ALENA - Chapitre 11 - Investissement

Poursuites contre le Gouvernement du Canada

Mobil Investments Canada Inc. et Murphy Oil Corporation c. le Gouvernement du Canada

Demandeur

Mobil Investments Canada Inc. (« Mobil ») et Murphy Oil Corporation (« Murphy ») sont deux entreprises constituées en société aux États‑Unis ayant des filiales au Canada. Mobil et Murphy détiennent chacune une participation dans deux projets d’exploitation pétrolière  au large de Terre‑Neuve-et-Labrador, connus sous le nom de projets pétroliers extracôtiers Hibernia et Terra Nova.

Articles

  • 1105 (Norme minimale de traitement)
  • 1106 (Prescriptions de résultats)

Dommages réclamés

66 millions de dollars canadiens

État actuel

Perdue. La majorité du tribunal déterminé que le Canada avait enfreint l’article 1106. Le tribunal a accordé 13.9 millions de dollars canadiens à Mobil et 3.4 millions de dollars canadiens à Murphy en dommages en plus des intérêts encourus. Le tribunal n’a pas accordé de frais.

Règlement d’arbitrage

Règlement du mécanisme supplémentaire du CIRDI

Résumé

Historique des procédures

Le 2 août 2007, Mobil a présenté une notification d’intention de soumettre une plainte à l’arbitrage et, le 7 août 2007, Murphy a présenté une notification semblable. Le 2 novembre 2007, Mobil Investments Canada Inc. et Murphy Oil Corporation ont ensemble présenté une notification d’arbitrage à l’encontre du gouvernement du Canada. Elles soutiennent que les lignes directrices sur les dépenses en recherche et développement adoptées par l’Office Canada–Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers (« Office ») ont causé, et continueront de causer, des dommages d’environ 66 millions de dollars à leurs investissements dans les projets Hibernia et Terra Nova.

Le Tribunal a tenu une audience en matière de responsabilité et de dommages à Washington (D.C.) en octobre 2010, puis il a rendu sa décision le 22 mai 2012 et prononcé sa sentence finale, accompagnée de la décision, le 22 février 2015.

Résumé des faits et nature des allégations

Mis sur pied aux termes de la législation fédérale et provinciale (les « Lois de mise en œuvre de l’Accord), l’Office réglemente les projets de mise en valeur des ressources pétrolières extracôtières à Terre-Neuve-et-Labrador. En novembre 2004, l’Office a adopté les lignes directrices sur les dépenses en recherche et développement de 2004 (« lignes directrices »), qui exigent que les exploitants de projets pétroliers extracôtiers affectent un certain pourcentage de leurs revenus à la recherche et au développement (R et D) ainsi qu’à l’éducation et à la formation dans la province de Terre‑Neuve-et-Labrador. L’Office a ajouté une nouvelle condition aux autorisations liées aux projets Hibernia et Terra Nova, soit celle obligeant les exploitants des champs pétrolifères à se conformer aux lignes directrices telles qu’établies par l’Office le 5 novembre 2004 et en vigueur à partir du 1er avril 2004. Même si les projets Hibernia et Terra Nova disposaient de plans de retombées économiques déjà approuvés, de nouvelles dépenses en R et D leur ont été imposées, conformément aux lignes directrices. En 2007, Mobil Investments Inc. et Murphy Oil Corporation, des investisseurs américains dans les  projets Terra Nova et Hibernia, intentèrent un recours concernant les lignes directrices de 2004 établies par l’Office.

Décision sur la responsabilité et sentence finale

Dans sa décision sur la responsabilité et les principes de quantum du 22 mai 2012, le Tribunal rejette la réclamation pour violation de l’article 1105, mais conclut que les lignes directrices sont incompatibles avec l’article 1106.

Le Tribunal reconnait le bien-fondé des arguments  du Canada à l’effet que le seuil de violation de l’article 1105 est élevé. Le Tribunal  convient du fait que la norme de l’article 1105 « est établie […] à un niveau qui protège à l’encontre des écarts de conduite extrêmes ». Quant à savoir si la conduite d’un État n’est pas à la hauteur de cette norme, le Tribunal est d’avis que le défaut de l’État de répondre aux attentes légitimes découlant de « représentations claires et explicites […] afin d’attirer les investissements » est un « facteur pertinent ». Le Tribunal soutient que, puisqu’il n’y a en l’espèce aucune preuve de représentations claires et explicites selon lesquelles les lignes directrices ne seraient pas mises en œuvre, il ne peut y avoir de violation de l’article 1105.

