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D’enfant-soldat à militant

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Un jeune Michel Chikwanine tient la main de sa mère, Chibalonza Enungu Byamungu, sur une colline au-dessus de leur ville de Beni, en République démocratique du Congo. Source : Photo gracieusement offerte par Michel Chikwanine.
Un jeune Michel Chikwanine tient la main de sa mère, Chibalonza Enungu Byamungu, sur une colline au-dessus de leur ville de Beni, en République démocratique du Congo. Source : Photo gracieusement offerte par Michel Chikwanine.

Kidnappé par une milice dans la cour de récréation de son école en République démocratique du Congo alors qu’il n’avait que 5 ans, Michel Chikwanine a été contraint de faire des choses impensables pour un enfant. Il a été recruté pour devenir un enfant soldat par le biais d’un processus d’intimidation et d’endoctrinement au cours duquel il a été drogué, s’est fait bander les yeux et a dû tirer sur son meilleur ami pour le tuer.

Si M. Chikwanine a réussi à échapper aux rebelles après quelques semaines, la peur et l’anxiété qu’il avait ressenties sous leur contrôle sont demeurées. Dans la salle de classe d’une école secondaire d’Ottawa en 2004, ces sentiments sont réapparus et ont permis de faire de ses expériences d’enfance une leçon pour les autres.

En tant que nouvel arrivant au Canada, il a été victime d’intimidation en raison de son accent et de son « apparence un peu différente », ce qui a fait passer le jeune de 16 ans « d’un nouvel enfant heureux à l’école à un enfant très discret ». Les railleries provenaient plus particulièrement d’une fille assise au fond de la classe. Il se souvient qu’elle s’était servie d’un devoir dans lequel les élèves devaient écrire un texte sur un moment marquant de leur vie pour se plaindre de la couleur du téléphone cellulaire que ses parents lui avaient acheté.

Un jeune Michel Chikwanine (gauche) se tient à côté de son cousin, Thierry. Source : Photo gracieusement offerte par Michel Chikwanine.
Un jeune Michel Chikwanine (gauche) se tient à côté de son cousin, Thierry. Source : Photo gracieusement offerte par Michel Chikwanine.

Pour le même devoir, M. Chikwanine a écrit sur la façon dont les « minerais de conflit » utilisés dans des appareils électroniques de tous les jours alimentent les guerres et les violations des droits de la personne dans des pays comme la République démocratique du Congo. Leur exploitation se traduit par le recrutement d’enfants‑soldats et le ciblage de militants, comme ses parents, avait-il écrit. Sa famille avait été contrainte de fuir le pays après que le père de M. Chikwanine eut été enlevé puis relâché et que sa mère et ses 2 sœurs aînées eurent été violées sous ses yeux.

Lorsque son professeur lui a demandé de lire sa composition à voix haute devant ses camarades, M. Chikwanine se souvient d’avoir « repris du pouvoir et une certaine normalité dans ma vie à l’école secondaire, après avoir été victime d’intimidation ».

Aujourd’hui, il continue de raconter ses expériences en tant que conférencier motivateur et coauteur d’un roman illustré intitulé Child Soldier: When Boys and Girls Are Used in War (anglais seulement). Le roman, publié par Kids Can Press dans le cadre de sa collection CitizenKid, pour les lecteurs âgés de 10 à 14 ans, raconte le terrifiant enlèvement de M. Chikwanine et son incidence dévastatrice sur toute la vie du jeune homme.

Le père de Michel Chikwanine, Ramazani Chikwanine, était un militant des droits de la personne. Source : Photo gracieusement offerte par Michel Chikwanine.
Le père de Michel Chikwanine, Ramazani Chikwanine, était un militant des droits de la personne. Source : Photo gracieusement offerte par Michel Chikwanine.

« J’ai vraiment subi une guerre et des blessures psychologiques dont je ne me suis toujours pas complètement remis », affirme M. Chikwanine, qui est maintenant âgé de 34 ans et qui habite à Toronto. « C’est une chose terrible à vivre. Les cicatrices elles‑mêmes durent toute la vie. »

Alors que le monde souligne la Journée internationale contre l’utilisation d’enfants‑soldats, connue sous le nom de Journée de la main rouge, M. Chikwanine soutient les efforts du Canada pour attirer l’attention sur ce problème et aider les enfants qui en sont victimes. Parmi ces efforts, citons la promotion des Principes de Vancouver sur le maintien de la paix et la prévention du recrutement et de l’utilisation d’enfants‑soldats.

« Le Canada doit absolument jouer un rôle de premier plan à l’égard de cet enjeu », affirme-t‑il.

