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Diversité des exportations canadiennes par produit

Colin Scarffe

2019-02-25

Table des matières

1. Résumé

  1. Il est important de penser à la diversité des exportations non seulement en termes géographiques, mais aussi par produit.
  2. Les exportations de marchandises du Canada vers le monde sont diversifiées par produit au niveau de la classification SH2.
  3. Les exportations canadiennes de marchandises vers la majorité des pays de destination sont concentrées par produit, mais elles sont généralement diversifiées pour les marchés plus importants.
  4. Presque tous les produits d’exportation canadiens dépendent fortement des États-Unis.

2. Résumé non technique

Cette étude porte sur la diversité des exportations de marchandises par produit. La diversité des exportations au niveau des produits est importante pour se protéger contre les chocs de prix et les baisses de demande sectoriels. La diversité des produits est également importante pour garantir qu’un choc positif touchant la demande ou le prix d’un produit ne hausse pas la valeur de la monnaie au point de réduire la compétitivité d’autres industries.

Bien que le Canada soit connu comme un important exportateur d’énergie et d’automobiles, les exportations canadiennes sont globalement diversifiées par produit. Cela ne veut pas dire que le Canada est à l’abri des chocs dans des secteurs clés, mais plutôt que l’économie canadienne devrait pouvoir s’adapter à un ralentissement affectant spécifiquement un produit.

En général, le panier de produits que le Canada exporte vers un pays donné n’est pas diversifié. Cependant, les exportations du Canada sont diversifiées pour la plupart de ses principaux partenaires commerciaux. L’éloignement d’un pays de destination est en corrélation avec la concentration des exportations vers ce pays, mais une plus grande taille économique est aussi en corrélation avec une diversification des exportations vers un pays. Dans bien des cas, la taille économique est l’effet dominant, ce qui fait que les exportations canadiennes sont diversifiées vers plusieurs grandes économies partenaires malgré une distance considérable.

La dépendance des exportations canadiennes à l’égard des États-Unis n’est pas un phénomène exclusif aux secteurs de l’énergie et de l’automobile. Des 99 catégories de produits (96 produits de la classification SH2, produits non spécifiés, marchandises agrégées, et services commerciaux), les États-Unis sont la première destination de 91 d’entre eux et ils comptent pour plus de la moitié dans 83 cas.

3. Introduction 

Un rapport précédent examinait la concentration géographique des exportations canadiennes, tandis que cet article évaluera la diversité des exportations canadiennes par produit. La concentration des produits ou des industries est habituellement un problème qui touche les petits pays en développement ayant un avantage comparatif pour un produit – généralement une ressource naturelle – et l’industrie en cause finit par dominer les exportations du paysNote de bas de page 1. Le fait d’avoir une exportation dominante pose deux défis; tout d’abord, à l’instar d’un portefeuille financier, il est risqué qu’un seul produit représente une part importante des exportations car il expose le pays à des variations au niveau des prix ou de la demande du produit. Il est préférable d’avoir des actifs ou des exportations diversifiés pour se protéger contre les chocs sectoriels — si le prix d’un produit baisse, les effets sur l’économie seront très différents selon que le produit représente 1 % ou 50 % des exportations. Le deuxième problème est connu sous le nom de ‘maladie hollandaise’. Si un produit compte pour une grande part des exportations, une augmentation de la demande extérieure pour ce produit pourrait engendrer une appréciation de la monnaie du pays, ce qui rendrait les importations moins chères et les exportations plus chères, réduisant du coup la compétitivité des autres industries et accroissant la concentration de l’économie.

La question de la diversification des exportations a surtout été abordée sous l’angle de la diversification géographique ou de la diversification hors des États-Unis, mais un examen de la concentration par industrie pourrait offrir un complément d’information. Il est bien connu que les exportations canadiennes sont tributaires des États-Unis. Toutefois, la diversification hors des États-Unis pourrait avoir des répercussions différentes, et une stratégie différente peut être requise selon que la source de la concentration touche une poignée de produits ou se manifeste à plus grande échelle, et s’il est réaliste pour les entreprises canadiennes évoluant dans certaines industries d’exporter leurs produits à l’échelle mondiale. Cette étude s’intéresse à la diversité par produit des exportations canadiennes de marchandises, mais il examinera également la diversité des exportations au niveau de certaines combinaisons produit-pays.

