la transparence
Le PAMORI visait également une amélioration de l’efficacité et de l’intégrité de la gestion des impôts. L’efficacité devait être atteinte grâce à un renforcement des ressources humaines et financières, l’implantation de tâches informatisées et une amélioration de la performance fiscale. L’intégrité serait atteinte grâce à l’amélioration de la transparence dans les opérations, une meilleure protection des données et une réduction des opportunités d’erreurs et de corruption.
La transparence dans l’administration fiscale malienne est en constante amélioration et les progrès sur ce chapitre ont été fulgurants depuis 1997. Ces avancées sont dues en bonne partie à la mise en place de SIGTAS, que Cowater•Sogema a ajusté et mis à jour au fil des ans. Le recours à SIGTAS réduit considérablement les risques de fraude et de mauvaise gestion.
À l’interne, SIGTAS a permis de réduire les retards et lenteurs dans les pratiques de travail des fonctionnaires, qui génèrent des coûts cachés non négligeables. Les sommes dégagées par ces économies ont pu être utilisées à des fins plus pertinentes. En parallèle, la diffusion des procédures sur l’Intranet a permis l’accès à la consultation sur chaque poste de travail en temps réel. Lorsque les procédures sont bien appliquées, l’efficacité gagnée a pour effet d’améliorer le contrôle interne au sein de la Direction générale des impôts, effectué par les responsables habilités.
Par ailleurs, une contribution majeure de PAMORI et de SIGTAS consiste à établir un réseau d’échanges de données entre certains services et directions parties prenantes dans la mobilisation des recettes internes. SIGTAS permet effectivement, quoiqu’encore partiellement, les échanges d’information entre la Direction générale de la douane, la Direction nationale du Trésor et de la comptabilité publique, la Direction générale du Budget, la Direction nationale du contrôle financier, la Direction générale des Marchés publics et des délégations de services publics et la Direction nationale des Domaines et du cadastre. L’échange de données entre SIGTAS de la Direction générale des impôts et les systèmes d’information de la Direction générale de la douane, par exemple, permet de croiser les informations sur les valeurs déclarées en douane et le chiffre d’affaires déclaré à la Direction générale des impôts, ce qui augmente la transparence des traitements et diminue ainsi les risques de fraude. La brigade mixte Douane / Direction générale des impôts se sert des données échangées pour effectuer des recoupements. Des redressements fiscaux substantiels ont ainsi pu être réalisés.
Au niveau de la Direction du budget, le PAMORI a favorisé la vulgarisation du numéro d’identification qui permet peut dorénavant de croiser des informations sur le numéro d’un mandat, le numéro du bordereau et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui doit être versée. Il y a donc plus de transparence et de rapidité dans les traitements. À son tour, la Direction du contrôle financier peut aussi vérifier que le numéro d’identification fiscal figurant sur une facture provient de la Direction générale des impôts et s’assurer aussi que le contribuable a payé l’impôt avant d’autoriser un paiement.
La Direction nationale du Trésor et de la comptabilité publique est le service qui tient la comptabilité publique. Les impôts, taxes et droits collectés sont reversés au Trésor public. Si un contribuable possède des valeurs au Trésor public alors qu’il ne paie pas ses impôts, la Direction nationale du Trésor et de la comptabilité publique devrait le déceler à partir du numéro d’identification fiscal.
L’élargissement de la gamme des directions intégrées dans le réseau d’échanges de données et d’informations touchant la cueillette des impôts ne cesse de s’élargir et intégrera prochainement la Direction nationale du Commerce et de la concurrence. La mise en commun des informations améliore considérablement la transparence dans la mobilisation des recettes internes et implique que de plus en plus d’entreprises choisissent de régulariser leurs rapports au fisc.
L’échange de données entre tous ces services administratifs permettra à terme un suivi en situation réelle des informations sur les contribuables, afin que les responsables puissent prendre des décisions plus éclairées. Par exemple, le certificat fiscal ou quitus fiscal pourrait être directement généré par SIGTAS, pour un gain de temps non négligeable et plus de sécurité pour l’administration fiscale.
Changement de perception et de culture
L’implantation du SIGTAS a suscité au départ un certain nombre de réserves : c’est souvent le cas lors de l’implantation de mécanismes créant des changements majeurs, mais aussi mettant à jour des irrégularités dans la gestion des finances publiques et même des cas de fraude.
Toutefois, aujourd’hui, il semble y avoir consensus autour de la pertinence de SIGTAS, qui est devenu incontournable, compte tenu de son rôle dans l’importante réduction des risques de fraude. L’implantation de SIGTAS par la Direction générale des impôts a eu des impacts positifs à plusieurs niveaux et a renforcé la confiance des contribuables vis-à-vis du système de gestions des impôts.
L’adhésion progressive d’un nombre croissant d’entreprises et d’individus démontre un important changement de perception de la population face à la nécessité de contribuer au développement de l’économie nationale à travers le paiement des impôts. Ainsi, il existe un répertoire des contribuables ayant un identifiant fiscal, dont le nombre augmente. Cela pourrait signifier que certains opérateurs économiques quitteraient le secteur informel pour le formel, notamment compte tenu d’une perception plus positive de l’administration fiscale mais aussi de l’importance du recoupement des données échangées entre les différentes administrations en charge des finances publiques.
