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Pleins feux sur les droits de la main-d’œuvre domestique au Bangladesh

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Ayant grandi à Dacca, au Bangladesh, Shamminaz Polen est tout à fait consciente de l’importance des travailleuses et travailleurs domestiques rémunérés, qui exécutent des tâches allant de la cuisine et du nettoyage à la prestation de soins aux enfants et aux personnes âgées.

Une femme portant une chemise grise et un foulard orange regarde la caméra. On peut voir 2 cerisiers en fleurs en arrière-plan.
Shamminaz Polen a grandi à Dacca, au Bangladesh. Elle est consciente de la part disproportionnée du travail domestique accompli par les femmes là-bas.
Crédit photo : Avec l’aimable autorisation de Shamminaz Polen

« Je ne crois pas connaître un seul ménage à Dacca qui n’ait aucun domestique, dit-elle. Cela fait partie de la culture. » Elle sait aussi à quel point les droits de ces aidants, en grande partie des femmes, sont peu respectés. Ces personnes sont souvent méprisées, mal payées, maltraitées et ignorées par les lois, car leur emploi, considéré comme « informel » dans les statistiques de main-d’œuvre, ne leur donne pas accès aux protections sociales.

Leur rôle est pourtant essentiel à l’économie et devrait être valorisé, affirme madame Polen, qui travaille aujourd’hui comme chargée de programme pour Oxfam Canada dans le cadre du projet Securing Rights of Women Domestic Workers in Bangladesh [Garantir les droits des travailleuses domestiques au Bangladesh]. Cette initiative d’une durée de 5 ans, soutenue par Affaires mondiales Canada et mise en œuvre par des groupes partenaires sur le terrain, met en lumière le rôle vital du travail domestique, qu’il soit rémunéré ou non, au Bangladesh et ailleurs.

Madame Polen, qui est venue s’établir au Canada en 2017, remarque que la part disproportionnée du travail domestique accompli par les femmes constitue une tendance mondiale qui menace le bien-être de celles-ci. Cette situation entraîne des conséquences comme la stigmatisation et la discrimination, les problèmes de santé et la violence fondée sur le genre.

Selon elle, les responsables politiques ne s’attardent pas au travail domestique rémunéré parce qu’ils estiment que ce travail « ne requiert aucune compétence particulière, ne justifie pas la mise en place d’un salaire minimum officiel et ne contraint pas les employeurs à respecter quelque loi ou politique que ce soit. Pourtant, le travail domestique a toujours été un élément central, mais sous-estimé, de l’économie générale.

Une femme vêtue d’un hijab violet à motifs draine une marmite.
Mollika Begum est une travailleuse domestique au chômage à Dacca, au Bangladesh.
Crédit photo : Fabeha Monir, Oxfam

Le recours à de l’aide domestique permet à des femmes de participer à la vie économique plutôt que de demeurer confinées à la maison pour s’acquitter de tâches ménagères quotidiennes fastidieuses, explique madame Polen. Par exemple, les femmes qui ont de l’aide à la maison peuvent occuper un emploi mieux rémunéré dans le secteur du prêt-à-porter, lequel contribue largement au PIB du Bangladesh, souligne-t’elle.

Au Bangladesh, la main-d’œuvre domestique rémunérée est estimée à 10,5 millions de personnes, ce qui équivaut au quart de la population canadienne. Selon le Bangladesh Institute of Labour Studies, le salaire moyen de cette main-d’œuvre n’est que de 15 dollars par mois.

Un groupe de femmes se tient face à la caméra. Elles portent un uniforme rose foncé et tiennent un sac en plastique.
Au Bangladesh, la main-d’œuvre domestique rémunérée est estimée à 10,5 millions de personnes, ce qui équivaut au quart de la population canadienne. Selon le Bangladesh Institute of Labour Studies, le salaire moyen de cette main-d’œuvre n’est que de 15 dollars par mois.
Crédit photo : Nari Maitree

Shaheen Akter Dolly, directrice générale de Nari Maitree, une organisation à but non lucratif de Dacca qui soutient les femmes et les jeunes défavorisés et vulnérables, explique que nombre d’entre eux commencent à travailler comme domestiques dès leur plus jeune âge.

Laily Begam, travailleuse domestique depuis l’âge de 7 ans, en est un exemple. Les employeurs ne lui versent souvent que la moitié du salaire promis, dit-elle, et le travail qu’elle accomplit est peu respecté. « Lorsque la pandémie de COVID 19 a frappé, il n’y avait presque plus de travail, se souvient Laily, et j’ai passé des jours sans rien manger. »

Une autre travailleuse domestique, Nasima, affirme qu’elle n’est pas payée pour les jours de maladie. Lorsqu’elle demande un congé, on lui demande qui s’occupera de ses tâches pendant ce temps, puis elle se fait dire de terminer son travail avant de partir.