4. Diversification au niveau des produits

Comme cela a été fait dans Diversité géographique des exportations canadiennes, la concentration sera mesurée à l’aide de l’indice Herfindahl-Hirschman (HHI)Note de bas de page 2. L'indice HHI, qui est la somme des parts mises au carré, est la mesure la plus couramment utilisée de la concentration des exportations; un HHI inférieur à 0,15 est considéré comme diversifié, tandis qu’un HHI supérieur à 0,25 est considéré comme concentréNote de bas de page 3. En utilisant le niveau à deux chiffres de la classification SH (96 catégories de produits), l'indice HHI en 2017 était de 0,085, ce qui indique que les exportations canadiennes sont diversifiées par produitNote de bas de page 4. Ce n’était peut-être pas l’attente ex ante, car le Canada est connu pour sa part élevée d’exportations d’énergie et d’automobiles. Les exportations de ces deux secteurs sont essentielles à l’économie canadienne, mais compte tenu du volume considérable des exportations canadiennes, elles représentent une part relativement modeste du total; ainsi, en 2017, leurs parts respectives étaient de 21 % et 16 %. Mais l’influence des États-Unis sur les exportations canadiennes est évidente : le Canada expédie plus de 90 % de ses exportations des secteurs de l’automobile et de l’énergie vers ce pays.

Figure 1 : HHI par produit

Figure 1 : HHI par produit
Version texte
HHIÉnergieAutosMachines
19900.0858040.0114330.0509640.007453
19910.0856990.0130420.0496680.007083
19920.0881050.0119810.0537120.007036
19930.0985790.0119810.0642820.007758
19940.0971770.0099990.0641820.00809
19950.0887670.0090520.0547430.008846
19960.0849310.0119920.0480830.009251
19970.0850160.0114540.0492090.008939
19980.0871370.00760.0539040.010435
19990.0998130.0081330.0672740.009212
20000.0935790.0195830.0497310.008324
20010.0918710.0231830.0468350.008357
20020.0924620.0181750.0533430.008144
20030.0943370.0291370.0462370.007251
20040.0917170.0306890.0418790.006973
20050.09780.0446750.0353630.006557
20060.0914150.0433830.0303690.006475
20070.089210.0467210.0250970.006843
20080.1106170.0819340.0133730.006082
20090.0876030.0565480.0123780.007497
20100.0934420.0599150.0168680.005536
20110.1009090.069870.0145630.005148
20120.1040090.0693680.0192320.005511
20130.1064370.0737260.0178480.004909
20140.1102030.0786440.0170580.00505
20150.080450.0392910.0237270.006321
20160.0767520.0283720.0301930.00653
20170.0854750.0443390.0240850.006451

Bien que l'indice HHI montre que les exportations canadiennes sont diversifiées par produit, cela ne signifie pas que le Canada est à l’abri d’un choc dans une industrie en particulier. À titre d’exemple, le prix du pétrole brut Western Canadian Select est passé de 86,56 $US le baril en juin 2014 à 16,30 $USD le baril en février 2016, provoquant une récession superficielle qui a duré deux trimestres au début de 2015 et a conduit la Banque du Canada à réduire les taux d’intérêt à deux reprisesNote de bas de page 5. Pourtant, la diversité des exportations canadiennes par produit a fait en sorte que le choc des prix du pétrole n’a entraîné qu’une légère contraction économique et que l’économie canadienne a pu s’adapter et renouer avec la croissance malgré la baisse continue du prix du pétrole.