Par contre, le Tribunal accueille l’argument des demanderesses voulant que les lignes directrices soient incompatibles avec l’alinéa 1106(1)(c) de l’ALENA, lequel interdit l’imposition de toute prescription visant à « acheter, utiliser ou privilégier les produits ou les services produits ou fournis sur son territoire, ou acheter des produits ou services de personnes situées sur son territoire. »

Le Tribunal rejette l’argument du Canada voulant que le terme « services » utilisé à l’alinéa 1106(1)c) n’inclut pas la R et D ni l’éducation et la formation. Il rejette également l’argument du Canada voulant qu’il n’y ait aucune obligation d’acheter, d’utiliser ou de privilégier les produits ou les services locaux parce que, même s’il est « possible de donner quelques exemples indiquant que les exploitants ne sont pas nécessairement contraints d’acheter des biens ou services au pays […], la réalité est que la mise en œuvre des lignes directrices de 2004 vient, en pratique, obliger les dépenses locales. »

Finalement, le Tribunal rejette l’argument du Canada voulant qu’il n’existe aucune obligation « d’acheter, d’utiliser ou de privilégier » les « services fournis » puisque les requérantes peuvent respecter les prescriptions des lignes directrices en faisant de la R et D et de l’éducation et de la formation à l’interne. Le Tribunal soutient que rien dans l’alinéa 1106(1)(c) n’oblige à ce que le service soit fourni par une entité à une autre entité.

À deux contre un, le Tribunal rejette l’argument du Canada voulant que les lignes directrices soient exemptées des obligations de l’article 1106 parce qu’elles relèvent de la réserve prévue par le Canada à l’annexe I visant les Lois de mise en œuvre de l’Accord et des « mesures subordonnées » subséquentes. De l’avis de la majorité, pour être assujettie à la réserve concernant une mesure figurant à l’annexe I, la mesure subordonnée alléguée (les lignes directrices dans ce cas-ci) doit être adoptée aux termes non seulement de la mesure figurant à l’annexe 1 et conformément à celle‑ci (les Lois de mise en œuvre de l’Accord dans ce cas-ci), mais aussi des mesures subordonnées préalables pertinentes (comme les plans de retombées économiques des projets Hibernia et Terra Nova, que l’Office a approuvés avant l’adoption des lignes directrices). La majorité du Tribunal estime que les lignes directrices ne sont pas « conformes » aux plans de retombées économiques des projets Hibernia et Terra Nova et qu’elles ne constituent donc pas une mesure subordonnée visée par la réserve du Canada à l’annexe I.

Après avoir conclu que les lignes directrices ne sont pas conformes à l’article 1106 et ne sont pas assujetties à la réserve prévue pour les Lois de mise en œuvre de l’Accord, la majorité s’est penchée sur la question des dommages subis par les demanderesses à la suite de la violation du traité. Elle conclut finalement que l’évaluation des demanderesses  des dommages à venir est « extrêmement hasardeuse » et, tout compte fait, improbable. 

La majorité est également d’accord avec le Canada, qui estime que les demanderesses n’ont droit qu’aux « dommages réels », lesquels, à son avis, « surviennent lorsqu’il y a obligation ferme de faire un paiement et demande de paiement ou de dépense, ou lorsque le paiement ou la dépense a eu lieu ». La majorité suggère que les « dommages réels » constituent toute insuffisance des dépenses (les obligations aux termes des lignes directrices moins les dépenses ordinaires en R et D et en éducation et formation) garantie par billet à ordre, ligne de crédit ou tout autre type de cautionnement d’exécution.

À la majorité, le Tribunal invite les parties à lui faire d’autres présentations sur les « dommages réels » subis par les demanderesses à la suite de la violation de l’article 1106 avant qu’il ne prononce sa sentence finale sur le montant des dommages.

Le 20 février 2015, le Tribunal a prononcé sa sentence finale. À la majorité, il a accordé à Mobil Investments Canada Inc. la somme de 13,893 millions de dollars canadiens, plus intérêts, et à Murphy Oil Corporation la somme de 3,401 millions de dollars canadiens, plus intérêts,  en dommage pour la période allant de 2004 à 2012. Le Tribunal a statué que les parties devaient assumer leurs propres frais d’arbitrage.

Le 19 mai 2015, le Canada a déposé un avis de demande devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario à Toronto pour faire annuler la sentence prononcée par le Tribunal le 20 février 2015. Il allègue que le prononcé de responsabilité rendu par la majorité du Tribunal en mai 2012 sur la base de la non-application de la réserve prévue par le Canada à l’annexe I pour les Lois de mise en œuvre de l’Accord atlantique CanadaTerre-Neuve-et-Labrador excède la compétence du Tribunal. Le 16 février 2016, le Cour a rejeté l’application du Canada.

Le 4 avril 2016, le Canada a versé les dommages aux investisseurs - Le point sur Mobil Investments Canada Inc. et Murphy Oil Corp.

Documents juridiques (tous les documents sont présentés en format pdf)

Cet arbitrage a été régi selon le Règlement du mécanisme supplémentaire du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). Pour obtenir des documents supplémentaires relatifs à cet arbitrage, veuillez consulter le site Web du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (en anglais seulement).

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En anglais seulement

Demande d’annulation de la sentence présentée à la Cour supérieure de justice de l'Ontario

Le 19 mai 2015, le Canada déposait devant la Cour supérieure de justice de l'Ontario une demande d’annulation de la sentence soutenant que le Tribunal a outrepassé sa compétence.

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