M. Chikwanine est né dans la ville de Beni, dans l’est de la République démocratique du Congo. Beni se trouve dans la chaîne du Rwenzori, près de la frontière avec l’Ouganda. Jusqu’à son enlèvement en 1994, sa vie a été épargnée par la violence. « Les seules fois où j’avais vu une arme à feu, c’était au cinéma, dans Rambo avec Sylvester Stallone, ou quand nous fabriquions des AK‑47 avec des bananiers », se souvient-il.

Michel, un conférencier motivateur, a également coécrit un roman illustré publié par Kids Can Press, dans lequel il raconte son histoire. Source : Twice Research Institute Co Ltd.
Michel, un conférencier motivateur, a également coécrit un roman illustré publié par Kids Can Press, dans lequel il raconte son histoire. Source : Twice Research Institute Co Ltd.

Alors que le pays se dirigeait vers une guerre civile, la région s’est retrouvée « en périphérie du conflit », des groupes rebelles s’étant cachés dans sa jungle dense. Son père, Ramazani Chikwanine, un militant des droits de la personne, et sa mère, Chibalonza Enungu Byamungu, une entrepreneure qui aidait les femmes à lancer des entreprises, ont été attaqués et les biens de la famille ont été brûlés. En 1998, ils ont tous fui en Ouganda, où le père a été assassiné.

Le Canada a offert un refuge inestimable à M. Chikwanine, à sa mère, à 2 de ses sœurs et à leurs enfants. M. Chikwanine affirme : « Le pays a fait de moi la personne que je suis aujourd’hui… Je suis peut-être né au Congo, mais j’ai grandi au Canada. » Il ajoute : « Mon nouveau pays a influé sur la façon dont j’en suis venu à voir le monde. J’adore cet endroit. J’aime chaque groupe, chaque ami que je me suis fait, chaque occasion que j’ai eue. »

Conférencier accompli, Michel Chikwanine continue de raconter son histoire dans l’espoir d’avoir une incidence sur les jeunes. Source : Greg Kessler.
Conférencier accompli, Michel Chikwanine continue de raconter son histoire dans l’espoir d’avoir une incidence sur les jeunes. Source : Greg Kessler.

Après le secondaire, il a passé plusieurs années à voyager en Amérique du Nord à titre de conférencier et d’animateur, ce qui a mené à la publication de Child Soldier en 2015. M. Chikwanine est heureux de savoir que le fait de raconter son histoire touche les jeunes. Par exemple, après avoir parlé à des élèves d’une école du centre-ville de New York, il a été approché par l’un d’eux dont le frère avait été tué par un gang et qui prévoyait se venger. « Je parlais beaucoup du pardon et de la façon dont je pardonne aux personnes qui ont tué mon père. Mon expérience a eu une incidence énorme sur cet élève », se souvient-il.

En 2018, M. Chikwanine a obtenu un baccalauréat en études africaines, avec des mineures en économie et en relations internationales, de l’Université de Toronto. Il a ensuite obtenu une bourse de recherche du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à Genève, dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine. Il a occupé des postes dans des organisations comme l’Institut Dallaire pour les enfants, la paix et la sécurité, et il aimerait avoir un emploi auprès des jeunes et des réfugiés.

Michel Chikwanine est retourné en République démocratique du Congo pour épouser sa femme. Source : Photo gracieusement offerte par Michel Chikwanine.
Michel Chikwanine est retourné en République démocratique du Congo pour épouser sa femme. Source : Photo gracieusement offerte par Michel Chikwanine.

Il a notamment participé à l’élaboration de programmes de formation destinés aux soldats de la paix qui rencontrent des enfants‑soldats sur le champ de bataille. M. Chikwanine se réjouit du fait que le Canada soit à la tête des initiatives sur les enfants‑soldats, et il qualifie les Principes de Vancouver d’« un pas dans la bonne direction ». Il trouve frustrant le fait que les gens prêtent attention au problème uniquement « là où il y a des caméras ». Il estime qu’il est essentiel de s’attaquer aux causes profondes du problème, y compris la pauvreté et la surabondance d’armes dans le monde.

M. Chikwanine n’est retourné qu’une seule fois en République démocratique du Congo, et seulement dans la capitale, Kinshasa. « Je ne suis toujours pas allé dans l’est du Congo, par peur, honnêtement », dit-il. Il a fait ce voyage l’été dernier pour épouser sa femme, Jovany, qui lui a été présentée par une tante dans le pays. Le couple fait actuellement des démarches pour que Jovany puisse immigrer au Canada, et ils accueilleront un fils en mars.

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