Figure 2 : Prix du pétrole et croissance du PIB

 Figure 2 : Prix du pétrole et croissance du PIB
Version texte
GDP DatesGDP Growth
Q1 20120.001894
Q2 20120.013499
Q3 20120.005296
Q4 20120.008211
Q1 20130.036064
Q2 20130.023529
Q3 20130.032742
Q4 20130.042784
Q1 20140.005677
Q2 20140.037619
Q3 20140.038757
Q4 20140.028487
Q1 2015-0.02159
Q2 2015-0.01074
Q3 20150.014103
Q4 20150.002705
Q1 20160.023953
Q2 2016-0.01806
Q3 20160.044094
Q4 20160.023455
Q1 20170.040936
Q2 20170.04401
Q3 20170.013258
Q4 20170.017048

 

Oil PricesOil Prices dates
86.47Jan-12
83.04Feb-12
75.01Mar-12
70.4Apr-12
75.1May-12
66.37Jun-12
64.28Jul-12
69.03Aug-12
78.17Sep-12
79.88Oct-12
72.47Nov-12
57.87Dec-12
62.11Jan-13
58.4Feb-13
66.72Mar-13
68.87Apr-13
80.93May-13
75.39Jun-13
90.5Jul-13
90.97Aug-13
83.57Sep-13
74.21Oct-13
62.62Nov-13
58.95Dec-13
65.69Jan-14
81.54Feb-14
79.42Mar-14
79.56Apr-14
82.72May-14
86.56Jun-14
82.73Jul-14
73.89Aug-14
74.35Sep-14
70.6Oct-14
62.87Nov-14
43.24Dec-14
30.43Jan-15
36.52Feb-15
34.76Mar-15
40.26Apr-15
47.5May-15
51.29Jun-15
43.49Jul-15
29.48Aug-15
26.5Sep-15
32.78Oct-15
27.78Nov-15
22.51Dec-15
17.88Jan-16
16.3Feb-16
23.46Mar-16
27.88Apr-16
32.52May-16
36.47Jun-16
32.8Jul-16
30.9Aug-16
30.62Sep-16
35.83Oct-16
31.89Nov-16
37.18Dec-16
37.19Jan-17
39.14Feb-17
35.68Mar-17
36.84Apr-17
38.84May-17
35.8Jun-17
36.37Jul-17
38.5Aug-17
39.93Sep-17
39.87Oct-17
45.52Nov-17
44.02Dec-17

5. Diversification des produits par destination

La diversification des produits par économie de destination est un aspect important qui reflète le pouvoir de négociation au chapitre des droits tarifaires et des accords de libre-échange. Si, par exemple, les exportations du Canada vers une économie donnée sont concentrées, l’imposition éventuelle de droits de douane sur l’industrie  à la source de la concentration représente une menace beaucoup plus grande que si les exportations canadiennes étaient plus largement diversifiées. Selon les données de 2017 sur les exportations canadiennes vers 223 destinations, les exportations canadiennes étaient concentrées par produit (HHI>0,25) vers 106 destinations et elles étaient diversifiées par produit (HHI<0,15) vers 65 destinations.