Trois hommes et une femme sont assis à une table ronde avec des microphones devant eux. Une bannière derrière eux indique « Réunion d’échange d’opinions sur les droits et le bien-être des travailleuses et travailleurs domestiques au Bangladesh : explorer les occasions et les défis liés à la mise en œuvre des politiques ».
Shaheen Akter Dolly (troisième panéliste à partir de la gauche), directrice exécutive de Nari Maitree, une organisation à but non lucratif à Dacca, au Bangladesh, qui soutient les femmes et les jeunes défavorisés et vulnérables, est vue en train de parler à une table ronde.
Crédit photo : Avec l’aimable autorisation de Nari Maitree

Selon madame Polen, la pandémie met particulièrement en lumière la détresse et le rôle essentiel des travailleuses et travailleurs domestiques. On estime qu’au pire moment de la crise provoquée par la COVID, 95 % d’entre eux ont perdu leur emploi, soit parce que leur employeur n’avait plus les moyens de les payer, soit parce qu’ils vivent bien souvent dans des bidonvilles où les conditions hygiéniques laissent grandement à désirer, ce qui est une source de préoccupation pour les employeurs inquiets des risques d’infection. Elle constate que la vie des travailleuses et travailleurs domestiques est aujourd’hui encore plus instable et que ces derniers se trouvent au bas de la pyramide pour ce qui est de l’admissibilité aux programmes de vaccination.

Au plus fort des mesures de confinement dues à la pandémie, le projet Securing Rights of Women Domestic Workers in Bangladesh s’est chargé de distribuer des paniers mensuels de nourriture et de produits hygiéniques par l’intermédiaire de groupes comme Nari Maitree pour permettre aux travailleuses et travailleurs domestiques, ainsi qu’aux membres de leur famille de s’en sortir. Dans un sens plus large, le projet aide ces gens à apporter des changements dans leur vie, explique Dolly. Quelque 9 000 d’entre eux ont été inscrits à des formations axées sur les compétences et sur le développement d’aptitudes à la vie quotidienne, ce qui leur permet d’apprendre à négocier un salaire, un horaire et des conditions de travail équitables.

Selon Dolly, le renforcement du pouvoir des travailleuses domestiques est une condition préalable à l’édification d’une société égalitaire, et tous doivent travailler ensemble pour faire reconnaître leurs droits au sens de la loi, faire évoluer les normes sociales et renforcer leur capacité d’agir.

Une femme portant un hijab orange vif et un masque bleu regarde la caméra. On peut voir d’autres femmes faire la queue derrière elle.
Aklima, une travailleuse domestique au chômage à Dacca, au Bangladesh, fait la queue pour recevoir une aide alimentaire distribuée par Nari Maitree, partenaire d’Oxfam.
Crédit photo : Fabeha Mohir, Oxfam

Prenons l’exemple de Shahida Begam, une travailleuse domestique qui espère que le programme améliorera son sort et fera en sorte que moins de gens la regardent avec condescendance. « Il n’y a pas de petit et de grand travail. Le travail, c’est le travail », nous confie Shahida, elle qui rêve de voir ses enfants devenir de bonnes personnes et poursuivre leurs études pour ensuite se trouver un bon emploi.

Le projet Securing Rights raconte l’histoire de divers travailleurs et travailleuses domestiques tels que Laily, Nasima et Shahida dans des publications sur les médias sociaux conçues pour faire évoluer les attitudes envers cette main-d’œuvre. La campagne de sensibilisation comprend une minisérie en 8 épisodes intitulée Tales of Home [Histoires de chez nous], qui a été diffusée sur la chaîne de télévision nationale au cours de l’été 2021. Ce feuilleton ludo-éducatif diffusé aux heures de grande écoute dépeint le rôle que jouent les domestiques dans les familles et la nécessité de les rémunérer et de les traiter avec dignité.

Selon Dolly, l’émission a été vue par plus de 5 millions de personnes et a reçu de nombreux éloges. Elle précise que l’objectif est de faire passer le message très rapidement. Les responsables du projet Securing Rights souhaitent que les décideurs politiques reconnaissent officiellement que le travail domestique est une profession.

Madame Polen espère que le programme permettra aux domestiques de retrouver un sentiment de dignité. Ce qui est plus important encore, c’est que les emplois qu’ils occupent sont essentiels pour se remettre de la pandémie, selon elle. Qu’il soit rémunéré ou non, le travail domestique est essentiel pour s’assurer que tous puissent profiter de la vie sans tracas et espérer un avenir meilleur.

Deux femmes portant un masque se tiennent dans une cuisine au-dessus d’un pot en acier inoxydable sur une plaque chauffante.
Des femmes reçoivent une formation professionnelle dispensée par le partenaire d’Oxfam, Nari Maitree, une organisation à but non lucratif à Dacca, au Bangladesh.
Crédit photo : UCEP Bangladesh

La main-d’œuvre domestique au Bangladesh — En chiffres

Les travailleuses et travailleurs domestiques constituent l’un des groupes les plus marginalisés et défavorisés du Bangladesh.

Parmi eux,90% sont des femmes.
Parmi eux, 47% ont subi des actes de violence physique et sont menacés de perdre leur emploi.
Parmi eux, 63% déclarent être obligés d’effectuer des tâches dépassant leurs capacités physiques.
Parmi eux, 17% ont été victimes de harcèlement sexuel.
Parmi eux, 40% perçoivent leur lieu de travail comme peu sûr.
Parmi eux, 68% déclarent être frustrés par leur situation actuelle.

Source : Bangladesh Institute of Labour Studies

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