L’accroissement des recettes est aussi lié à l’informatisation du traitement des déclarations et à la perception répandue dans la population que, par le recours à des outils de gestion informatisés, il est plus difficile de se soustraire à l’impôt. Le système réduit les risques de fraude et favorise l’équité entre les contribuables.
Notons enfin que, grâce notamment à SIGTAS et à PAMORI, le gouvernement du Mali s’aligne progressivement pour respecter ses propres lois et règlements, mais aussi les conventions internationales qu’il a signées et qui l’engagent dans le respect de certaines normes d’ordre financier ou économique.
Les succès liés à SIGTAS pourraient inciter d’autres partenaires techniques et financiers à appuyer davantage le Mali. La Direction générale des impôts du Mali est devenue une référence dans l’UEMOA. La réforme fiscale menée avec l’appui de Cowater•Sogema est devenue un modèle en la matière et permet au pays de s’ouvrir vers des perspectives de collaboration à l’échelle sous-régionale, voire internationale.
Cowater•Sogema est l’une des plus importantes entreprises canadiennes qui intervient dans le domaine des finances publiques, notamment en Afrique de l’Ouest. Il a procédé à la mise en place de SIGTAS dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest, dont le Mali, le Burkina Faso, le Bénin et le Sénégal. Le fait d’utiliser le même logiciel peut développer la collaboration et ouvrir des possibilités de partage d’informations entre les administrations fiscales de ces pays de l’UEMOA.
Défis rencontrés
Le Mali a traversé une grave crise en 2012 et 2013, ce qui a affecté l’économie locale, régionale et nationale, et, par conséquent, réduit la capacité des individus et entreprises à contribuer à l’impôt. La crise a eu comme effet la suspension de l’Aide publique au développement, sauf pour l’aide d’urgence et l’aide directe à la population, avec le ralentissement ou la suspension des projets d’appui technique et une diminution de 30 % des ressources de l’État. En 2012, l’activité économique a connu un taux de croissance négatif de 1,2 % contre un taux positif de 4,3 % en 2011. En conséquence, le taux de pauvreté a augmenté de 41,7 % en 2011 à 42,7 % en 2012.
L’implantation du nouveau mécanisme de gestion des impôts et des taxes a imposé un changement organisationnel important. L’introduction du système d’information devait être gérée en insufflant de nouveaux comportements organisationnels et de travail, ce qui a constitué un défi de taille. Les inquiétudes des équipes de travail ont été prises en compte dans le cadre d’une stratégie globale de gestion du changement axée sur la communication, le développement des compétences, la réorganisation du travail et l’appui au pilotage du projet, en plus de l’intervention technique liée au SIGTAS. Un Comité de pilotage et une unité de gestion du changement ont été créés en 2016.
Néanmoins, le défi majeur réside dans la pérennité du système. Comme un préalable à la pérennisation consiste à s’assurer de l’appropriation effective de l’innovation par les gestionnaires concernés, le départ de certains titulaires de postes au sein de l’équipe d’informaticiens pourrait mettre en danger le fonctionnement du SIGTAS. Ce risque est d’autant plus élevé que la compétence pointue de ces informaticiens en fait des ressources très sollicitées par le secteur privé et par les agences d’aide à Bamako. La pérennité du SIGTAS repose encore beaucoup sur des ressources humaines spécialisées et maintenues à leurs postes.
Enfin, l’un des objectifs du PAMORI était d’impliquer la société civile dans un « débat » sur les finances publiques en vue de faire adhérer la population au principe de payer des impôts. L’idée était aussi d’expliquer à la population rurale qu’elle avait bénéficié d’investissements massifs en infrastructures productives (Office du Niger, Mali Sud) au cours des 25 dernières années et que le moment était venu de contribuer à l’impôt. Malheureusement, ce résultat n’a pas encore été atteint. L’objectif était sans doute trop ambitieux.
Dimension égalité des genres
Il faut souligner que, jusqu’à présent au Mali, ni la législation interne ni le caractère obligatoire des instruments juridiques internationaux n’ont suffi à rompre avec la prédominance du droit coutumier sur le droit moderne. Avec la Politique d’aide internationale féministe du Canada, l’enjeu de l’égalité des genres et de l’autonomisation des femmes et des filles au Mali est majeur pour la coopération. Le recrutement d’un spécialiste en égalité entre les femmes et les hommes est envisagé pour mieux outiller le PAMORI.
Les finances publiques constituent un secteur dominé par une population active masculine peu propice à l’inscription de mesures spécifiquement vouées à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Pourtant l’intégration progressive de femmes dans ce secteur d’activités permet de changer les perceptions et de briser des préjugés sur leurs capacités à intervenir pleinement dans le champ économique. Le renforcement spécifique des femmes et des filles, en matière de leadership et dans leur domaine de compétences permettra d’améliorer les recettes.