Figure 3 : Diversification des produits par destination

Figure 3 : Diversification des produits par destination
Version texte
RanHHICountry
11Bouvet Island
21Cocos (Keeling) Islands
31Nauru
41Niue
50.981196Botswana
60.978847Gibraltar
70.941163Malta
80.935354Korea, Dem. Rep.
90.925399Latvia
100.879343Lesotho
110.876948Seychelles
120.855421Antarctica
130.84285Heard Island and McDonald Isla
140.842392Fr. So. Ant. Tr
150.82621Solomon Islands
160.785951British Indian Ocean Ter.
170.771926Cook Islands
180.737633Somalia
190.731819Bahamas, The
200.67737Malawi
210.653002Falkland Island
220.624439Tonga
230.611806Kiribati
240.575831Cambodia
250.566741Sao Tome and Principe
260.562806United Kingdom
270.561825Cameroon
280.559919Central African Republic
290.550635Bulgaria
300.5421Zimbabwe
310.539427Guinea-Bissau
320.537329Angola
330.523132Turkmenistan
340.522615Mozambique
350.520208Kyrgyz Republic
360.519197Lao PDR
370.512152Montenegro
380.511805Fiji
390.509658Wallis and Futura Isl.
400.503721Macedonia, FYR
410.497405Burundi
420.494974Ethiopia(excludes Eritrea)
430.485931Nigeria
440.474148Ukraine
450.468573Maldives
460.459759Afghanistan
470.458899Equatorial Guinea
480.456933Morocco
490.446538Norfolk Island
500.445013Pitcairn
510.432854Yemen
520.426327Bhutan
530.419259Algeria
540.416504Georgia
550.404014Tajikistan
560.401112Sudan
570.392137New Caledonia
580.392014Cape Verde
590.389397Slovenia
600.388351Congo, Dem. Rep.
610.382569Pakistan
620.378183Trinidad and Tobago
630.376178Rwanda
640.37615Eritrea
650.367654Ecuador
660.361926Libya
670.359811Tanzania
680.358087Kazakhstan
690.356644Bangladesh
700.352224Guam
710.352068Peru
720.348588American Samoa
730.343916Syrian Arab Republic
740.343914Austria
750.343127Greenland
760.338117Sri Lanka
770.336194Sierra Leone
780.330995Mali
790.325363Myanmar
800.325253Bolivia
810.321417Montserrat
820.317926Mongolia
830.314005Iran, Islamic Rep.
840.309023Togo
850.306855Luxembourg
860.303388Switzerland
870.302515Samoa
880.302341Mauritania
890.30029Kenya
900.297446Venezuela
910.294905Lithuania
920.294294Benin
930.290534United States Minor Outlying I
940.288515Saudi Arabia
950.287781Tunisia
960.287522Madagascar
970.285439Gabon
980.276457Gambia, The
990.270573Saint Helena
1000.269191Western Sahara
1010.268671Armenia
1020.262849Senegal
1030.259811Bahrain
1040.257181Iraq
1050.253478Burkina Faso
1060.251754Christmas Island
1070.247101Nepal
1080.247034Faeroe Islands
1090.245745Norway
1100.244344Iceland
1110.241999Ghana
1120.241544Chad
1130.234461Congo, Rep.
1140.229556Indonesia
1150.228072Uzbekistan
1160.225179French Polynesia
1170.222558Bonaire
1180.221554Cote d'Ivoire
1190.217885Finland
1200.212939Cayman Islands
1210.212807Poland
1220.212768Uganda
1230.210382Denmark
1240.210286Guinea
1250.206305Vanuatu
1260.206134British Virgin Islands
1270.20503Zambia
1280.20178Papua New Guinea
1290.200532Portugal
1300.197351Albania
1310.196727Belgium
1320.196255Paraguay
1330.195574Djibouti
1340.193586Colombia
1350.192984Haiti
1360.186997Swaziland
1370.186693Croatia
1380.185965Moldova
1390.181931Suriname
1400.181922East Timor
1410.180157Ireland
1420.178946Niger
1430.17803Oman
1440.172332Comoros
1450.167545Lebanon
1460.165194Macao
1470.162748Azerbaijan
1480.162727Uruguay
1490.162697Belarus
1500.15863Brazil
1510.157073Czech Republic
1520.156Andorra
1530.154249South Sudan
1540.154116Argentina
1550.152935Sweden
1560.152011Romania
1570.151801Greece
1580.151034Bosnia and Herzegovina
1590.14952Saint Pierre and Miquelon
1600.148338United Arab Emirates
1610.142673Liberia
1620.14214Estonia
1630.142117Nicaragua
1640.139335Qatar
1650.138825Dominican Republic
1660.137944Russian Federation
1670.136195St. Vincent and the Grenadines
1680.135012Hungary
1690.134733Mauritius
1700.133036Anguila
1710.131426Korea, Rep.
1720.130154Belize
1730.126205Costa Rica
1740.124733India
1750.123035Guatemala
1760.121913Cyprus
1770.121242Singapore
1780.121118United States
1790.12061Vietnam
1800.12017Jordan
1810.11992Brunei
1820.118947Spain
1830.118852Kuwait
1840.118518South Africa
1850.117973St. Lucia
1860.117502Turks and Caicos Isl.
1870.116688Guyana
1880.115894Serbia, FR(Serbia/Montenegro)
1890.114622El Salvador
1900.113392Grenada
1910.11097Italy
1920.108196Philippines
1930.106621Honduras
1940.106054Aruba
1950.102906Malaysia
1960.102237Türkiye
1970.101844France
1980.101217Netherlands
1990.101109Australia
2000.101098Dominica
2010.098961Slovak Republic
2020.097827Egypt, Arab Rep.
2030.096838Antigua and Barbuda
2040.096141Jamaica
2050.094113Namibia
2060.093188Bermuda
2070.092859Israel
2080.092049Japan
2090.089887Cuba
2100.089214Thailand
2110.087245All countries  All --- All  
2120.085564Other Asia, nes
2130.083876Saint Maarten (Dutch part)
2140.082837Hong Kong, China
2150.081238Curaçao
2160.077597Panama
2170.077495China
2180.077037Germany
2190.073765Barbados
2200.073505Mexico
2210.072999New Zealand
2220.072713Chile
2230.064242St. Kitts and Nevis

Tel que mentionné dans Diversité géographique des exportations canadiennes, le  modèle de gravité du commerce peut être utile pour expliquer les flux commerciaux. Plus un pays est éloigné, plus il est coûteux de faire du commerce avec lui. Une hypothèse que l’on peut raisonnablement déduire de l’ensemble des données observées est que les coûts de transport diffèrent selon l’industrie, ce qui veut dire qu’il est impossible d’exporter certains produits sur de longues distances, concentrant ainsi les exportations canadiennes sur des produits dont les coûts de transport sont relativement faibles. L’utilisation d’une régression linéaire de la concentration des exportations par rapport à la distance révèle que la distance entre positivement (une augmentation de la distance est corrélée à une augmentation de la concentration).

Figure 4 : Diversification région-produit pour le Canada

Figure 4 : Diversification région-produit pour le Canada
Version texte
Afrique subsaharienneEurope -Asie centraleAmérique du NordAsie du SudAutres régionsMoyen-Orient – Afrique du NordAsie de l’Est – PacifiqueAmérique latine – Caraïbes
HHI0.1435140.1425750.1211070.0962320.0950270.0933010.0582030.055833

Cependant, la taille économique a aussi de l’importance. Parmi les 10 principaux partenaires commerciaux du Canada (selon la valeur des exportations, représentant 91 % des exportations), huit peuvent être classés comme diversifiés au niveau des produits (HHI<0,15), un est modérément diversifié (la Belgique, HHI=0,19), et un seul peut être classé comme concentré (Royaume-Uni, HHI=0,56), ce qui incite à penser que là où la demande est suffisante, les exportations canadiennes sont diversifiées par produit Note de bas de page 6. Une façon de faire la distinction entre la distance la demande est d’agréger les pays en régions – il est plus probable qu’une région aura une demande pour chaque produit, tout en conservant la variation propre à la distance. Par région, les exportations du Canada sont diversifiées et, observation intéressante, les deuxième et troisième régions les plus concentrées sont l’Europe et l’Amérique du NordNote de bas de page 7.

Une simple régression linéaire de la concentration sur la distance et le PIB (par pays) peut être utilisée pour établir la corrélation entre la concentration et les deux facteurs explicatifs, formellementNote de bas de page 8 :

equation math
Version texte

Le HHI vers le pays i est égal à une constante plus bêta une fois le logarithme naturel de la distance au pays i, plus bêta deux fois le logarithme naturel du PIB du pays i, plus un terme d'erreur.

Variable

Coefficient

Statistique T

Constante

-0.745

-2.40

Distance

0.127

3.74

PIB 

-0.032

-5.46

La régression montre que les exportations canadiennes deviennent davantage concentrées plus une économie est éloignée, mais elles se diversifient à mesure que la taille de l’économie partenaire augmente. Encore une fois, l’interprétation que l’on peut tirer est que là où la demande de produits canadiens est suffisamment importante, les exportateurs canadiens sont en mesure de compenser la hausse des coûts de transport (ou des coûts fixes) associée à une plus grande distance. Un exemple est fourni par la Türkiye et la Bulgarie, deux économies éloignées (7993 km pour la Bulgarie et 8626 km pour la Türkiye), alors que le PIB de la Türkiye est 20 fois supérieur à celui de la Bulgarie. En conséquence, l'indice HHI des exportations vers la Türkiye est de 0,1 (diversifiées), tandis que l'indice HHI des exportations vers la Bulgarie est de 0,55 (très concentrées).

La régression a produit un R2 de seulement 0,21, ce qui signifie que d’autres facteurs interviennent certainement pour déterminer la concentration. Les facteurs de confusion courants peuvent être des éléments tels que les accords de libre-échange, le fait que le partenaire soit ou non une économie de marché, une langue commune, ou des cultures similaires. On pourrait faire valoir que si une ou plusieurs de ces variables sont corrélées avec la taille ou la distance du marché, le fait de ne pas les prendre en compte dans la régression ci-dessus pourrait biaiser les résultats.

Cependant, très peu (voire aucun) de ces facteurs de confusion ne s’applique à la Chine, pays qui possède une très vaste économie et qui est situé à une grande distance. La Chine était le deuxième partenaire commercial du Canada en 2017 (3e si l’UE est prise dans son ensemble), avec des exportations vers ce pays totalisant 23,6 milliards de dollars. La vision habituelle des exportations canadiennes en Chine est généralement qu’en raison de la distance et d’autres obstacles, celles-ci sont concentrées dans quelques industries précises, généralement des ressources naturelles. Les exportations du Canada vers la Chine sont en fait assez diversifiées. Aucune industrie ne représente plus de 20 % des exportations canadiennes vers la Chine, et seulement deux, les graines oléagineuses (16,3 %) et la pâte de bois (15,5 %), ont une contribution supérieure à 10 %. L'indice HHI pour 2017 indique que les exportations canadiennes en Chine sont à vrai dire plus diversifiées que les celles destinées aux États-Unis. La Chine constitue un exemple du fait que malgré les obstacles qui existent, le Canada est en mesure d’exporter dans un large éventail d’industries. De plus, la diversité des produits exportés vers la Chine rend le Canada moins exposé à la menace d’une hausse par la Chine des droits tarifaires visant une industrie en particulier, d’une diminution de la demande chinoise pour un produit donné, car cela ne représenterait alors qu’une modeste part des exportations totales vers la Chine.

Figure 5 : HHI par produit

Figure 5 : HHI par produit
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Date SeriesHHI ChinaHHI U.S. by product
19900.2696810.123348
19910.2526990.121125
19920.3375750.121327
19930.1351490.127544
19940.143660.1247
19950.1640570.115002
19960.1687670.10782
19970.0911550.106441
19980.0996540.10627
19990.1031590.119772
20000.0795760.111038
20010.0708510.109025
20020.0754110.109859
20030.0836960.114306
20040.0753580.114043
20050.0621840.121994
20060.0689070.11859
20070.0723910.121904
20080.0634790.151869
20090.0780930.120951
20100.0710590.133312
20110.0765560.144404
20120.0830010.148874
20130.079610.15242
20140.0792110.156445
20150.0729370.112726
20160.0722060.104253
20170.0757060.116787

6. Diversification des destinations par produit

L’approche complémentaire de l’examen de la concentration des produits expédiés à chaque destination consiste à examiner la concentration des destinations pour chaque produit. Sur les 96 produits d’exportation au niveau de la classification SH2, outre une catégorie pour les marchandises non classées, l’agrégat global et les services commerciaux, seuls trois sont classés comme étant diversifiés en termes géographiques selon les lignes directrices pour le HHI (HHI<0,15)Note de bas de page 9. De ces 99 catégories, les États-Unis détiennent la plus grande part dans 91 cas et ils représentent plus de la moitié dans 83 catégories. Cela montre que la dépendance du Canada à l’égard des États-Unis au chapitre des exportations n’est pas un trait exclusif à quelques industries, mais une caractéristique de la presque totalité des industries exportatrices canadiennes. À titre illustratif, les exportations d’automobiles et d’énergie sont considérées comme étant parmi les plus concentrées, puisqu’elles sont destinées presque exclusivement aux États-Unis; cependant, l’automobile n’est que la 12e industrie la plus concentrée, alors que l’énergie arrive au 20e rang – avec des parts de 94 % et 91 %, respectivement, de leurs exportations allant aux États-Unis. À l’autre extrémité du spectre, les minerais, les scories et les cendres sont la deuxième industrie la plus diversifiée, et la part allant ux États-Unis n’est que de 5 %.

Figure 6 : Diversification pays-produit pour le Canada

Figure 6 : Diversification pays-produit pour le Canada
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RankHHIHS code
10.99341346
20.9845166
30.95917418
40.9418229
50.94050619
60.93502557
70.9302971
80.92560352
90.92468678
100.89272294
110.8885996
120.88658887
130.87502568
140.86176314
150.85600956
160.85398270
170.84660454
180.8464880
190.84617660
200.82867427
210.82643539
220.82535751
230.82480286
240.81610432
250.809255
260.80841440
270.80711673
280.77560616
290.76488576
300.76242779
310.76118383
320.75358334
330.75353537
340.75276322
350.74956620
360.72985774
370.72799724
380.71482348
390.70066164
400.69410817
410.68878772
420.67973589
430.67295121
440.66921233
450.66480359
460.66343725
470.6628269
480.63428138
490.62856628
500.62770599
510.60261884
520.60155544
530.59718962
540.59512291
550.58221167
560.568236Grand Total
570.55346429
580.5498985
590.54180311
600.53447653
610.53270865
620.53002497
630.51829649
640.49922115
650.4720558
660.46413566
670.46250242
680.46136461
690.45292235
700.4501068
710.44918123
720.44805682
730.42786Commercial Services
740.41522630
750.41350393
760.40744195
770.39973350
780.38925431
790.38709990
800.3869853
810.38321241
820.38160471
830.37482592
840.35290445
850.32549963
860.2986782
870.29458947
880.2780285
890.26466888
900.23652336
910.2282394
920.2187257
930.20554681
940.19250212
950.16033875
960.1587743
970.14562813
980.0875926
990.07205410

Si seulement quelques industries étaient concentrées, on pourrait en conclure que le Canada doit simplement mettre l’accent sur des industries différentes, car certains produits ne peuvent pas être exportés au-delà des États-Unis. Cependant, puisque la concentration est largement répandue, cela vient corroborer l’affirmation précédente selon laquelle la concentration n’est pas causée par l’inefficacité des exportateurs canadiens; c’est plutôt la force gravitationnelle des États-Unis qui attire les entreprises de toutes les industries à exporter naturellement vers ce pays et qui est à l’origine de la concentration observée. Cela suppose également que la diversification des exportations sera difficile à réaliser. Pour qu’il y ait diversification des exportations, il faudra surmonter la tendance naturelle à exporter aux États-Unis, non pas d’une seule entreprise mais de milliers d’entreprises simultanément. Cela ne veut pas dire que l’objectif de la diversification devrait être que les entreprises canadiennes cessent d’exporter aux États-Unis, mais cela simplement qu’il sera difficile de détourner même une partie du flux des exportations vers d’autres pays.

7. Conclusion

Les exportations canadiennes sont diversifiées au niveau des produits. Cela ne signifie pas que l’économie canadienne est à l’abri de chocs propres à une industrie, mais que la diversification des exportations permettrait à l’économie canadienne de s’adapter en cas de ralentissement d’une industrie. Les exportations canadiennes sont concentrées dans de nombreux pays, mais cela semble plus vraisemblablement dû à une insuffisante de la demande des pays partenaires qu’à l’incapacité des exportateurs d’atteindre leurs marchés. De plus, dans presque toutes les industries, le choix naturel est d’exporter aux États-Unis, et la diversification des exportations pourrait donc s’avérer difficile car elle devra aller à contre-courant des forces économiques naturelles.

8. Bibliographie 

Gouvernement du Canada, Données sur le commerce en direct, https://www.ic.gc.ca/app/scr/tdst/tdo/crtr.html?&productType=HS6&lang=fra (en français).

Head, Keith et Thierry Mayer. « Gravity equations: Workhorse, toolkit, and cookbook »,  Handbook of International Economics, 4:131–195. Elsevier, 2014.

Head, Keith, Thierry Mayer et John Ries. « The erosion of colonial trade linkages after independence », Journal of International Economics, 81, no 1 (2010): 1-14.

FMI, « Une expansion mondiale en perte de vitesse », Perspectives de l’économie mondiale, mise à jour, janvier 2019.

Scarffe, Colin. Diversité géographique des exportations canadiennes, Affaires mondiales Canada, 2019.

Statistique Canada. Tableau 36-10-0104-01 : Produit intérieur brut, en termes de dépenses, Canada, trimestriel (x 1000000).

Statistique Canada. Mesurer la diversification des exportations canadiennes. No de catalogue 13-605-X, ISSN: 1705-9658, 2018.

Division de la statistique des Nations Unies. UN Comtrade. New York, Organisation des Nations Unies, Récupéré sur le site https://comtrade.un.org/data/

Source pour le WCS : Alberta Energy (janvier 2009 à aujourd’hui). Récupéré sur le site https://economicdashboard.alberta.ca/OilPrice.

9. Annexe – Mesure

Il y a un problème avec la mesure de la concentration des exportations car aucun outil n’a été développé exclusivement pour mesurer la concentration des échanges. Tous les outils empruntent à d’autres volets de l’économie qui traitent de la concentration — la théorie du portefeuille, l’inégalité des revenus et l’économie de la concurrence. En conséquence, les outils fournissent des indications, mais la justification économique ou axiomatique du choix de tout indice fait défaut dans le contexte de la concentration des échanges. Heureusement, les mesures disponibles racontent la même histoire de la concentration des exportations canadiennes et, par conséquent, la discussion de la meilleure mesure est quelque peu superflue dans le contexte canadien. La mesure choisie pour cette analyse était l’indice Herfindahl-Hirschman (HHI) défini ainsi :

Plus le marché est proche de 1, plus le marché est concentré, et plus le marché est proche de 0, plus il est diversifié. Ainsi, si le Canada n’exportait qu’un produit, l’indice serait de 1 et si les exportations du Canada étaient réparties également entre 100 produits différents, l’indice serait de 0,01. À titre indicatif, un indice HHI supérieur à 0,25 est considéré comme étant concentré et un indice HHI inférieur à 0,15 est considéré comme diversifié (directives internationalement acceptées provenant de Statistique Canada). Ce ne sont bien sûr que des lignes directrices, mais l’avantage l'indice HHI est qu’il est simple à décomposer en parties et qu’un raisonnement plus poussé peut être appliqué. Comme l’analyse des exportations canadiennes était insensible à la mesure sélectionnée, l’ISH a été choisi en raison de sa relative simplicité.

Un des inconvénients l'indice HHI est qu’il est sensible au niveau de désagrégation. En raison de la mise au carré des parts de l’indice, plus les données sont désagrégées, plus le niveau de l’indice est bas. Comme le nombre de produits affecte le niveau de l’indice (s’il n’y avait que deux produits, l’indice le moins élevé pourrait être 0,5), un indice HHI normalisé est disponible pour corriger ce problème, mais au niveau du SH2 il y a 96 catégories et donc l’index normalisé n’est pas nécessaire.

La sensibilité au niveau d’agrégation peut potentiellement poser des problèmes lors de l’examen des produits. Lors de l’évaluation de la géographie, il est plus facile de faire valoir que les catégories sont indépendantes de la taille. Il y a des grands et des petits pays; la taille ne détermine pas s’il s’agit d’un pays distinct ou d’un autre pays. À un niveau plus désagrégé, la taille ne détermine pas non plus le nombre d’États ou de provinces. Cependant, avec les produits, la taille peut très bien déterminer si certains produits obtiennent leur propre catégorie à un niveau d’agrégation donné – en termes économiques, les groupes de produits peuvent être endogènes à leur taille. Au niveau d’agrégation le plus bas, l’idée est que chaque produit a sa propre classification, mais à tout niveau d’agrégation plus élevé, les groupes de produits sont quelque peu arbitraires. Par exemple, les voitures à traction arrière devraient-elles être séparées des voitures à traction avant au même niveau qui fait la distinction entre les différentes qualités de pétrole brut?

Ce n’est qu’au niveau le plus désagrégé, lorsque chaque produit a son propre code, que la classification ne souffre pas de la nature arbitraire (ou de l’endogénéité) des groupes de produits. Cependant, le choix du niveau le plus bas entraînerait un indice de concentration très proche de zéro. Le niveau d’agrégation le plus élevé a toujours des problèmes, mais la nature arbitraire des distinctions est, espérons-le, inférieur à celui des agrégats inférieurs. Pour en savoir plus sur la façon dont l’agrégation affecte l’L’INDICE HHI et d’autres indices de concentration, consultez la Diversité géographique des exportations du Canada.

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