Selon une publication récente de Cowater•Sogema, trois femmes ont eu un impact particulier sur le succès de la Direction générale des impôts dans l’atteinte de ses objectifs de revenus. « Ces femmes, Mme Assanatou Bouaré Sow, Chef de la division Organisation et méthodes, Mme Bérou Dicko, Vérificateur, Division Recherche et Vérification, et Mme Zaliatou Diarra Coulibaly, Chef de la Cellule Communication, ont chacune surmonté des défis personnels ainsi que professionnels et sont maintenant reconnues comme des leaders au sein de leur organisation ».
Le PAMORI a joué un rôle important dans la promotion de ces femmes au sein de la Direction générale des impôts et dans la gestion de SIGTAS. Mme Zaliatou Diarra Coulibaly et Mme Assanatou Bouaré Sow ont toutes deux complété un programme d’études supérieures spécialisées en management des organisations publiques avec l’appui du PAMORI, alors que Mme Bérou Dicko a participé à la formation de mise à niveau du logiciel SIGTAS suivie d’une formation avancée destinée aux « super-utilisateurs » et formateurs sur SIGTAS. Elle est devenue une référence quant à l’utilisation de SIGTAS 3.
Leçons apprises
Avec maintenant une vingtaine d’années d’implication dans l’implantation de la réforme fiscale au Mali, le PAMORI a pu tirer de nombreuses leçons, qui ont largement servi à chacune des étapes de sa programmation.
Comme première leçon transversale, l’expérience démontre jusqu’à quel point la modernisation d’une administration fiscale (comme probablement de toute autre administration) prend du temps. Malgré des résultats impressionnants, le redressement d’une gestion des finances publiques en vue de l’atteinte de normes internationales ne peut se faire que progressivement. Un changement de cette ampleur repose sur une modification progressive des perceptions et un renforcement des outils de gestion.
La capacité d’adaptation des conseillers est un facteur important dans l’implantation de toute réforme : sans l’adhésion des agents mandatés pour opérer cette transformation, celle-ci est vouée à l’échec. L’appropriation par les intervenants concernés mérite donc une grande attention et commande une écoute et l’exercice d’une certaine flexibilité dans la stratégie à retenir. Toutefois, l’adaptation de nos façons de faire et de l’approche ne doit pas se faire au détriment du résultat final, malgré les réticences au changement.
La gestion des impôts et taxes touche toute la population, individus et entreprises confondus. L’intégration de ses responsabilités en tant que membre d’une communauté à travers le paiement de ses impôts implique une prise de conscience plus large de son rôle de citoyen et de sa participation à la saine gouvernance de son pays. Un individu qui paie ses impôts sera prédisposé à respecter ses autres engagements civiques.
Sources d’information
- Documentation technique du PAMORI, 1997–2017;
- Présentation du PAMORI, Francophonie 2008, Québec;
- Bilan PAMORI (1997- 2005) - Gérard Gagnon;
- Répertoire des procédures administratives, V Provisoire/ Juin 2017 /DGI/MEF;
- Étude sur l’environnement fiscal au Mali, 2013, coalition PCQVM;
- Mobiliser les ressources domestiques au service des plus pauvres au Mali, quel rôle pour l’aide publique au développement française, 2017, Oxfam France.
Nous tenons sincèrement à remercier les personnes suivantes pour leur contribution à la production de la présente histoire :
- Le personnel d’Affaires mondiales Canada;
- Le personnel du Projet de services d’appui sur le terrain (PSAT);
- M. Gilles Boyer, Directeur du projet PAMORI II chez Cowater•Sogema;
- Mme Albérique Combary, Cheffe du projet PAMORI II chez Cowater•Sogema;
- Mme Zaliatou Diarra Coulibaly, - Cheffe de la cellule communication à la Direction générale des impôts;
- M. Sidima Dienta, Directeur Général, Direction générale des impôts;
- M. Gaoussou Fofana, Chef de division développement du système à la Direction générale des impôts détaché au PAMORI II;
- M. Boubou Kanté, Directeur de la sous-direction de l’informatique à la Direction générale des impôts;
- M. Mathieu Lafrenière, Spécialiste en gestion des finances publiques à Affaires mondiales Canada;
- Mme Valérie Ouellette, Chargé de dossiers;
- Mme Hawa Samaké, Spécialiste, économie et finance au Projet de services d’appui sur le terrain;
- M. Nouhoum Sankaré, Consultant, économie et finance;
- M. Mohamed Lamine Samaké, Conseiller du Ministère de l’économie et des finances et résident du comité technique du PAMORI II.
La série « Histoires d'impact » de la coopération canadienne au Mali a été produite sous la coordination du Projet de services d'appui sur le terrain (PSAT) et grâce à la collaboration de tous les intervenants susmentionnés.
Rue Sotuba/ACI, rond-point de l'ancienne chaussée
Bamako, Mali
Tél. : +223 44 90 44 45
Courriel : info@psat-mali.org
Nota : Le PSAT est soutenu financièrement par le gouvernement du Canada.
Liens connexes
Signaler un problème sur cette page
- Date de modification: